60ème
semaine
Du lundi 20
au dimanche 26 septembre 1915
DEUXIÈME OFFENSIVE DE CHAMPAGNE
Victor-Jean
Fesquet, 37ème régiment d’Infanterie Coloniale
Mort le 30
septembre 1915, à Somme-Suippe, Marne
Né à Lasalle le 24 avril
1886, Victor-Jean Fesquet est cuisinier. Il est très grand pour son époque,
1m77. Incorporé en 1907 au 40ème RI pour son service, il passe caporal en 1908.
Une fois libéré il voyage beaucoup et loin : La Havane à Cuba (1909), New
York aux USA (1910), Victoria en Colombie Britannique (1911).
Quand la guerre est
déclarée il arrive au 37 RIC le 4 août 1914. Ce régiment quitte Nîmes par voie
ferrée dès le 5 août. Son effectif est de 63 officiers et 3119 sous-officiers,
caporaux et soldats. Il est dirigé sur Is-sur-Tille, de là sur Vézelise où il
débarque le 7 août au matin. Il se porte immédiatement vers l’Est, aux villages
de Ornes, Lemainville et St-Remimont d’où , après un court repos, il va le soir
même prendre les avants-postes sur les hauteurs dominant le Meurthe
(Vigneulles, Barbonville, etc.). Les 8 et 9 août il se porte dans la région
d’Arracourt et Bezange-la-Grande, et prend les avant-postes sur la ligne forêt
de Bézange-Juvrécourt-Signal des Allemands. Dans la matinée du 10, l’ordre est
donné d’attaquer le village de La Garde.
L’attaque de La Garde
a lieu à 23 heures, le village est enlevé à la baïonnette, les troupes
bivouaquent dans les rues et autour du village. Mais le 11 août à 6 h. 30, le
détachement est attaqué par des forces supérieures en nombre ; la lutte est
acharnée, vers midi, les fantassins et l’artillerie fortement décimés doivent
se replier ; Certains bataillons ont pratiquement disparu en entier. A la suite
de ces évènements, le régiment reçoit l’ordre de se replier. Cette première
offensive, mal préparée, mal menée, n’a été due qu’à la soif de s’illustrer d’un
général orgueilleux qui n’a pas tenu compte des plans de l’Etat-major. (Pour en savoir plus sur ce début de guerre
désastreux pour les Gardois, on se reportera aux premières semaines de ces
récits).
Après avoir
participé à tous les combats des frontières, le régiment participe en septembre
1915 à l'offensive de Champagne. L'objectif fixé pour cette offensive par le
général Joffre est quadruple :
- limiter le
renforcement de l'armée allemande sur le front russe et aider ainsi la Russie
qui a perdu la Pologne et dont les armées sont en retraite.
- convaincre
certaines nations encore neutres d'entrer en guerre au côté des alliés et en
particulier l'Italie.
- relancer la guerre
de mouvement pour redonner le moral aux militaires français, passablement
entamé par l'immobilisme allié et en finir au plus tôt avec la guerre.
- éventuellement,
permettre à Joffre de renforcer sa crédibilité auprès des autorités politiques
françaises.
Le principe est de
lancer une offensive massive dans un secteur limité à vingt-cinq kilomètres
entre Aubérive sur la vallée de la Suippe et Ville-sur-Tourbe pour obtenir la
rupture et assurer une exploitation profonde sur les arrières de l'armée
allemande et forcer le repli de toute la partie ouest de son dispositif. Cette
attaque est coordonnée avec une offensive commune franco-britannique en Artois
qui sert de point de fixation aux Allemands.
Ce secteur de Champagne est choisi en raison de ses caractéristiques géographiques. Le terrain est relativement plat, il n'y a pas d'agglomérations qui pourraient servir de point de résistance aux Allemands et le terrain est soit ouvert, soit boisé de manière diffuse, propre à assurer une progression fluide des vagues d'assaut. Il s'agit donc, après une préparation d'artillerie massive, de conquérir les lignes allemandes en attaquant de face les points de résistance et en les enveloppant par les flancs avec des troupes d'intervalles par vagues continues jusqu'à créer la rupture et l'exploiter à l'aide des troupes de deuxième ligne.
