INUSUEL


154ème semaine

Du lundi 9 au dimanche 15 juillet 1917

LES MONUMENTS DU SCULPTEUR PAUL DARDÉ


Paul Dardé, sculpteur, est né le 4 juillet 1888 à Olmet (Hérault) et mort à Lodève (Hérault) le 29 décembre 1963.

Scolarisé dans la commune voisine de Lodève, il quitte l'école des Frères de cette ville, en 1902, pour seconder son père, fermier au domaine de Belbézet. Tout en assumant son travail d'ouvrier agricole, il lit beaucoup, dessine et commence à sculpter des blocs rocheux. Maître Martin, notaire à Lodève, remarque son travail et invite Max Théron, peintre et graveur, professeur de dessin au collège, à le rencontrer. Ce dernier lui enseigne les premières notions de dessin et de gravure et écrit des articles pour essayer de le faire connaître. De 1908 à 1913, il fait son service militaire à Montpellier où il obtient l'autorisation de suivre quelques cours à l'école des beaux-arts de cette ville. En 1912, il est admis dans l'atelier de Jean-Antoine Injalbert à l'École des beaux-arts de Paris qu'il abandonne assez rapidement. Il obtient une bourse d'étude en Italie. La même année, il entre dans l'atelier d'Auguste Rodin qu'il quitte cependant très rapidement.

Il retourne à Lodève, où il monte un premier atelier, plutôt que d'accepter la proposition de succéder à Rodin dans son hôtel particulier. En 1914, il est engagé comme brancardier. Fortement atteint moralement, il est hospitalisé et restera toujours marqué par les horreurs de la guerre. Il a d'ailleurs perdu son jeune fils dans la bataille. En 1918, il épouse Alice Caubel de Lodève. Il expose au Grand Palais à Paris Éternelle douleur et le Grand faune (Grand Prix National des Arts 1920), sculptures qui lui assurent sa notoriété et lui valent des commandes comme celle d'un Laocoon par la Ville de Paris.

Il installe un nouvel atelier à Soubès, où il réalise en 1919 la commande du monument aux morts. Il poursuit cette activité avec sept autres monuments commémoratifs jusqu'en 1926 : Lodève, Clermont-l'Hérault, Lunel, Limoux, etc., tout en répondant à de nombreuses commandes.

Il peut alors installer son grand atelier près de Lodève en 1924 et il produit l'Homme préhistorique des Eyzies, et en 1927 la Cheminée monumentale.

Son atelier est vendu aux enchères publiques en 1926 pour quelques dettes. Il travaille autant sur des sculptures que sur des dessins, des gravures et sur la calligraphie. En 1928 il dessine les illustrations de Macbeth et 1930, celle de La Chanson de Roland. En 1931 il sculpte le Monument à Quinton ainsi que Thaïs, taillée dans un bloc de marbre racheté après la mort de Rodin. Mais il est obligé de subir la vente aux enchères de tous ses biens et passe alors une très mauvaise période, dont il se relève cependant en travaillant dans un autre atelier de Lodève, où il exécute le Christ aux outrages.

En 1936, il se réfugie à Saint-Maurice-Navacelles sur le Larzac où il commence la construction de son propre atelier, dont il est l'architecte. Il y réalise notamment le Monument à Emma Calvé, commandé par la ville de Millau, et de nombreuses autres œuvres sculptées : Grands conquérants, Grands musiciens, Personnages mythologiques (faunes, vénus), ainsi que des illustrations : Hamlet, Croisade des Albigeois, et des dessins à la plume ou légèrement colorés. En 1956, gravement malade, il est obligé de retourner à Lodève dans une petite maison de famille où il continue à travailler quelques ébauches et dessine de nombreuses figures.

En 1963, Paul Dardé meurt dans la misère et l'oubli à Lodève.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ses monuments aux morts ne ressemblent pas aux autres… Loin du triomphalisme ambiant, dont le monument d’Anduze est un bon exemple avec son coq foulant aux pieds un casque à pointe, ses sculptures montrent en général la réalité première de la guerre : les morts.

Par exemple celui de Lunel :



Ou celui de Soubès :


Le plus intéressant de ses monuments est sans doute celui de Lodève :
Il y a quelques années...

... maintenant nettoyé.
Engagé dès 1919, le projet de Dardé a mis longtemps à être réalisé, puisqu’il n’a été déclaré officiellement terminé qu'en 1930. Et si la population locale a vivement protesté contre tous les retards accumulés, elle n’a jamais remis en cause le sujet choisi et son traitement, bien plus orienté vers la compassion que vers la gloriole. On peut voir ainsi le détail des enfants, dont le visage est sombre et coléreux.

Il y a enfin le monument de Clermont-l’Hérault : le sujet central est entouré d’un énorme ensemble d’escaliers et de terrasses, et il paraît très discret dans cette masse de pierre. 



Mais surtout il est très étrange, puisque c’est une femme nue, alanguie, parée d'ailes immenses, qui se tient au côté du poilu mort. On a voulu y voir une allégorie du violent contraste que le sculpteur avait vécu pendant sa douloureuse guerre entre les lourdes souffrances du front et la légèreté de la vie parisienne…




A suivre…

Pour en savoir plus sur l’œuvre de Paul Dardé, on consultera le texte : « Les monuments aux morts de 1914-1918 érigés par le sculpteur Paul Dardé » par Bernard Derrieu, sur le site :