24ème semaine
Du lundi
11 au dimanche 17 janvier 1915
DANS LA
VILLE D’ALAIS
En 1914 Alès, alors
appelé Alais, est une ville industrielle, avec ses mines et ses ateliers de
sidérurgie. Du point de vue politique elle est « rouge », comme le
reste du Gard. Aux législatives de 1914 elle a élu sans mal Louis Mourier
(1873-1960), radical-socialiste. Mais les relations de la région avec ses
mineurs est néanmoins tumultueuse. Le travail dans la mine est dangereux. En 1896,
24 mineurs ont été tués à Fontanes-Rochebelle par un coup de grisou. En 1912, encore 24 morts suite à un dégagement instantané au puits n°1 de
St-Martin-de-Valgalgues. Il y a de nombreuses grèves, sévèrement
réprimées : en 1890, grève générale dans les mines : 701 renvois. En
1896-1897, grève à Rochebelle et à la
Grand'Combe
: 1246 licenciements. En 1902 :
grève générale dans les mines : 288 licenciements.
Les propriétaires et
exploitants des mines donnent la préférence aux catholiques, censés être moins
rebelles que les protestants. Mais surtout ils craignent par-dessus tout la
main d’œuvre étrangère, soupçonnée de propager les doctrines révolutionnaires.
En 1910 il n’y a que 50 ouvriers étrangers dans le Bassin Houiller du Gard. En
1913 il y en a plus : Rochebelle est la première mine à employer des
étrangers en nombre : 277 étrangers
dont 153 Espagnols.
Début 1914 les
mineurs de Banne et du Gard ont fait grève du 24 février au 3 mars (en hiver
quand les besoins en charbon étaient plus importants) pour la création d’une
caisse autonome de retraite et l’unification des retraites. La date de cette
grève avait été fixée lors du Congrès national de Lens tenu du 27 au 31
janvier.
Lors de la
mobilisation les mineurs sont appelés comme les autres : à Rochebelle 340
mineurs doivent partir à la guerre, à la Grand'Combe
1476 mineurs (les plus jeunes) prennent le chemin du front (304 y seront tués).
Comme partout en
France le Conseil Municipal d’Alès est convoqué dès le jour de la mobilisation.
Séance du 2 août 1914
M. Le président fait
l’exposé des motifs qui ont nécessité la réunion de ce jour et sur sa
proposition le conseil municipal vote une somme de 25 000 frs pour
subvenir aux frais de toutes sortes nécessités par la mobilisation et pour
l’entretien des familles nécessiteuses des militaires mobilisés.
Le conseil municipal
décide de nommer une commission extra municipale qui sera composée des membres
du bureau de bienfaisance, de l’hospice, des anciens maires, et des personnes qui
représentent les divers quartiers.
Le conseil municipal
décide d’acheter 10 revolvers pour la garde civique. Cette dépense sera payée
par l’autorité militaire. M. Cosimi est désigné pour faire cet achat.
Séance du 9 août 1914
M. Cosimi fait
connaître qu’il n’a pas pu donner suite à la mission que lui avait confiée le
conseil municipal pour l’achat des revolvers devant servir à la garde civique.
Ces armes étant d’un prix trop élevé, il n’a pas cru devoir les acheter.
Le conseil
municipal, considérant que les commerçants et industriels de la ville d’Alais
exigent, à raison de la mobilisation le paiement comptant de toutes les
fournitures et des travaux effectués pour le compte de la commune, considérant
que la commune doit d’autre part faire des avances importantes pour le compte
du département et de l’Etat. Par suite de l’insuffisance des revenus ordinaires
autorise M. le maire à se servir pour le paiement des dépenses nécessaires des
revenus des centimes extraordinaires pour le remboursement des emprunts.
L’autorise à surseoir au paiement des annuités d’emprunt et à payer des intérêts de retard aux
établissements prêteurs.
Sur la proposition
de M. le maire le conseil municipal à l’unanimité vote des félicitations aux
jeunes boys-scouts de la section d’Alais ainsi qu’à leurs dévoués chefs MM.
Bernard frères pour le dévouement inlassable dont ils ont fait preuve pendant
la mobilisation. Disciplinés, alertes et dévoués, les jeunes boys-scouts d’Alais
continuent à être de précieux auxiliaires à qui le conseil municipal est
heureux de rendre un public hommage.
M. Le maire fait
l’exposé de la situation financière et des secours qui ont été distribués
jusqu’à ce jour. Il propose au conseil municipal de voter une nouvelle somme de
25 000 frs pour subvenir aux frais de toute sorte nécessités par la
mobilisation et pour l’entretien des familles nécessiteuses des militaires
mobilisés. Cette proposition et adopté à l’unanimité.
Sur la proposition
de M. Le maire, le conseil municipal décide qu’une somme de 5000 frs sera
employée pour l’entretien des chemins ruraux. Cette dépense aura le double but
de remettre en état des voies de communication qui sont dans un état lamentable
par suite des orages de ces temps derniers, et surtout permettra à la
municipalité d’assister par le travail des ouvriers atteints par le chômage.
