197ème
semaine
Du
lundi 6 au dimanche 12 mai 1918
L’ARRIVÉE
DES AMÉRICAINS
Il est bon de le dire clairement :
si les Américains n’étaient pas venus au secours des Alliés à partir de 1917,
la cause de ceux-ci aurait été bien compromise et la guerre peut-être perdue. La révolution russe avait en
effet suspendu le front oriental sur lequel étaient engagées de nombreuses forces
allemandes, forces aussitôt transférées sur le front français.
Le 14 mai 1917, le maréchal Joseph
Joffre et le secrétaire à la Guerre des États-Unis, Newton D. Baker, signent un
accord qui prévoit :
- L'envoi d’un corps
expéditionnaire, l'American Expeditionary Force (AEF), dont la France fournira
les armements et munitions en contrepartie de l’envoi des matières premières
nécessaires à leur fabrication.
- Une avant-garde de 16 à 20 000
combattants sera transportée en France début juin. Le général Pershing est
placé à la tête de l'AEF.
- Aussitôt que possible les
États-Unis enverront 50 000 hommes appartenant aux unités techniques (service
automobile, chemin de fer, routes, santé, subsistances, etc.) pour préparer
l'arrivée du gros des troupes.
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Pershing est arrivé, eh ! eh ! |
Le 13 juin 1917, 177 Américains,
dont le général John Pershing, commandant en chef du corps expéditionnaire, et
le capitaine George Patton, débarquent à Boulogne-sur-Mer dans la liesse
populaire. « Avec leurs uniformes de drap olive, leurs feutres à larges bords,
leurs ceintures à pochettes multiples, cette allure de jeunes cow-boys de
l'Ouest américain, ils apportaient une note de pittoresque inédit dans nos décors
de guerre », relate le journal L'Illustration.
Le général Pershing a reçu les
consignes suivantes du président Wilson :
- Mise sur pied d’une armée
américaine indépendante. L'instruction, commencée en Amérique, se terminera en
France. Quatre divisions d'infanterie sont mises immédiatement à l'instruction.
L'instruction des unités américaines dans la zone des armées sera assurée par
des unités combattantes françaises. Les Français et les Britanniques pensaient
intégrer les soldats américains dans leurs unités et sous leur commandement.
C'est la question de « l'amalgame » qui va préoccuper les relations entre
alliés jusqu'à la fin de la guerre. Une des premières missions confiées à
Pershing par Wilson est de mettre sur pied une armée américaine indépendante. Le
28 juin 1917, la 1re division d'infanterie américaine (surnommée « The Big Red
One », « Le Grand Rouge », qui correspond à son insigne) débarque à
Saint-Nazaire.
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Un Sammie |
Le 4 juillet 1917, une cérémonie
est organisée pour les premiers soldats de l’AEF arrivés à Paris au cimetière
de Picpus sur la tombe de La Fayette, « le héros des deux mondes ». À cette
occasion, le capitaine Charles E. Stanton de l’état-major du général Pershing
prononce un discours resté célèbre : « Je regrette de ne pas pouvoir
m’adresser à la gentille population française dans la belle langue de son loyal
pays. Le fait ne peut pas être oublié que votre nation était notre amie quand
l’Amérique s’est battue pour son existence, quand une poignée d’hommes
courageux et patriotes ont été déterminés à défendre les droits que leur
Créateur leur avait donné -- que la France en la personne de La Fayette est
venue à notre aide en paroles et en actes. Ce serait de l’ingratitude de ne pas
se souvenir de cela et l'Amérique ne fera pas défaut à ses obligations… Par
conséquent, c'est avec une grande fierté que nous embrassons les couleurs en
hommage de respect envers ce citoyen de votre grande République, et ici et
maintenant dans l'ombre de l'illustre mort nous l'assurons de notre cœur et
notre honneur pour donner à cette guerre une issue favorable. Lafayette nous
sommes là ! »
Les 2 et 3 novembre 1917 a lieu le
premier engagement de troupes américaines, un bataillon combat à
Bathelémont-lès-Bauzemont (région de Lunéville) ; trois soldats sont tués (les
premiers de l’AEF). À partir du 15 janvier, une brigade (2 régiments) et la totalité
de l'artillerie de la 1re DIUS sont intégrées à la 1re armée française.
À l'occasion de la grande
offensive allemande de mars 1918, le général Pershing déclare au général Foch,
lors d'une réunion sur le front, le 28 mars : « Je viens pour vous dire que le
peuple américain tiendrait à grand honneur que nos troupes fussent engagées
dans la présente bataille. Je vous le demande en mon nom et au sien. Il n'y a
pas en ce moment d'autres questions que de combattre. Infanterie, artillerie,
aviation, tout ce que nous avons est à vous. Disposez-en comme il vous plaira.
Il en viendra encore d'autres, aussi nombreux qu'il sera nécessaire. Je suis
venu tout exprès pour vous dire que le peuple américain sera fier d'être engagé
dans la plus belle bataille de l'histoire ».
