A GALLIPOLI

49ème semaine

Semaine du lundi 5 au dimanche 11 juillet 1915

LA BATAILLE DES DARDANELLES
  
Ernest-Daniel Fabre, 4ème Régiment Colonial Mixte
Mort le 21 juin 1915 à Sebd Ul Bahr (Turquie)


Ernest-Daniel Fabre est né à Anduze en 1886, il y exerce la profession de journalier. Lorsqu’il est incorporé en 1907 il est affecté au 55 RI en tant que clairon instructeur à l’Ecole militaire de Saint-Hippolyte du Fort.


Affecté en août 1914 au 8ème Régiment d’Infanterie Coloniale, il est blessé le 1er septembre. Il passe comme caporal au 4ème Colonial Mixte le 21 mai 1915 et aussitôt envoyé vers les Dardanelles. Ce régiment a déjà subi des pertes terribles, il faut le reconstituer.

Début 1915 la Russie en difficultés a demandé à ses alliés une diversion par l’ouverture d’un nouveau front sur son flanc sud. Or la France et la Grande-Bretagne estiment qu’une action importante dans cette région pourrait modifier toute la physionomie de la guerre : l’ouverture du Bosphore mettrait hors course la Turquie, rétablirait les relations directes avec la Russie, donnerait la suprématie absolue aux alliés dans les Balkans, où Bulgarie et Roumanie sont toujours hésitantes. Les premières tentatives de forcement naval des Dardanelles se soldent par un échec sérieux le 18 mars et la perte de plusieurs cuirassés, dont le Bouvet, moderne cuirassé français, coulé en quelques minutes par une mine flottante.

Le naufrage du cuirassé Bouvet dans le détroit des Dardanelles
On a recours alors à un corps expéditionnaire terrestre comportant, sous les ordres du général Hamilton, quatre divisions britanniques, et le groupement français du général d’Amade, dans lequel figure la 2ème brigade mixte coloniale, avec le 4ème RMIC dont le caporal Fabre fait partie, fort d’un bataillon blanc et de deux bataillons noirs.

Réuni en Egypte, ce groupement est dirigé le 25 avril vers Sebd Ul Bahr, sur la côte européenne, ou vers Khoum Salé, sur la rive asiatique, où sera effectuée une diversion. Le coup de main réussit d’abord, avec les Sénégalais, qui de Khoum Salé, brisant plusieurs contre-attaques sévères, s’élancent vers Orhanié. Mais l’ordre de repli doit être donné dans l’après-midi. Les attaquants ont perdu 750 hommes et 20 officiers.

Une des raisons de cet échec provient d’une grande maladresse des alliés : en septembre 1914 ils avaient bombardé, avec leurs puissants cuirassés, le vieux fort de Sebd Ul Bahr qui domine la pointe de Gallipoli. Bombardement strictement symbolique, sans aucun intérêt stratégique, juste destiné à montrer ses muscles aux Turcs… Ceux-ci comprennent la leçon, et s’empressent de renforcer les murailles du fort et de le doter d’une artillerie moderne. Ce sera l’une des causes du désastre ultérieur du débarquement allié.



Les 25, 26 et 27 avril 1915, au lieu d'être débarqués sur une plage large et plate, comme il était prévu, les Anzac's (Australiens et Néo-Zélandais regroupés dans "The Australians and New Zealand Army Corps") se retrouvent au pied de falaises abruptes d'où les troupes adverses, bien organisées et armées, les bombardent pendant les trois jours que dure leur débarquement. Les Anzac's périssent par milliers sur cette plage nommée plus tard "Anzac Cove".

Anzac Cove
Commence alors une guerre de tranchées où les hommes de l'Alliance, acculés à la mer, meurent sous les balles et les obus, mais également du typhus, de la gangrène et de la famine, tandis qu'en Grande-Bretagne les chefs de guerre tergiversent pour savoir si oui ou non il serait bien utile de retirer les troupes engagées malgré l'évidente impossibilité de gagner du terrain.

Le gros des forces britanniques a débarqué avec des éléments français entre le cap Tekké et Sebd Ül Bahr, et à l’est de la baie de Morto. La progression du 27 au 29 avril ne dépasse guère 4 ou 5 kilomètres. La brigade coloniale, encadrée au nord par les Britanniques, au sud par la brigade métropolitaine, s’adosse à la baie de Morto, et subit, du 1er au 4 mai, de violentes attaques turques. Des renforts et notamment l’arrivée d’une nouvelle division française comprenant la 4e brigade mixte coloniale (7e et 8e RMIC) permettent de stabiliser, difficilement, la situation.