Séance du 16 août 1914
M. Le maire présente
les condoléances du conseil municipal à M. Le conseiller Fesquet qui vient d’être
frappé dans ses affections les plus chères. Il remercie ensuite ses collègues pour
les marques de sympathie et de solidarité qu’ils n’ont cessé de lui témoigner
depuis le début des hostilités. Il espère que cette union durera jusqu’au bout,
et qu’elle produira les meilleurs résultats.
Séance du 23 août 1914
M. Le maire fait
connaître au conseil municipal que le directeur du service des eaux a reçu une
lettre des dames de la Croix-Rouge dans laquelle elles demandent qu’on leur vienne
en aide en leur accordant la gratuité de l’eau qui sera dépensé à la clinique de
la rue Mistral, où elles ont installé leur ambulance. Le conseil municipal à
l’unanimité décide de leur donner satisfaction.
Par une lettre
adressée à M. Le maire, M. Donnat se faisant l’interprète des habitants du
quartier des Allemandes propose au conseil municipal de changer le nom de ce
quartier par celui d’Alsace ou de l’Avenir. Après discussion, le conseil
municipal accepte en principe et décide de renvoyer la question à la séance de
dimanche prochain, pour permettre aux conseillers municipaux d’enquêter sur
l’origine de l’appellation incriminée et sur le nom qui pourrait la remplacer.
M. Le maire donne
lecture d’une lettre demandant à ce que la municipalité prenne l’initiative de
faire des envois de vin aux soldats qui sont aux armées. Il en sera donné avis
à la population.
Séance du 30 août 1914
La proposition de M.
Donnat concernant les Allemandes, qui devait être solutionnée à cette séance,
est renvoyée à nouveau à la prochaine réunion du conseil. M. Dastarac ayant
présenté quelques observations est chargé de faire une enquête.
Une demande de
secours formulé par les dames de la Croix-Rouge de Nîmes est rejetée. Le
conseil municipal estime qu’il faut d’abord secourir les sections d’Alais.
Séance du 6 septembre 1914
M. Le deuxième
adjoint, faisant fonction de maire, a exposé au conseil qu’en l’absence du
Maire retenu par ses obligations militaires, et en présence de la démission du
premier adjoint, il a seul la charge de l’administration de la ville pendant la
durée des hostilités. Il déclare qu’il est prêt à remplir la tâche difficile
qui lui incombe, si aucun moyen légal ne lui permet de se faire seconder, mais
il pense que l’interprétation de l’article 84 de la loi municipale permettrait
au conseil de désigner des adjoints provisoires qui l’aideraient à faire face
aux nombreuses difficultés qui se présentent chaque jour et qui partageraient
avec lui les responsabilités de la direction des affaires municipales. Désireux
de faire appel à toutes les bonnes volontés dans un temps où la France entière,
sans distinction de parti, s’est levée en masse pour la défense du patrimoine
commun sous les plis d’un seul drapeau, il estime qu’il conviendrait que la
minorité du conseil soit représentée dans le sein de la municipalité. Il est
persuadé qu’une telle mesure serait favorablement accueillie par la population
tout entière et permettrait à certains dévouements de se manifester de façon
plus utile et profitable. Après un échange de vues, le conseil, après en avoir
délibéré, approuve hautement l’initiative de M. Le deuxième adjoint faisant
fonction de maire, et le charge de présenter à l’agrément de M. Le préfet les
noms de MM. Lévy et Dastarac, unanimement désignés comme étant de nature à
répondre aux préoccupations de M. Le maire.
M. Le maire
communique au conseil municipal la lettre qui a été adressée par la commission
extra-municipale de l’alimentation à M. Le directeur des Salins du midi à
Montpellier relative à l’extrême urgence de se pourvoir de sel pour les besoins
de la ville d’Alais et de l’arrondissement. La commune a prié M. Le président
de la chambre de commerce d’émettre un vœu pour appuyer cette demande. Le conseil
municipal désigne M. Proudon comme délégué et lui donne tout pouvoir pour
intervenir auprès de la direction des Salins du midi.
Séance du 13 septembre 1914
Installation des adjoints provisoires. M. Dastarac et Lévy acceptent les fonctions qui leur
sont confiées. Ils remercient le conseil municipal et M. Le préfet de la marque
de confiance dont ils ont été l’objet. Ils déclarent que tous leurs efforts
tendront à la bonne marche des affaires municipales. Dans un à propos du plus
brillant patriotisme, M. Dastarac fait remarquer que ces installations
coïncident avec une brillante victoire de nos armées. Il s’en félicite et
désire que nos succès aillent toujours en progressant.
Quartier des Allemandes. Le conseil municipal, après explications fournies
par M. Dastarac et sur proposition de M. Donnat demandant à ce qu’on remplace
le nom des Allemandes par celui d’Alsace émet le vœu suivant : le conseil,
vu les circonstances actuelles et sur la demande de la population tout entière
du quartier des Allemandes émet le vœu que ce nom soit changé et remplacé par
celui plus patriotique de quartier d’Alsace. Le conseil invite l’administration
supérieure à informer les services intéressés de cette décision pour tous les
changements qui pourraient être nécessaires sur les bornes kilométriques ou les
poteaux indicateurs.
