147ème
semaine
Du
lundi 20 au dimanche 26 mai 1917
LES
DÉCORATIONS FRANÇAISES
De nombreuses familles françaises
gardent encore dans leurs tiroirs telle ou telle médaille ayant été reçue par
un grand-père, mort pendant la guerre de 14-18, ou revenu vivant et décoré. Mais
peu de ces familles savent identifier ces médailles, en voici donc la
description.
La phaléristique (dérivée du mot
phalère) est une science auxiliaire de l'histoire qui a pour objet l'étude des
ordres, décorations et médailles. L'apport de cette science auxiliaire est de
déchiffrer et comprendre la présence d'ordres, décorations et médailles sur
différents supports (tableaux, photographies, armoiries, papiers, monuments).
La guerre de 14-18 a évidemment
entraîné la floraison d’une vaste distribution de décorations militaires,
certaines comme la légion d’honneur ou la médaille militaire existaient déjà, d’autres,
comme la croix de guerre, ont été créée pour la circonstance.
Au début des hostilités, les croix
de la Légion d’honneur et les médailles militaires, qui doivent récompenser les
innombrables actes d’héroïsme, sont distribuées avec parcimonie. En effet, le
haut commandement se garde de galvauder ces prestigieuses décorations par une
distribution trop généreuse. En outre, leur attribution s’accompagne d’une
rente viagère, qui pèserait sur le budget de l’État. Pourtant, le commandement
est conscient de la nécessité de récompenser les hommes. Dans un premier temps,
certains soldats, sous-officiers et officiers sont cités à l’ordre de leurs
unités. Quelques régiments obtiennent des citations collectives et des
inscriptions nouvelles sont portées sur les emblèmes. Ces récompenses
individuelles et collectives, en étant inscrites au Journal officiel, sont
portées à la connaissance de la Nation et de la troupe. Cependant, l’écho de
ces récompenses reste faible. En outre, dans les rangs, on s’étonne de voir des
soldats alliés et ennemis porter des décorations. Dès lors, quelques
initiatives personnelles voient le jour : des chefs de corps prennent la
décision de décorer leurs soldats avec des médailles non réglementaires. À la
fin de l’année 1914 commencent les premières discussions qui aboutissent à la
loi du 8 avril 1915, laquelle crée une décoration dite « croix de guerre ».
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Joffre remettant des décorations |
À partir du printemps 1915, les
décorations et signes distinctifs de reconnaissance se multiplient. Leur nombre
augmente après les hostilités. Ils sont distribués aux militaires, mais aussi
aux civils, hommes, femmes et enfants, aux animaux, aux villes, aux corps de
troupe, etc. Après la Première Guerre mondiale, l’armée française reste engagée
sur plusieurs théâtres d’opérations extérieurs (Levant, Orient, Maroc). Par
conséquent, une croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures est créée
en 1921. Enfin, pendant les années 1920 et 1930, les autorités souhaitent
récompenser et honorer les anciens soldats et toutes les victimes de la guerre,
y compris les civils. De nombreuses décorations commémoratives sont destinées
aux seuls anciens combattants.
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Les trois décorations françaises présentées dans l'Illustration en 1916 |
1 – La Légion d’honneur
Romaine par son nom (inspirée par
la Legio honoratorum conscripta de
l’Antiquité), par son symbolisme (les aigles) et son organisation (seize
cohortes pour la France), la Légion d’honneur infléchit la tradition des ordres
d’Ancien Régime en étant ouverte à tous, et non plus seulement aux officiers.
Comme certains, tel le ministre de la guerre Berthier, y voient une atteinte au
principe de l’égalité civique et considèrent les décorations comme des hochets
de la monarchie, Bonaparte, en conseil d’État, justifie cette institution : « Je vous défie de me montrer une république,
ancienne ou moderne, qui sût se faire sans distinctions. Vous les appelez les
hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. »
La Révolution française avait en
effet aboli toutes les décorations de l’Ancien Régime. L’Assemblée constituante
avait créé la Décoration militaire, bientôt elle aussi supprimée. Sous la
Convention, les généraux avaient pris pour habitude d’attribuer des armes
d’honneur (fusil d’honneur, sabre d’honneur, ou encore tambour d’honneur) pour
récompenser les actes de bravoure.
