124ème semaine
Du lundi 11 au dimanche 17
décembre 1916
MÊME PAS VINGT ANS
Marceau-François Pic, soldat au 61ème
Régiment d’Infanterie
Mort de maladie le 13 décembre 1916 à
Salon-de-Provence
Marceau-François Pic est né le 30 mai
1897 à Mialet. Normalement sa classe n’aurait dû être incorporée qu’en 1917, et
n’être jetée dans les batailles qu’après plusieurs mois d’instruction et
préparations diverses. Mais le feu dévore trop d’hommes pour que l’armée puisse
attendre : un décret de novembre 1915 annonce l’appel anticipé des jeunes
gens concernés, ils partiraient avec un an d’avance, soit à l’âge de 19 ans. C’est
ce qui se passe pour Marceau-François Pic, affecté au 61 RI, basé à Privas,
arrivé sur les champs de bataille à la mi-2016.
Un article de l’Éclair Comtois du 29
novembre 1915 essaie de justifier un appel si rapide et de rassurer les
familles concernées sur la date effective de l’engagement au combat qui attend
ces jeunes hommes. D’abord, pour faire comprendre que l’incorporation ne
signifiait pas la participation immédiate aux batailles, le rédacteur insiste
sur la durée de la formation, cinq à six mois, et sur l’immobilisation
nécessaire pour les vaccinations. En 1914, la fièvre typhoïde avait affecté des
dizaines de milliers de soldats de l’armée française, aussi les autorités
sanitaires décidèrent-t-elles d’une vaccination systématique qui commença
effectivement à la fin de 1915 et se généralisa en 1916. Quatre injections
étaient faites, espacées de 7 à 10 jours. Les effets indésirables fatiguaient
les hommes et la méfiance vis-à-vis des vaccins était grande. Mais le mois
pendant lequel se faisait cette vaccination
n’était donc pas un mois de combats.
Ensuite, le rédacteur annonce que le
Ministère de la Guerre a retardé au 15 décembre l’incorporation. En fait,
l’appel a été fait à la mi-janvier 1916. Enfin, se basant sur le sort de la
classe 1916, l’auteur prétend que celle-ci n’est toujours pas au front et
qu’elle est intacte en ce mois de décembre 1915. C’est largement vrai, mais les
offensives de Champagne et d’Artois fin septembre et début octobre ont déjà
affecté la classe 1916, même si c’est marginalement par rapport aux
précédentes.
Cette remarque tend à laisser entendre
que les hommes de la classe 1917 ne seront pas au front avant l’été 1916. Or,
quand on puise dans la base de données de Mémoire Des Hommes, on trouve, pour
1916, près de 600 soldats de la classe 1917 morts à la guerre. Avaient-ils
bénéficié de 6 à 7 mois de formation comme l’annonçait le rédacteur de l’Éclair
Comtois ? Alors, ils n’auraient pas dû être au front avant juillet-août 1916. Cela
semble vérifiable car s’il existe des exceptions, avec des morts dès février
1916, il s’agit d’engagés volontaires.
Il faut attendre l’automne et l’hiver
1916 pour trouver des soldats non engagés volontaires, morts au combat ou des
suites de leurs blessures. Encore sont-ils rares en comparaison de ceux des
classes précédentes.
Le journal ne mentait donc pas à ces
lecteurs quand il annonçait une montée au front retardée à l’été 1916. Ce fut
même un peu plus tard.
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Les "Bleuets" de la classe 1917 |
Début décembre 1915, le Ministère,
conscient des risques d’impopularité à appeler une classe si jeune, annonce des
conditions particulières pour son accueil : caserne salubre, couchage de
qualité, vêtements chauds (on est en hiver), alimentation améliorée. Ceux qu’on
allait appeler les « bleuets » au Chemin des Dames et qui n’avaient pas encore
vingt ans, forçaient l’attention.
En août 1916, le 61 RI occupe le
secteur de la côte du Poivre, dans la région de Verdun, sous un bombardement
incessant, harcelant l'ennemi par des reconnaissances et des patrouilles
offensives.
Relevé le 18 août, le régiment est
reformé et va occuper de septembre à décembre 1916 le secteur de Paissy (Chemin
des Dames).
C’est dans ce secteur qu’il y déjà de
terribles combats, où périront nombre des jeunes recrues de 1916, leur jeunesse
leur vaudra la compassion de ceux qui ont déjà deux ans de guerre derrière eux :
« Ils ont de bonnes figures, ouvertes et franches, un air de santé, mais
surtout un regard candide et confiant qui ne trompe pas quand il se pose pour
la première fois sur celui qui va être leur chef de guerre... Ils ne savent
rien de ce qui les attend, ni au physique, ni au moral : comment sauraient-ils
? ». Lieutenant de Montcel (5e Régiment d'infanterie coloniale) à propos
des "bleuets" du Chemin des Dames.
En décembre, le 61 RI est dirigé par
voie ferrée sur Toulouse, en vue de son prochain départ pour l'armée d'Orient,
à destination de Salonique.
Mais Marceau-François Pic ne fera pas ce voyage, il a été
hospitalisé à Salon-de-Provence, d’une « maladie imputable au service »,
et il meurt le 13 décembre 1916, six mois avant d’atteindre ses 20 ans. Il
figure sur le monument aux morts de la commune.
A suivre…