NIER VERDUN

85ème semaine

Du lundi 13 au dimanche 19 mars 1916

L’ARTILLERIE A VERDUN

Marcel-Fernand Fesquet, 
5ème régiment d’Artillerie de Campagne,
mort le 19 mars 1916 à Cumières (Meuse)


En 1914, au moment de la mobilisation, le 5° R.A.C. est basé à Besançon. Il est aussitôt envoyé vers Belfort pour participer aux premières offensives françaises. Il franchit la frontière vers Mulhouse, puis se replie. A noter : ce régiment est commandé par le Colonel Nivelle, il détruit un groupe d'artillerie allemand au combat de Dornach, ce qui amène la capture de 18 canons allemands de 77mm. A la suite de ce succès le Colonel Nivelle est porté en triomphe par des fantassins, cas probablement unique dans les annales de la guerre et qui explique en partie l'extraordinaire avancement de ce colonel qui sera sévèrement jugé en 1917 lorsqu'il assumera les responsabilités des tragiques offensives d'avril 1917. Marcel-Fernand Fesquet est sous-lieutenant dans ce régiment. Etudiant en mathématiques au moment de son immatriculation en 1910, il a contracté en 1912, au moment de son entrée à l’Ecole Centrale, un engagement spécial de 5 ans. Quand la guerre éclate il passe du rang de 2ème canonnier à celui de sous-lieutenant de réserve et il est aussitôt affecté au 47ème régiment d’artillerie. En juillet 1915, il est versé dans le 5ème régiment d’artillerie. Il est célibataire.


Pour l’instant, fin février-début mars 1916, ce régiment d’artillerie de campagne est affecté d’urgence à la défense de Verdun, où se retrouve, pêle-mêle, tout ce que l’Etat-major a pu récupérer. L’écrivain André Joubert écrit en 1922 : « Ils n'étaient pas des néophytes du front, les hommes qui, après l'attaque imprévue du 21 février, venaient à Verdun. Ils avaient connu toutes les misères, couru tous les dangers. Ils ne connaissaient plus la peur. Ils allaient indifférents, stoïques, inconscients, comme dans un rêve... Ils étaient accoutumés. Ils étaient les survivants des meurtriers combats de l'Argonne et de l'offensive manquée de Champagne. Mais quand, à un détour de la route encaissée, dans la nuit profonde, ils purent voir plus loin que la forêt, le spectacle indescriptible qui s'offrit les fit arrêter d'horreur. Ils étaient au centre d'une circonférence de feu, ininterrompue, circonférence d'astres éphémères où l'or se mêlait aux émeraudes et aux rubis, comme un collier précieux qui les eût enserrés.
Droit devant eux, c'était le Mort-Homme et la cote 304 ; à droite, les Hauts-de-Meuse ; à gauche, Avocourt et son réduit imprenable ; en arrière, les avancées de la Woëvre. Inoubliable coup d’œil qu'une plume ne saurait rendre : il faudrait la palette riche d'un Goya ou d'un Vélasquez. C'est devant de tels tableaux que l'homme constate la vanité de son effort, l'impuissance de sa rage, le vide de son cerveau, le néant des sociétés, l'imbécillité des nations, le mensonge de la science, la vérité éternelle de l'art, la beauté des songes, la sagesse des poèmes d'amour...
C'était le 11 mars 1916, au bois Le Bouchet, en arrière des bois Bourrus. Dans l'après-midi, les chefs de bataillons avaient été reconnaître le terrain et le spectacle qu'ils avaient eu sous les yeux les avait fortement impressionnés. La plupart dissimulèrent au retour leur sentiment, mais l'un d'eux qui sortait d'un état-major d'Armée et qui allait recevoir le baptême du feu, fit appeler, à sa rentrée au bivouac, l'aumônier et lui dit : « Donnez-nous l'absolution. Nous sommes tous foutus ». A la nuit tombante, les régiments se mirent en route, en colonne par un, pour relever les troupes en ligne. La mort était proche, sournoise. Et les âmes se faisaient plus farouches. Le silence régnait parmi les soldats, dans le déchirement sinistre des obus, dans le long hurlement triste des canons déchaînés.
Pas de boyaux. Trajet long, zig-zagué, compliqué, par des pistes boueuses et collantes sous bois et dans la plaine, entre le rû « La Claire » et le village de Chattancourt où quelques maisons flambaient, montrant, dans le rougeoiement de l'incendie, la silhouette noire du clocher de l'église. Pas d'incidents. Quelques rares schrapnells. Pas un coup de fusil, pas de tac-tac de mitrailleuses. Beaucoup de fusées éclairantes. Un calme plus impressionnant que le tumulte du combat. A Chattancourt, des guides attendaient les troupes pour leur indiquer les emplacements où se tenaient les régiments relevés. Il n'y avait pas de tranchées. Par ci, par là, se tenaient des îlots de poilus, dans des trous d'obus : c'étaient les premières lignes ».