Le projet de loi est discuté
devant le Conseil d'État à partir du 14 floréal an X (4 mai 1802) : Bonaparte y
intervient personnellement et pèse de tout son poids pour soutenir la nécessité
de distinctions, pour repousser la création d'un ordre strictement militaire et
pour réfuter les accusations de retour à l'Ancien Régime. Le projet est adopté
par 14 voix contre 10. Saisi du projet le 17 mai, le Tribunat, qui avait nommé
Lucien Bonaparte rapporteur, l'approuve par 56 voix contre 38, malgré
l'opposition jacobine qui craint la restauration d'une nouvelle aristocratie et
une entorse au principe révolutionnaire d'égalité. Lucien Bonaparte,
Pierre-Louis Roederer, Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont et Mathieu
Dumas défendent tant et si bien le texte de loi qu'il est adopté le 29 floréal
an X (19 mai 1802), par le Corps législatif. La loi n'est signée et scellée par
le Premier consul que le 9 prairial an X (29 mai 1802). Le premier grand
chancelier nommé le 14 août 1803 est un civil (qui restera le seul civil à
cette fonction), Bernard de la Ville-sur-Illon, comte de Lacépède.
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Légion d'honneur |
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Médaille de St-Louis |
Les insignes sont fixés par décret
le 22 messidor an XII (11 juillet 1804) : une étoile d'argent pour les
légionnaires, une étoile d'or pour les autres grades. Par bien des aspects, ces
insignes rappellent visuellement ceux de l'ordre de Saint-Louis, créé par Louis
XIV pour honorer les officiers et supprimé en 1792 : le ruban rouge, les
branches en croix de Malte pommetées et émaillée de blanc de l'étoile, qui
supporte un médaillon central doré à la bordure émaillée de bleu.
Les premières nominations sont
publiées en septembre 1803. Quatre grades sont créés : « légionnaire », «
officier », « commandant » et « grand officier ». Le 26 messidor (15 juillet
1804) a lieu en la chapelle des Invalides la toute première remise de Légion
d’honneur par Napoléon Bonaparte aux officiers méritants au cours d’une
fastueuse cérémonie officielle, la première de l’Empire. La remise des insignes
se fait selon un appel alphabétique des récipiendaires (tous des civils), signe
de respect par le nouveau régime du principe révolutionnaire d’égalité.
Napoléon décore pour la première fois des militaires lors de la deuxième
cérémonie au Camp de Boulogne le 16 août 1804. La légion d'honneur s'adresse
dès les origines aussi bien aux civils qu'aux militaires, on prête d'ailleurs à
Napoléon la célèbre phrase : « Je veux
décorer mes soldats et mes savants ».
Pour ce qui concerne la guerre de 1914-1918,
il est difficile d’évaluer le nombre des décorés, aucune statistique n’ayant été,
à notre connaissance, publiée, pas même sur les sites des archives de la guerre
ou de la Légion d’Honneur.
Un document–répertoire publié par L’Illustration
est néanmoins important à cet égard, c’est le suivant :
LE
TABLEAU D'HONNEUR
de
la Guerre 1914 - 1918
OFFICIERS,
SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS CITES A L'ORDRE DE L'ARMEE
NOMMES
OU PROMUS DANS LA LEGION D'HONNEUR
OU
DECORES DE LA MEDAILLE MILITAIRE
Il s'agit d'une série de planches,
dont la parution commence le 30 janvier 1915. Elles contiennent chacune 25 à 28
portraits et noms de personnages ayant été "cités à l'ordre de l'armée,
nommés ou promus dans l'ordre de la Légion d'honneur ou décorés de la médaille
militaire". En principe elles ne comportent pas d'indication d'origine.
Les 416 premières planches, ont
été éditées dans L'Illustration sous forme de fascicules de quatre planches du
30 janvier 1915 au 30 juin 1917. Le journal demandait directement à ses
lecteurs de lui envoyer une photographie des décorés qu'ils connaissaient
(famille ou amis), à la simple condition que le motif de la décoration figurât
dans le Bulletin des Armées.
Si dans un premier temps, les
planches paraissaient en supplément quasi régulier du journal, L'Illustration a
ensuite choisi de les publier indépendamment, et ce pour des raisons
financières : à partir de juillet 1917, le Tableau d'honneur parut seul et
mensuellement, par fascicules de 16 planches. A la fin de la guerre, plus
précisément en février 1919, L'illustration avait fait publier 658 planches
totalisant 16 486 médaillés.
2 – La Médaille militaire
La médaille militaire est une
décoration française, instituée le 22 janvier 1852 par Louis-Napoléon Bonaparte
pour récompenser les militaires ou assimilés, non-officiers. Elle est décernée
par le président de la République sur proposition du ministre de la Défense.
Elle est parfois appelée Médaille
des braves ou bijou de la nation.
Elle récompense à la fois les
hommes du rang, sous-officiers, officiers mariniers et aspirants et, à titre
exceptionnel, les généraux ayant commandé en chef devant l'ennemi.