Hospice. M. Le
président expose au conseil municipal que la municipalité s’est préoccupé de
prendre les dispositions utiles en vue de parer aux épidémies éventuelles
pouvant survenir dans la commune. A cet effet un projet est actuellement à l’étude,
il consisterait à évacuer de l’hospice les vieillards et les orphelins. Cette
évacuation permettrait d’avoir dans l’hôpital une centaine de lits disponibles
pour être réservé aux contagieux civils ou militaires. M. De Ramel a
gracieusement mis à la disposition de la commission administrative de l’hospice
son château de Rivière de Thérargues où les orphelins et orphelines pourraient être installés pendant
tout le temps nécessaire. En ce qui concerne les vieillards, la municipalité a reconnu
plusieurs immeubles qui pourraient être aménagés, mais rien n’a été décidé de
ce chef. Sur la proposition de M. Espérandieu, le conseil municipal adresse à
M. de Ramel ses chaleureux remerciements pour son offre généreuse.
Séance du 30 octobre 1914
Dépôt de disciplinaires. M. Le maire expose au conseil municipal qu’ayant été
informé officiellement par l’autorité militaire qu’elle se proposait d’envoyer
à Alais un dépôt de 1000 disciplinaires des bataillons d’Afrique, et cette
nouvelle inattendue ayant provoqué une profonde et légitime émotion dans la population,
il a convoqué d’urgence le conseil municipal, il donne lecture de la lettre de
protestation l’union commerciale et industrielle.
Le conseil
municipal, sur la proposition de M. Le maire, après en avoir délibéré :
Considérant que
depuis le début de la guerre, la commune d’Alais malgré l’état précaire de ses
finances n’a pas hésité à s’imposer les sacrifices très lourds que comportait
la situation présente, qu’elle a d’abord hospitalisé des réfugiés belges et
français puis les étrangers soumis à la surveillance administrative,
Que de plus, elle
abrite à l’heure actuelle dans l’hôpital civil et militaire et dans sept
hôpitaux temporaires près de 1200 blessés auxquels, avec un dévouement et une
abnégation dont on ne saurait trop la louer, la population tout entière ne
cesse de prodiguer ses soins aux prix des plus grands sacrifices financiers.
Qu’enfin un dépôt important de convalescents nous est destiné,
Considérant d’autre
part que la ville ne possède aucun bâtiment soit civil soit militaire qui, par
son aménagement, puisse permettre la surveillance d’un contingent de telle nature,
Considérant que
l’introduction d’un pareil élément au sein d’une population presque uniquement
ouvrière est de nature à créer un grave danger pour l’ordre public, lequel ne
saurait être assuré avec les faibles moyens dont dispose la municipalité,
Le conseil, à
l’unanimité, charge M. Le maire de transmettre d’urgence sa protestation à M.
Le ministre de la guerre, en le priant instamment de vouloir bien faire diriger
les contingents de disciplinaire destiné à Alais, sur un autre point du
territoire, où le casernement de ces militaires ne présentera pas les graves
inconvénients exposés plus haut. M. Le ministre éviterait ainsi à la ville d’Alais
une épreuve au dessus de ses forces.
Séance du 24 novembre 1914
Circulation des trains. Voeu. Suite à la proposition de M. Lévy premier
adjoint le conseil émet le voeu suivant : considérant qu’en l’état actuel
de la situation commerciale, il est de toute nécessité par tous les moyens
possibles de favoriser la reprise des relations d’affaires entre Alais et les
villes voisines, et qu’il y a lieu dans cet ordre d’idée d’en assurer l’essor
par des moyens de communication plus nombreuses sur les voies ferrées. Le
conseil municipal émet le vœu que la compagnie PLM remette en marche à bref
délai les trains du matin se dirigeant l’un sur Sainte-Cécile d’Andorge (pour
favoriser les relations avec la Lozère) et l’autre vers Saint-Paul le Jeune
(pour favoriser les relations avec l’Ardèche). Ces trains s’arrêtant entre
toutes les stations intermédiaires favoriseraient également le commerce avec
les villes importantes de la région, Bessèges, Saint-Ambroix, Salindres, la Grand Combe, etc etc. L’absence de ces
trains cause un préjudice considérable à Alais qui se trouve privée du
principal facteur commercial entre de nombreuses localités voisines. En
attendant la mise en marche des trains réguliers, la compagnie pourrait
transformer en trains mixtes (marchandises et voyageurs) les trains du matin. Ce
voeu est adopté à l’unanimité.
Secours aux blessés militaires. Le conseil municipal alloue une subvention
forfaitaire de 307 frs au comité de secours pour les des militaires blessés. Le
conseil municipal alloue également une subvention forfaitaire de 13 frs au comité
de secours des militaires blessés, cette somme devant être spécialement affectée
aux militaires en traitement à la clinique Mistral.
A
suivre…