Dans cette bataille de Verdun, l’artillerie a joué un rôle déterminant. Et pas seulement la lourde ou très lourde artillerie avec laquelle les Allemands avaient pilonné la zone au début de leur offensive, mais aussi l’artillerie de campagne, celle des fameux 75, celle que l’on pouvait déplacer et installer au plus proche de la prise ou de la défense d’un territoire. Ce qui fait que les batteries comme celles du 5ème RAC, là où servait Marcel-Fernand Fesquet, pouvaient se retrouver sur le terrain même du combat.

Sur ce sujet de l’artillerie, le général Pétain, appelé à la rescousse pour défendre Verdun, a dès le 1er mars pris un certain nombre de mesures précises. Il veut que le nombre des batteries sur le front de Verdun décuple et ne cesse de demander plus de canons au Q.G. de Chantilly. Il éduque également ses généraux sur sa vision de l'artillerie, afin qu'ils emplois leurs canons beaucoup plus, dans de meilleurs condition et avec beaucoup plus d'efficacité : " Je ne cessais de stimuler l'activité de l'artillerie. Lorsque les agents de liaison des corps d'armée, venue au rapport quotidien de Souilly, m'exposaient par le menu les combats engagés sur leurs fronts respectifs, je ne manquais pas de leur couper la parole par cette interrogation :
- Qu’a fait votre batterie ? Nous parlerons ensuite des autres détails.
Au début, les réponses étaient confuses… Mais comme je m'en irritais, ma préoccupation dominante se répercutait dans les états-majors intéressés, dont les comptes rendus marquèrent bientôt un sensible progrès. Notre artillerie, suivant mes directives, prenait l'offensive par des concentrations de feux qui étaient de véritables opérations, soigneusement préparées et qui, sans lui causer de pertes, en produisaient chez l'ennemi.
Je répétais constamment : Il faut que l'artillerie donne à l'infanterie l'impression qu'elle la soutient et qu'elle n'est pas dominée ! ".

Cependant, malgré toute l'énergie déployée par Pétain, il doit faire face au Grand Q.G. qui rechigne à mobiliser de lourds moyens sur Verdun. La bataille de la Marne est en préparation et semble plus importante. Ce n'est qu'au compte goute que de nouvelles batteries sont envoyées. Témoignage du commandant P... : " Comment peut-on dire qu'au six mars, l'équilibre des forces adverses en infanterie et en artillerie de campagne, sinon en artillerie lourde, est réalisé ? On savait à la 2e Armée que les effectifs allemands accumulés sur le front étaient formidables, mais, fidèle à la tactique qu'il dû instaurer pour cacher ses lourdes responsabilités, le G.Q.G. a toujours "nié Verdun". Il était beaucoup plus facile de déclarer que Verdun était une attaque comme les autres ; toutes les fois où un officier de l'état-major de la 2e Armée allait en liaison au G.Q.G., il trouvait au 3e bureau des petits rires goguenards "Ah ! Tu vas encore essayer de nous faire croire à Verdun."

Mais sur le terrain la réalité de l’ampleur des moyens mis en œuvre par les Allemands se confirme chaque jour.