Ces éléments à peine débarqués participent à une offensive les 6 et 7 mai en vue d’enlever le plateau ouest de Kerevés Déré, et l’éperon à 1800 mètres au sud de Krithia, objectif des Britanniques, et clé de toute la presqu’île de Gallipoli. Combats très durs, et gain d’un kilomètre seulement, appréciable pourtant, car la zone arrière, bien réduite, s’élargit d’autant.

Le général Gouraud, qui prend le 14 mai le commandement du corps expéditionnaire français, estime indispensable d’étendre cette zone arrière en créant des magasins et des dépôts intermédiaires dans l’île de Lemnos : ainsi chaque bataillon aura-t-il en permanence 300 hommes à l’abri du feu et maintenus en bonne condition physique, prêts à intervenir à bref délai comme renforts dans la bataille. D’autre part, mettant à profit son expérience acquise dans les terrains dénudés et déshérités de la Champagne, Gouraud procède à une réorganisation méthodique de la position, et la situation s’est nettement améliorée lorsque le 1er juin le général Hamilton décide de reprendre l’offensive.

Celle-ci donne lieu à une série de combats échelonnés de telle manière qu’à peu près toute l’artillerie alliée puisse appuyer alternativement l’effort des troupes d’assaut.

Ces combats se déroulent pour l’essentiel, en ce qui concerne les Français, autour de l’éperon de Kérévés Déré, éminence montagneuse commandant le passage vers l’intérieur de la presqu’île. Les épisodes en ont été si marqués qu’ils ont été numérotés :

1er combat du Kérévés Déré (6-7-8 mai 1915)
Le 6 mai depuis le cap Helles, les Britanniques tentent une nouvelle fois de prendre la ville de Krithia tenue par les Turcs. Leur avancée est vite freinée, ils ne progressent que de 500 m au prix de 6 500 morts. Le commandant britannique, le général sir Ian Hamilton, reçoit des renforts.
Le 8 mai, enlèvement de l'éperon de Kérévés Déré par les Français (4e RMC et 8e RMC) et de la première crête de Krithia par les Britanniques.
Le 14 mai, le général d'Amade, malade, est remplacé par le général Gouraud.

2e combat de Kérévés Déré (4 juin 1915)
Le 4 juin à Gallipoli, les Britanniques tentent de prendre pour la troisième fois la ville de Krithia, tenu par les Turcs. Environ 30 000 hommes attaquent, mais ils ne progressent que de quelques centaines de mètres au prix de 6 500 pertes humaines. Les pertes qui s'accumulent, ainsi que l'enlisement de leurs forces conduisent les Britanniques à envoyer encore des renforts. Cependant, on doute de plus en plus de l'efficacité d'une telle opération.

3e combat du Kérévés Déré (21 juin 1915)
Enlèvement par les zouaves et les légionnaires du 1er régiment de marche d'Afrique de la redoute du « Haricot ».
C’est au cours de ce combat que le caporal Ernest-Daniel Fabre trouve la mort des suites de ses blessures, à l’ambulance (poste de premier secours) le plus proche.

D’autres combats seront nécessaires pour consolider ce succès. Le 30 juin, les coloniaux jouent un rôle décisif dans l’enlèvement par la 2ème division de l’important ouvrage turc du « quadrilatère ». Ce succès est assombri du fait de la grave blessure du général Gouraud, qui passe son commandement au général Bailloud. Pendant des semaines attaques et contre­attaques meurtrières se succèdent sans résultat appréciable.

Aussi, craignant de ne pouvoir obtenir une décision dans la presqu’île de Gallipoli, les alliés recherchent-ils un autre théâtre d’opérations en Orient, et l’entrée en guerre de la Bulgarie, à la fin de septembre 1915, conduit à ouvrir ce nouveau front dans les Balkans, en partant de Salonique.

L’évacuation de la presqu’île s’échelonnera jusqu’en décembre. La France a envoyé aux Dardanelles 79.000 hommes, plus de 27.000 furent tués ou blessés, et la part des troupes coloniales, dans ce sacrifice, atteint les deux tiers.

Ernest-Daniel Fabre a été inhumé sur place, dans le cimetière militaire de Seddul-Bahr, où il occupe la tombe n°1245.
Ce cimetière militaire est situé à la pointe de la presqu'île de Gallipoli, à près de 450 km d'Istanbul. Il est toujours entretenu par la République Française à travers son Consulat Général. Deux gardiens-jardiniers y sont employés en permanence. Il a quatre ossuaires où sont regroupés les corps d'environ 20.000 soldats qui sont morts en Turquie, essentiellement à Seddul-Bahr, ou en Grèce à Moudros dans l'île de Lemnos. Seules 2.236 tombes sont nominativement identifiées.


Au milieu du cimetière, un monument de 22 m de haut a été élevé par les Turcs à la mémoire de tous les combattants des Dardanelles, quelle que soit leur nationalité.

A suivre…