59ème
semaine
Du lundi
13 au dimanche 19 septembre 1915
TUNISIE
Albert-Fernand
Comte, 15ème groupe spécial
Mort le 14
septembre 1915, à Déhibat, Sud-Tunisien
Né à Anduze le 21
juillet 1885, Albert-Fernand Comte se retrouve en 1915 au 15ème groupe spécial
basé dans le sud tunisien. Déclaré cultivateur au moment de son conseil de
révision en 1905, il fait son service dans le 11ème régiment de
Hussards, libéré en 1908 avec un certificat de bonne conduite. Mais il est
condamné en 1912 par le tribunal correctionnel de Nîmes à trois mois de prison
et cinq ans d’interdiction de séjour pour « vagabondage spécial ». Deux autres condamnations à la prison suivent :
un mois en 1913 pour « infraction à
interdiction de séjour » puis la même année à trois mois pour « abus de confiance ». Avec un tel
pedigree Albert-Fernand Comte est automatiquement versé à un groupe spécial,
autrement dit à un régiment de « Joyeux » ou « Bat d’Af »,
avec le grade de soldat de 1ère classe. Les groupes spéciaux sont des
unités constituées d'éléments épars (Spahis, Chasseurs d'Afriques,
"Joyeux", Tirailleurs, Méharistes ...) organisés pour combattre une
sédition dans le Sud-Tunisien. La vie dans ces campements de l’extrême sud
tunisien est très dure. Les soldats l’ont surnommé « le Royaume du Cafard ».
En 1915, les
faiblesses de l’Italie en Tripolitaine ont mis à découvert la frontière
tunisienne, d’où les incursions de nombreuses tribus soudoyées par les Turcs et
les Allemands sur le territoire de la Régence française en Tunisie et leur
tentative de faire insurger l’extrême sud. Cet essai échoue à la suite des
combats de Déhibat, Bir-Remsoa et d’Oum-Souigh en septembre et octobre 1915. Sur
les 15.000 hommes qui y montèrent la garde de l’automne 1915 à l’automne 1918,
plusieurs milliers périrent sous le feu ennemi ou moururent de maladie Jusqu’au
mois d’Août 1919 la France dut maintenir en permanence des effectifs au
contact avec les troupes du chef de
Maloub, Khalifa Ben Asker, qui en avait chassé les Italiens. Khalifa ben Asker s'était
réfugié en 1914 avec sa famille en Tunisie. Mis dans un camp de concentration à
Kebili, il s'était enfui et avait rejoint la Tripolitaine d’où il a organisé
ses opérations. La garnison italienne de Sinaoun, qui s'était réfugiée à Pervinquières
est battue par lui le 11 juin 1915 et se retire sur Dehibat après avoir perdu 6
à 700 hommes. Du coup un véritable mouvement insurrectionnel éclate en
Tripolitaine.
Pour parer à toute
éventualité, le général Moinier, commandant les forces de terre et de mer de
l'Afrique du Nord, désigne le 15 juin 1915 le lieutenant-colonel Leboeuf comme
commandant des troupes des Territoires du Sud-Tunisien avec mission de
s'opposer à toute agression sur notre frontière. Les troupes à pied d'œuvre sont
alors les suivantes :
Dehibat : 1ere
compagnie du 15e groupe spécial; 1 peloton du 4e spahis,
Tatahouine : 15e
groupe spécial; une section de tirailleurs,
Zarzis : 4e groupe
spécial ; une section de tirailleurs.
Non seulement
l'évacuation des Italiens découvrait notre frontière, mais elle entraînait un
changement sensible dans l'esprit des tribus, changement provoqué autant par
l'appel à la guerre sainte lancé par les Turcs que par les récits des
Tripolitains fréquentant les marchés, rapportant les succès des rebelles, leur
organisation, le prestige du grand chef Senoussi et sa résolution d'attaquer
prochainement la Tunisie. Le 3 août, 250 à 300 hommes du cercle de Tatahouine
font défection et passent en Tripolitaine, des désertions se produisent parmi
les soldats indigènes. Khalifa ben Asker reproche à la France la protection
donnée à la colonne italienne de Ghadamès. Il envoie, le 16 août 1915, une
lettre portant ultimatum d'avoir à lui envoyer sa famille : « En conséquence, demandez à votre
Gouvernement s'il peut nous rendre d'urgence tous nos gens qui sont chez vous
et faites-moi connaître sa réponse. S'il refuse, renseignez-moi également, car
nous vous ferons la guerre avec tous les gens de l'Islam qui ne forment plus
qu'un seul bloc. Veillez sur vous. Salut de la part du serviteur de son
Excellence Senoussiste. 2 chaoul 1333. Faites-moi connaître votre décision. Il
est superflu d'insister. Salut… ».