6 mars - Les Allemands veulent empêcher les Français de contre-attaquer sur le village de Douaumont. Dans l'après-midi, le bombardement prend une cadence extraordinaire. Il tombe au moins vingt projectiles par minute. Les hommes ne parviennent plus à distinguer les coups, leur tête et tout leur système nerveux est ébranlé. Ils perdent connaissance peu à peu, les nerfs cassés, arrivés à la limite de leur force. Cela fait six heures consécutives qu'ils sont soumis aux chocs, aux gaz de combat et aux vibrations continues. Témoignage de Léon Gestas, sergent au 70e R.I.T. : " Au bois des Corbeaux, au début de mars, ça tombait de tous les côtés, on était tué sans même savoir d'où le coup était parti. Le bruit avait couru parmi nos hommes que le bombardement allemand durerait 100 heures et tous attendaient, avec une impatience mêlée d'anxiété, la fin de ces 100 heures. Mais les 100 heures passèrent et le bombardement, loin de diminuer, continuait toujours. Il devait continuer toute l'année. " A 7 h, alors que le front présente déjà un aspect lunaire, un très violent bombardement allemand d'une puissance encore non égalée dans ce secteur s'abat sur les ouvrages de Béthincourt, de Forges, de Regnéville, sur les massifs du Mort-Homme et de la Côte de l'Oie. A 10 h, alors que la neige tombe et qu'un épais brouillard enveloppe toute la ligne de front, l'ennemi s'élance à l'attaque. Il espère progresser rapidement comme cela l'a été le 21 février, et en effet, il atteint rapidement le ruisseau des Forges et encercle le village du même nom. Les combats qui s'engagent sont très violents puis les Français cèdent peu à peu devant le flot ennemi. Au soir, les villages des Forges et Regnéville sont tombés ainsi que la Côte 265. De nombreux détachements français ont été faits prisonniers ou ont été anéantis. Le soir, le front français forme une nouvelle ligne reliant le bois des Corbeaux, le bois et le village de Cumières. De nouveaux bataillons montent en urgence renforcer ces nouvelles positions.


7 mars - Témoignage du lieutenant Albert Chérel : " C'est le 7 mars, que le fort de Vaux commença d'être systématiquement bombardé. Durant 8 heures, sans arrêt, une averse de projectiles s'abattit sur le fort. Il y en avait de tous les calibres : du 77, du 105, à l'éclatement déchirant ; du 210, du 380, que les soldats avaient surnommé le "Nord-Sud" à cause du grondement strident de son sillage dans l'air ; peut-être du 420, car on en trouva un culot près du corps de garde le lendemain. Ces obus, à certains moments, tombaient à la cadence de 6 par minute. Il nous semblait vivre au milieu d'une effroyable tempête. " Au sud de Vaux, Cumières et le bois des Corbeaux sont défendus par les 211e et 259e R.I. Rapidement, les deux régiments sont submergés mais ils se battent avec courage. En fin d'après-midi, les deux régiments sont littéralement anéantis.

8 mars - Dans le secteur du village de Vaux, tenue par les 408e et 409e R.I. le pilonnage dure depuis 10 h du matin. Témoignage de A. Rousseau : " A Vaux, sous les obus. Pour nous donner du courage, nous regardons dans le bois, à côté, une batterie d'artillerie à découvert, qui tire à toute volée et dont les hommes qui ne peuvent avoir notre mobilité, attendent en accomplissant leur devoir, la mort sur place. " La 1ère compagnie du 409e est anéantie, à la 2ème, il ne reste que 8 hommes. Le soir, le 2e bataillon ne compte plus que 2 officiers et 137 hommes. Témoignage de R. : " L'extrême fatigue, le manque prolongé de sommeil, la continuelle tension nerveuse, engendrent quelques cas de folie et de nombreux cas d'exaltation et de demi folie. Je rends compte à mon lieutenant que nous avons fait un Allemand prisonnier et le lieutenant me répond, en colère : "C'est honteux, vous serez puni." Puis il se met à pleurer et il me demande pardon, disant qu'il n'en pouvait plus de fatigue, qu'il n'avait pas dormi depuis quatre jours. Quand je dis au sergent que trois hommes de l'escouade sont ensevelis dans l'abri, il répond en riant : "Très bien, très bien, ça vous fera du rab de pinard. " Quand je lui ai répété le lendemain ce qu'il avait dit, il ne voulait pas me croire. " La nuit, la neige tombe. Elle est la bienvenue car elle permet aux combattants d'apaiser enfin leur soif intense.