Le 28 mai 1918 : un régiment de la
1re DIUS est engagé dans la bataille de Cantigny (région de Montdidier). Au
prix de lourdes pertes il tient le village de Cantigny conquis sur la 18e armée
allemande. C'est une première consécration de la valeur des troupes américaines
et de bon augure pour l'avenir. Lors des offensives allemandes du printemps
1918, rendues possibles par le retour d'unités du front russe, les premières
unités américaines disponibles sont engagées. À l'occasion de la seconde
bataille de la Marne, l'armée des États-Unis va s'illustrer :
- 3/4 juin 1918 : combats
victorieux de Château-Thierry, puis du 6 au 22 juin bataille du bois Belleau.
Les Américains réussissent à arrêter l’avance allemande au prix de lourdes
pertes qui sont commémorées par le cimetière Aisne-Marne 23. Du 10 au 29 juin,
la 2e division d'infanterie des États-Unis (2e DIUS), qui comprend la brigade
des Marines reprennent le Bois Belleau. Le 1er juillet, les Américains
reconquièrent le village de Vaux, puis, le 9, la cote 204.
- 15 juillet 1918 : la 3e DIUS qui
gagne son surnom de « Rock of the Marne » (« le rocher de la Marne ») en
conservant sa position sur la Marne face aux assauts allemands à l'est de
Château-Thierry lors de la bataille de Château-Thierry (1918).
Le 10 août 1918, la 1re armée
américaine est créée. Deux autres armées sont créées par la suite. En octobre
1918, les forces américaines sont composées de 42 divisions réparties en 3
armées, soit 1 894 000 hommes. Pershing installe le Grand quartier général de
sa 1re armée à Chaumont en Haute-Marne. L'engagement des unités américaines
dans des opérations indépendantes est désormais scellé, les États-Unis acquièrent
le rang de grande puissance.
Un certain nombre d'hommes devenus
célèbres par la suite firent partie de l'AEF, on peut citer : George Patton,
commandant des chars de l'AEF et futur général de la Seconde Guerre mondiale,
George Marshall, l'un des principaux planificateurs de l'état-major de l'AEF et
futur chef de l'état-major de l'armée pendant la Seconde Guerre mondiale ou
Harry S. Truman, futur président américain.
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George Patton devant son char Renault |
Pour transporter l'ensemble des
troupes et des approvisionnements débarqués dans les bases maritimes par, entre autres, la Cruiser and Transport Force, et amener en moins de 18 mois plus de
deux millions de soldats, des milliers de tonnes de matériels, de munitions,
d'armes, de ravitaillement de toutes sortes, les Américains vont créer en
France des camps, des ports et des gares.
Les forces armées des États-Unis
se veulent à la pointe du progrès, elles utilisent les technologies les plus
modernes concernant l’artillerie, l’aviation, les soins de santé ou la
motorisation. Beaucoup d’innovations apportées par les soldats du Nouveau Monde
vont être des petites révolutions pour les Français. Leur influence se fait
sentir dans tous les domaines, on peut citer les progrès réalisés dans les
soins des animaux grâce au concours des vétérinaires américains ou
l’utilisation du macadam qui vient améliorer l’état des routes françaises avant
qu’elles n'accueillent les convois américains.
Tout au long de cette préparation
de l'armée américaine en France, l'état-major américain tente de se libérer de
la tutelle que les militaires français entendent imposer en matière
d'instruction. Le système de jumelage des unités est ainsi remplacé
progressivement par un système d'écoles dans lesquelles la présence française est
canalisée par les Américains.
Une impressionnante infrastructure
logistique est mise en place dans tout le Sud meusien, parfois avec l’armée
française : baraquements préfabriqués, voies ferrées, dépôts de ravitaillement,
parcs d’artillerie, garages, terrains d’aviation, hôpitaux, poussent comme des
champignons.
L'accueil de la population est
alors enthousiaste. On rencontre des pavoisements franco-américains, des arcs
de triomphe en feuillage et des banderoles « Welcome » qui attestent de
l’exaltation suscitée. Les soldats américains sont des civils, ils ont amené
avec eux toute une panoplie de ce qui fait la spécificité du Nouveau Monde.
Pour tenter de résoudre le problème de la langue, l'armée américaine leur
distribue un dictionnaire franco-anglais présentant l'armée française.
Les Français confronté à un
rationnement depuis le début de la guerre vont être mis en présence d'une
société d'abondance. Les Américains donnent aux civils français du savon, du
chocolat, du chewing-gum (une découverte pour les Français), des cigarettes de
tabac blond ou des boîtes de conserve. La solde des sammies est équivalente à
celle des officiers français, grâce à ce pouvoir d’achat les habitants leur
vendent des omelettes, des volailles, des pâtisseries ou des douilles d’obus
ciselées par les poilus. Peu habitués à l'alcool (la prohibition est alors en
vigueur dans 26 États des États-Unis), certains soldats américains abusent du
vin, de la bière ou de la gnôle vendus par les aubergistes, même si la police
militaire réprime les beuveries.
La ferveur religieuse et le
patriotisme de ces hommes venus d'outre-Atlantique s’expriment lors de leurs
fêtes nationales dont l’Independance Day, du Decoration Day ou de Thanksgiving.
Les cérémonies militaires, les spectacles de cabaret, les bals et les concerts
organisés par les forces américaines émerveillent les populations civiles. La
présence américaine en Meuse marque ainsi profondément la population qui
découvre la culture américaine tel le jazz, le blues, ou encore le baseball.
A suivre…
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Appel aux femmes américaines à soutenir financièrement la guerre en France |