61ème
semaine
Du lundi 27
septembre au dimanche 3 octobre 1915
OFFENSIVE D’ARTOIS
EN CHAMPAGNE
Gaston-Marie-Georges
Charpentier
43ème Régiment d’Infanterie Coloniale
Mort le 28
septembre 1915, à Hondain, Pas-de-Calais
Né le 5 juillet 1876
à Paris, Gaston-Marie-Georges Charpentier habite Anduze. Il a fait l’école de
Saint-Cyr, promotion Bourbaki, en 1897-1899. Quand éclate la guerre il est
capitaine au 43ème Régiment d’Infanterie Coloniale.
A la fin de l’été
1915 les généraux Joffre, pour les Français, et French, pour les Anglais, ont
monté une grande offensive en Champagne, c’est la deuxième sur ce terrain. Au
sein de ce grand affrontement l’Artois joue un rôle important, car il s’y
trouve des reliefs perdus en 1914. Joffre veut les reprendre, il s’agit du
village de Souchez et de la crête de Vimy.
L'offensive d'Artois,
qui a lieu du 15 septembre au 4 novembre 1915, nécessite le déplacement de onze
divisions et de trois corps d'armée. Tous les soldats sont déplacés par voie
ferrée, ce qui nécessite la mise en marche de 592 trains.
Eau-forte de Renefer pour Le Feu, 1916. |
L’attaque française commence
avec la prise de la ville de Souchez. Après cinq jours de combat intensifs, les
Français s'emparent des hauteurs de la crête de Vimy, pour la troisième fois.
Cependant, ils progressent ensuite de façon limitée, et la résistance accrue
des Allemands entraîne de lourdes pertes. Les Français n'arrivent pas à
capitaliser leurs premiers succès. On estime les pertes françaises à 48 000
hommes et celles des Allemands à 30 000.
L’historique officiel
du 43 RIC énonce les faits : « Le
21 septembre, le régiment quitte le secteur de Chuignes pour aller au repos. En
cours de mouvement, il est brusquement enlevé et transporté par voie ferrée au
sud d'Arras. Le 25, il marche en réserve des éléments du 9° C.A. qui attaquent
dans la région Agny – Vailly. Un de ses bataillons franchit le Crinchou, mais
l'attaque ayant échoué, le régiment est ramené dans la nuit à Wanquetin, d'où
il était parti la veille au soir. Il est immédiatement embarqué en auto.
Débarqué le 26 au matin à Camblain-l'Abbé, il est presque aussitôt (le 27)
porté à l'attaque des hauteurs à l'est de la Souchez, qu'il traverse le 28. Jusqu'au
6 octobre, le régiment se cramponne au terrain, défendant opiniâtrement le
fortin de Givenchy et ses abords qu'il a arrachés à l'ennemi. Lorsqu'il quitte
cette région pour un court repos, le régiment n'est plus qu'un squelette. Il a
perdu presque tous ses officiers et les deux tiers de son effectif ».
Le chapitre 12 du
roman d'Henri Barbusse, Le Feu, offre la description de Souchez rasé : « Le village a disparu. Jamais je n’ai vu une
pareille disparition de village. Ablain-Saint-Nazaire et Carency gardent encore
une forme de localité, avec leurs maisons défoncées et tronquées, leurs cours
comblées de plâtras et de tuiles. Ici, dans le cadre des arbres massacrés — qui
nous entourent, au milieu du brouillard, d’un spectre de décor — plus rien n’a
de forme : il n’y a pas même un pan de mur, de grille, de portail, qui soit
dressé, et on est étonné de constater qu’à travers l’enchevêtrement de poutres,
de pierres et de ferraille, sont des pavés : c’était, ici, une rue ! On dirait
un terrain vague et sale, marécageux, à proximité d’une ville, et sur lequel
celle-ci aurait déversé pendant des années régulièrement, sans laisser de place
vide, ses décombres, ses gravats, ses matériaux de démolitions et ses vieux
ustensiles : une couche uniforme d’ordures et de débris parmi laquelle on
plonge et l’on avance avec beaucoup de difficulté, de lenteur. Le bombardement
a tellement modifié les choses qu’il a détourné le cours du ruisseau du moulin
et que le ruisseau court au hasard et forme un étang sur les restes de la
petite place où il y avait la croix ».
Souchez en septembre 1915 |
Le soldat José
GERMAIN a vécu cet automne 1915 :
« Avec l'été agonisant, l'espoir ressurgit en
Artois. On nous promit la grande délivrance pour l'automne. Les généraux Foch
et d'Urbal multiplièrent les annonces d'une préparation foudroyante et
formidable. Six jours durant l'artillerie tonnerait
Nous restions toutefois sceptiques. Pourquoi parler
ouvertement d'une offensive qu'on avait tout intérêt à dissimuler si l'on
voulait réussir Les plus fins pensaient même qu'on en parlait trop pour qu'elle
eût vraiment lieu. Les leçons du 9 mai et du 18 juin avaient péremptoirement
montré l'immense valeur de la surprise. Or les Allemands étaient passés maîtres
dans l'art de réaliser des prisonniers au bon moment et de les « Cuisiner »
utilement. Nos relèves s'en ressentaient.
Bientôt nos travaux d'approche s'en ressentirent plus
encore. L'ennemi devinait se doutait était prévenu. Les piocheurs et pelleteurs
chaque nuit étaient dérangés par des patrouilles vigilantes. La pluie,
adversaire invaincu et invincible, fit enfin son apparition : les ouvrages
d'argile s'effondrèrent.
Il y eut bien une longue préparation d'artillerie de
six jours et six nuits; mais les calibres étaient trop faibles. Nos 75 se
livraient à un labour léger du sol : aucun abri allemand n'était certainement
atteint Les fils de fer de la première ligne nous narguaient encore quand le 25
septembre, parvint l'ordre d'attaque.
Un temps effroyable, comme le hasard ou l'état-major
devait nous en réserver pour tant d'affaires dans la suite : le bas ciel
d'Artois avait revêtu sa plus grise robe, et l'âme de nos gens était
sympathiquement à son image.
Des troupes fatiguées, vieillies, renforcées
d'éléments malades ou mal rétablis furent précipitées sur Souchez et les
contre-pentes du grand ravin des Écouloirs. A gauche de l'attaque le but à
atteindre: Givenchy; au centre : les cotes 119 et 140; à droite : le bois de La
Folie. Mais l'Allemand veillait.
Artillerie lourde et mitrailleuses entrèrent en danse
et sur toute la ligne, l'attaque fut repoussée. Sous la pluie battante de fer
et d'eau, les assaillants furent écrasés. Ils rentrèrent dans leurs lignes où
ils dormirent parmi la boue de sang. On recommença le 26 et après un essai
infructueux. Souchez fut enfin et définitivement pris par la 77e division
d'infanterie.
Mais la pluie s'acharnait : les pentes des cotes 119
et 140 devenaient patinoires. L'ordre fut cependant donné le 27 de les enlever.
Chasseurs alpins (1° 3e et 10° bataillon) et fantassins tentèrent l'impossible.
L'impossible resta impossible : les deux hauteurs tinrent bon, seul le nombre
des morts s'accrut. L'optimisme était réduit à néant parmi nous et lorsque
l'aube du 28, plus sale, plus mouillée, plus noire encore que ses sœurs aînées,
nous lança à l'assaut personne n'espérait plus la victoire ».
Dans cet assaut
désespéré Gaston Charpentier est grièvement blessé. Évacué vers une ambulance
de l’arrière, il meurt le 4 octobre 1915.
A suivre…