9 mars - Devant le fort de Vaux, plusieurs bataillons allemands sont parvenus à s'infiltrer en avant des réseaux de barbelés. Témoignage du lieutenant Albert Chérel : " Le 9 au matin; un grand cri: "Les Allemands !" L'ennemi, en colonnes, aborde les fils de fer du fort. Chaque fraction de la compagnie, conduite par son chef, gagne le poste de combat qui lui à été désigné d'avance. Les Allemands, apparemment, avaient cru le fort vide de défenseurs. Notre feu calme et bien ajusté et le tir fauchant des mitrailleuses eurent tôt fait d'en abattre une centaine. Le reste de ceux que nous avions vus en nombre à peu près égal se terra. Deux ou trois petites boules blanches très lumineuses jaillirent du rebord de la crête où ils s'étaient enfouis. Et leur artillerie se remit à arroser le fort et ses alentours." Témoignage de Julien Sandrin, sergent au 11e Génie : " Dans les attaques de Vaux, en mars, j'ai vu un lieutenant de chasseurs qui, le bras gauche broyé par un éclat d'obus, continuait à se battre avec sa main valide. Un mitrailleur a le ventre ouvert; il accourt ici avec ses pauvres mains crispées sur ses intestins qui s'échappent. L'autre m'arrive, la tête bandée de son pansement individuel, soutenu par un camarade. Je le fais asseoir devant moi, sur la petite caisse, mais il a l'air quasi endormi et ne s'aide pas du tout, laissant sa tête brimbaler de droite et de gauche. Je suis pressé et, sentant les autres qui attendent, je lui demande de se mieux prêter au pansement. Mais lui ne cesse de répéter inlassablement : "Oh ! Laissez-moi dormir, laissez-moi dormir". J'enlève la bande qui lui entoure la tête et alors, la chose horrible m'apparaît: toute la moitié de son cerveau, son hémisphère droit tout entier glisse en dehors de son crâne béant et j'éprouve cette sensation terrible de recevoir dans ma main gauche toute la matière cérébrale de ce malheureux qui, la boite crânienne défoncée et vidée en partie de son contenu, continue de me répéter son leitmotiv : "Laissez-moi dormir". Alors je lui dis: "Oui, mon vieux, va, on va te laisser dormir". Et je vide ma main de son contenu que je remets à sa place, maintenant le tout avec des compresses et une bande... avec quelles précautions et quelle angoisse !... "Va dormir, va, mon vieux". Soutenu sous chaque bras, ce mort vivant fait quelques pas, s'étend dans un coin. Une piqûre de morphine, une couverture et le sommeil, pour toujours.

10 mars - Dans la nuit, la 42e D.I. (8e et 16e B.C.P., 94e, 151e et 162e R.I.) relève les restes de la 39e dans le secteur de Froideterre-Thiaumont. Au retour d'une relève de tranchée, les compagnies étaient en général en repos pendant une semaine. Les deux premiers jours, les gradés laissaient un peu les hommes en paix. Ils étaient libres de dormir à volonté, se décrotter, se nettoyer, jouer aux cartes, écrire et prendre une bonne cuite, ce qui était excessivement fréquent, et dans bien des cas, salutaire et efficace comme lavage de cerveau. Ces pauvres gars oubliaient ce qui s'était passé, et ils oubliaient aussi que peut être, dans une semaine, il faudrait qu'ils remontent. Ensuite, dés le troisième jour, les exercices et les corvées reprenaient.

Dans la matinée, le général Joffre vient rendre visite au commandant de la IIème Armée dans sa mairie à Souilly. Bien qu'il ne jure que par "sa grande offensive sur la Somme", les événements qui se déroulent à Verdun l'inquiète. Le général Pétain lui réclame sans cesse de nouvelles pièces d'artillerie qu'il souhaiterait voir conservées pour son attaque sur la Somme, en pleine étude. Témoignage du commandant P... : " Pour le G.Q.G., l'attaque de Verdun par les Allemands avait le tort considérable de constituer un obstacle à la préparation de notre propre attaque sur la Somme : - Comment pouvons-nous songer à faire la Somme, si nous usons toutes nos divisions à Verdun. C'est la Somme qui dégagera Verdun, disait le G.Q.G. A quoi ripostait le général Pétain : - Il est surtout pressant d'empêcher Verdun de tomber. A quoi bon faire la Somme si vous avez perdu Verdun ? " Après une journée d'entretien avec Pétain, Joffre promet de faire son possible pour alimenter Verdun en canons, et rédige le premier ordre du jour historique de la bataille. Ordre du jour pour la journée du 11 mars : " Soldats de l'armée de Verdun ! Depuis trois semaines, vous subissez le plus formidable assaut que l'ennemi ait encore tenté contre nous. L'Allemagne escomptait le succès de cet effort qu'elle croyait irrésistible et auquel elle avait consacré ses meilleures troupes et sa plus puissante artillerie. Elle espérait que la prise de Verdun raffermirait le courage de ses alliés et convaincrait les pays neutres de la supériorité allemande. Elle avait compté sans vous. Nuit et jour, malgré un bombardement sans précèdent, vous avez résisté à toutes les attaques et maintenu vos positions. La lutte n'est pas encore terminée car les Allemands ont besoin d'une victoire. Vous saurez leur arracher. Nous avons des munitions en abondance et de nombreuses réserves. Mais vous avez surtout votre indomptable courage et votre foi dans la République. Le pays a les yeux sur vous. Vous serez de ceux dont on dira : " Ils ont barré aux Allemands la route de Verdun ! ".