Joseph-Marie
Deuffic, soldat de seconde classe, fait alors partie du 15e Groupe Spécial. Il
écrit : « Opérations autour de
Déhibat. Le 14 septembre. Abbat, chef de bataillon d'Afrique, qui commandait la
garnison de Déhibat, opéra vers Ouezzen pour châtier les rebelles et les gens
qui les soutenaient. Malgré le gros détachement français de toutes armes, Abbat
se trouva immédiatement aux prises avec un adversaire "très mordant"
sous le commandement de leur principal adversaire Kalifa Ben Asker. Le terrain
est non seulement montagneux et difficile, mais il faut s'engager dans un
véritable cirque dominé de tous les côtés. De plus le nombre des rebelles a été
sous-estimé (variable, entre 600 et 1000; les nationalistes avancent 800), et
l'armement français était inférieur. Après un combat acharné, de 7h du matin à
14h, la garnison se borna à la défense, obligée alors de rompre le combat, elle
rentra à Déhibat sous la protection d'une ligne de repli, ayant 27 hommes tués,
4 officiers et 34 blessés. La garnison a été obligée d'abandonner sur le
terrain du combat une mitrailleuse et un affût de canon ». Il est tué le
lendemain au combat d'Ouezzan près de Déhibat.
Extrait de
l'Historique du 126ème RIT : « Le
12 septembre, le capitaine chef d'annexe de Dehibat était informé qu'une
trentaine de dissidents, arrivés d'Ouezzan, se proposaient d'enlever, dans
l'oued Morteba, qui est à la limite de la Tripolitaine, mais en territoire
tunisien, une caravane venant du Fezzan. Cette caravane passa sans incident
pendant la nuit du 12 au 13 septembre, grâce à la protection d'un poste de 10
mokhazni et goumiers détachés à Bir-Morteba. Le 13 septembre, pour protéger ce
poste, une reconnaissance d'un peloton de chasseurs d Afrique fut envoyée dans
la vallée de l'oued Morteba. Elle tomba dans un guet-apens tendu sur sa route
par une quarantaine de dissidents commandés par Mohamed Ben Mekdour, de la
tribu de Dehibat. Deux chasseurs sont tués en territoire français. Un escadron
et demi et une compagnie d'infanterie viennent dégager le peloton et repousser,
en territoire tripolitain, les insurgés. Le 15 septembre, le commandant d'armes
de Dehibat (commandant Abbat, du 5ème bataillon d Afrique), pour châtier les
coupables, se porte contre Ouezzan avec la presque totalité de la garnison.
Mais il échoue entièrement et nous perdons là 1 officier et 27 hommes tués; 3
officiers et 34 hommes blessés; une mitrailleuse et un affût de canon. Dans
leur poursuite, les rebelles arrivent jusque sous les murs du bordj de Dehibat.
Ces murailles sont pour eux un obstacle devant lequel ils reconnaissent leur
impuissance. Ils investissent la place, coupent les convois et les
communications, détruisent la ligne télégraphique. La télégraphie optique est
le seul lien qui rattache Dehibat et sa garnison au reste de la Régence. Telles
sont les premières affaires avec les Tripolitains d’une part et leurs alliés
insurgés d’autre part... ».
Albert-Fernand
Comte, est tué le 14 septembre 1915, au combat du col de Morteba, au-dessus de Déhibat.
L’un de ses
compagnons de combat mérite d’être mentionné : c’est Mohamed Daghbagi, né
en 1885 au sud de la Tunisie dans la région des Béni-Zid, engagé dans l'armée
française en 1915. Affecté dans la région de Tatahouine il participe aux
combats dont il vient d’être question. Mais en 1916 il déserte et rejoint les
résistants de l'époque. Après huit ans d’insurrection il est pris et fusillé
devant les siens sur la place de souk El-Hamma le 1er Mars 1924.
Albert-Fernand Comte
s’est vu attribuer la médaille coloniale avec agrafe Tunisie à titre posthume
en 1917.
A
suivre…