Le 29 septembre, à 1
heure du matin, le 40 RI quitte Je « Trou Bricot » et va occuper une position à
3 kilomètres à l'ouest de Tahure, face aux pentes est de la côte 193, il y
arrive à 4 heures. Il est en deuxième ligne derrière le 36e colonial, il a pour
mission de prendre de flanc les positions allemandes de la côte 193, par deux
bataillons en masse, accolés, en quatre vagues. Heures H : 16 h. 15.
Malgré la préparation d'artillerie, de nombreuses mitrailleuses ennemies n'ont pu être réduites au silence, et avant l'attaque, les mitrailleurs allemands, pour bien marquer leur présence, arrosent de temps en temps de balles les parapets de la tranchée de départ; à plusieurs reprises il est demandé à l'artillerie de les neutraliser, mais le tir effectué ne donne pas beaucoup de résultats. Cependant, à l'heure indiquée, la première vague formée par la 24ème compagnie s'élance à l'attaque; le tir des mitrailleuses prenant nos soldats de flanc redouble de violence. Quelques hommes à peine peuvent dépasser la gerbe de mort et continuer à progresser, tandis que les mitrailleuses allemandes fixaient leur tir sur les lignes les plus denses dont les hommes furent immobilisés; une partie des mitrailleuses ramène alors son tir sur la tranchée de départ et rend totalement impossible la continuation du mouvement. A ce moment l'artillerie allemande entre en jeu et 105 fusants et explosifs arrosent copieusement le régiment pendant plusieurs heures. Pour éviter des pertes inutiles, le colonel donne l'ordre de rester en place ; chacun améliore les tranchées ébauchées.
Le 30, dans la
matinée, la position devenant intenable, le colonel reçoit l'ordre de se rendre
à l'ancien camp allemand d'Eberfeld. Il réunit les chefs de bataillon et leur
demande quel moment ils pensent préférable pour effectuer le mouvement. Tous
sont d'avis d'exécuter l'opération immédiatement malgré les risques qu'elle
comporte, du fait de la parfaite visibilité. Le colonel donne l'ordre au 6e
bataillon de commencer le mouvement, ce qui fut exécuté sans trop de pertes,
tandis que les Allemands maintenaient obstinément leur tir sur les positions
abandonnées. Les pertes subies dans cette affaire furent sérieuses : Tués, 35
hommes; blessés, 6 officiers et 225 hommes ; disparus, 26 hommes.
Victor-Jean Fesquet
fait partie des tués de cette journée.
Il est inhumé dans
la Nécropole nationale de Somme-Suippe, Marne, située au Nord-Est de
Châlons-en-Champagne. Il repose dans la tombe 65.
Au total cette seconde
bataille de Champagne a fait 27 851 tués, 98 305 blessés, 53 658 prisonniers et
disparus du côté français et des pertes beaucoup plus faibles du côté allemand.
Le front a progressé de 3 à 4 km mais la rupture n'a pas été réalisée. Les
Allemands ont su faire face dans un premier temps avec les réserves locales et,
dans un deuxième temps, avec l'arrivée du 10e corps destiné initialement à la
Russie. Elle a démontré l'impossibilité de franchir dans un seul mouvement deux
lignes de défense et la nécessité de traiter chacune des lignes séparément.
Elle a aussi démontré le manque de coopération entre les armes au sein des
armées françaises, notamment entre l'artillerie lourde et l'infanterie. Elle a
vu l'introduction du casque Adrian et l'utilisation massive de l'artillerie de
tranchée. Elle a montré un manque de préparation en nombre d'obus en réserve.
Le 7 septembre la dotation était de 1 200 coups par canons de 75, elle fut brûlée
en six jours, 1 200 000 obus ont été consommés sur cette offensive.