La bataille reprend au bois des Corbeaux, à Cumières et au Mort-Homme. Petit à petit, les officiers et les hommes tombent. Privés de munitions, l'étau se resserrant indéniablement, le bois des Corbeaux à peine conquis doit être évacué en début d'après-midi. A la fin de la journée, les bois des Corbeaux et de Cumières sont définitivement perdus.


11 mars - Toutes les contre-attaques françaises échouent : au petit matin sur le bois de Cumières ; à 11 h sur les bois des Corbeaux et de Cumières ; à 17 h entre le Mort-Homme et le ruisseau des Forges ; à 1 h 30 sur les bois des Corbeaux et de Cumières.
Seul le boyau Béthincourt-Mort-Homme est repris à l'ennemi.

12 mars - Aucune offensive Allemande mais de violents bombardements sur le Mort-Homme, les villages de Chattancourt et de Cumières, le bois Bourus et la cote 271.

13 mars - Violents bombardements allemands et français sur tous les secteurs.

14 mars - Sur tous les secteurs, le bombardement allemand continuel fait de nombreuses victimes. Témoignage du soldat E. Barriau : " Nous montons au bois de la Caillette. Détail poignant, je ne serais pas capable de dire quelle unité nous avons relevée, car je n'ai vu d'hommes vivants que ceux de ma compagnie. C'est à Verdun qu'on relève les morts. " Dans la nuit puis dans la matinée, de nombreux obus asphyxiants et incendiaires sont lancés sur les lignes françaises.

15 mars - Les 2 adversaires s'observent mutuellement sur les pentes du fort de Vaux. Plusieurs escarmouches à la grenade sont signalées mais dans l'ensemble, le front reste assez calme. Témoignage de Robert Gillet, soldat au 16e R.I. : " Une anecdote que je tiens de l'aumônier divisionnaire Lestrade et qui peint l'âme du poilu français. Lestrade avait, selon son habitude, accompagné de près nos vagues d'assaut avec sa vaillance accoutumée. En parcourant les tranchées conquises, il trouve dans un abri plusieurs soldats français en compagnie de plusieurs soldats allemands. Les Français ont ouvert leurs musettes et en ont partagé fraternellement le contenu avec leurs prisonniers. Tous mangent d'un bon appétit, on dirait une pension de famille. "

Le 15 mars au soir, le commandement allemand doit se rendre à l'évidence, sa tentative de percée éclair sur la rive gauche se solde elle aussi par un échec.
En 10 jours, bien qu'elles aient fait subir à l'armée française de terribles pertes, les troupes allemandes n'ont progressé que d'environ 2 km sur un front large de 6. La côte de l'Oie, le bois des Corbeaux et le village de Cumières ont été pris mais les fantassins se heurtent à présent à une forte résistance au Mort-homme.

Les jours suivants les combats continuent dans ce secteur, avec d’importants moyens d’artillerie. Le 16 mars pas moins de 10 000 obus de tous calibres s'abattent durant la journée.

C’est le 19 mars que le sous-lieutenant Marcel-Fernand Fesquet est tué, dans le secteur du village et du bois de Cumières, à l’âge de 26 ans. Il était né à Anduze, son nom figure sur le monument aux morts de la commune. Il est inhumé dans la Nécropole nationale de Chattancourt (Meuse).

A suivre…