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La Première Guerre mondiale marque
une étape importante dans l’histoire de la Légion d’honneur et de la Médaille
militaire. Au total, l’immense hécatombe de la Première Guerre mondiale a
entraîné l’attribution de 1 400 000 Médailles Militaires, la plupart à titre
posthume. Environ 185 000 médailles militaires ont été conférées durant les
hostilités, 58 000 par arrêtés ministériels postérieurs à la cessation des
hostilités. Au 24 octobre 1923, environ un million de médailles militaires
avaient déjà été décernées à titre posthume à des militaires et marins morts
pour la France.
3 – La Croix de guerre
La croix de guerre 1914-1918 est
une décoration militaire attribuée pour récompenser l'octroi d'une citation par
le commandement militaire pour conduite exceptionnelle au cours de la Première
Guerre mondiale.
Durant la Première Guerre
mondiale, le besoin de créer une récompense pour les combattants s'est fait
sentir très rapidement. Il existait bien la « citation à l'ordre du jour »,
mais ce n'était qu'un témoignage écrit, dans les communiqués, les états de service
et le livret militaire. Cette décoration administrative devait laisser place à
un signe distinctif clair et visible, qui permettait au chef de décorer les
plus vaillants de ses soldats sur les lieux même des combats.
En mars 1914, avant le début de la
guerre, le député Henri Tournade avait déjà déposé une proposition de loi afin
d'instituer, pour les combattants, une médaille dite de la valeur militaire.
Mais ce projet avait alors été repoussé par la commission de la Guerre.
À la fin de l'année 1914, le
général Boëlle, commandant alors le IVe Corps, tente de convaincre
l'administration de la nécessité de la création d'une telle décoration. Il
réussira à convaincre un député, l'écrivain Maurice Barrès, député de Paris et
chantre du patriotisme, de proposer un projet de médaille pour décorer les
soldats, après un exploit particulier.
Le 23 décembre 1914, le député
Georges Bonnefous dépose un projet de loi, signé par 66 députés visant à créer
une médaille dite de la Valeur militaire. Le député Émile Driant, qui siège
alors au parlement entre deux séjours au front, se fait tout naturellement le
porte-parole d'un projet qu'il avait déjà ébauché, alors qu'il était aide de
camp du ministre de la Guerre, le général Boulanger.
Le 4 février 1915, Émile Driant
présente et soutient devant l'Assemblée nationale, le rapport de la commission
de l'armée. « Créons un ordre
récompensant la valeur militaire, mais en lui donnant un nom bref qui sonne
clairement et qui, à lui seul, exclut la faveur de l'ancienneté ». On
l'appellera la Croix de guerre, ce sera une croix de bronze clair, à quatre
branches, surmontée d'une couronne de lauriers, et suspendue à un ruban vert
uni, le vert de la médaille de 1870-1871, débarrassé des rayures noires qui
symbolisaient le deuil de l'autre siècle.
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Après d'âpres discussions au sein
des deux chambres, la loi est votée le 2 avril 1915, et promulguée le 8 du même
mois.
Ainsi on peut lire dans
L'Illustration du 1er mai 1915 l'article suivant : « Le gouvernement vient d'adopter le modèle de la croix de guerre appelée
à récompenser les belles actions sans nombre que cette campagne voit se multiplier
au jour le jour. Le journal officiel du samedi dernier 24 avril 1915 a
enregistré le décret présidentiel qui termine les conditions dans lesquelles
sera décernée cette enviable récompense et donne la description de l'insigne.
» Aux termes de ce décret, la croix de guerre est conférée de plein droit aux
militaires des armées de terre et de mer, français ou étrangers, qui ont
obtenu, pour fait de guerre pendant la durée des opérations contre l'Allemagne
et ses alliés, une citation à l'ordre d'une armée, d'un corps d'armée, d'une
division, d'une brigade. Elle est également conférée en même temps que la
Légion d'honneur ou la Médaille militaire aux militaires ou civils non cités à
l'ordre, mais dont la décoration a été accompagnée, au journal officiel, de
motifs équivalant à une citation à l'ordre de l'armée pour action d'éclat.
Enfin, les villes martyres, les villages entièrement détruits ou les cités
ayant résisté héroïquement se verront attribuer la Croix de guerre, qui
figurera à la place d'honneur dans leurs armoiries.
A suivre…
Sources : Essentiellement les articles de Wikipédia
Nécrologie des deux Marjoulet, Anduziens, parue dans le tableau d'honneur de l’Illustration (Voir semaine 28 de ce blog) |