MAIN FATALE

92ème semaine

Du lundi 1er au dimanche 7 mai 1916

BATAILLE DE CHAMPAGNE – 2/3

Camille Malzac, 8ème régiment d’Infanterie Coloniale,
mort le 26 septembre 1915 à Massiges (Marne)


Nous avons vu la semaine dernière comment est mort Fernand Dugas, le 25 septembre 1915, lors de la deuxième offensive de Champagne. Le lendemain, presque au même endroit, c’est le tour de Camille Malzac.

Auguste-Camille-Louis Malzac est né le 30 octobre 1882 à Lasalle, où il devient cultivateur. Il fait partie de la classe 1902, il est d’abord dispensé de service comme aîné de 7 enfants. Ce qui ne l’empêche pas d’être incorporé l’année suivante, le 14 novembre 1903, au 40ème régiment d’infanterie de Nîmes. Pas pour longtemps, car il est réformé le 1er février 1904 pour tuberculose pulmonaire. Quand vient la guerre, il n’est appelé qu’en février 1915, reste dans les casernes jusqu’en juin 1915, date à laquelle il rejoint le front comme soldat au 8ème régiment d’infanterie coloniale.

Historique du 8 RIC :
« Aux éléments coloniaux du temps de paix sont venus s'ajouter dans la proportion de la moitié de l'effectif total les réservistes provenant des divers bureaux de recrutement du midi et en particulier de l'Aveyron, de l'Ardèche et du Tarn. Ces derniers ont fourni environ les 3/5 de cet effectif et les départements de l'Aude, de la Dordogne, de la Corse, du Gard, de l'Hérault, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Var, les deux autres cinquièmes.
Le 8 août, dès midi, le Régiment porté à l'effectif de guerre est prêt à être enlevé. Dans l'après-midi, le drapeau est présenté par le colonel Pourrat aux troupes rassemblées qui font le serment de le suivre partout ».

En septembre 1915, le 8e RIC se trouve en Champagne, il est inclus dans le grand plan d’attaque concocté par le Haut-commandement :
« Concurremment avec les travaux de nuit, la mise au point de toutes les dispositions à prendre en vue de l'attaque, est réglée dans ses moindres détails : reconnaissance et répartition du terrain, dotation des unités en matériel d'armement et d'équipement, en vivres, etc. Les travaux sont terminés le 18 au soir, et le 21, la date de l'attaque, fixée au 25 septembre, est  notifiée aux hommes. Le moral de la troupe est superbe, et une préparation extrêmement minutieuse permet d'espérer les plus grands résultats. La préparation d'artillerie, puissamment montée, commence le 22; des simulacres d'attaques sont faits avec succès et le 25 septembre à 9 h. 15, l'attaque d'infanterie se déclenche.


Le 8e RIC a pour objectifs successifs : côté ouest de la Verrue en suivant l'axe du Médius, le Mont Têtu (côte 199) et la ferme Chausson. La première position allemande devant le front du Régiment est très fortement organisée, protégée par d'épais réseaux de fil de fer et flanquée par de nombreuses mitrailleuses. Elle est constituée par trois lignes successives, qui s'échelonnent sur les pentes du Médius, à 800 mètres environ l'une de l'autre et qui sont reliées entre elles par des boyaux, aboutissant tous au réduit central, appelé La Verrue.

La base de départ du Régiment, préparée l'avant-veille de l'attaque, s'étend sur un front d'environ 400 mètres et comprend deux parallèles de départ, construites en avant du Promontoire de 180, dans le Ravin de l'Etang : des échelles sont déposées pour permettre le franchissement du ruisseau. Le Régiment forme six vagues de deux compagnies chacune. Chacune des deux compagnies formant une vague, a deux sections déployées en première ligne, et deux sections en ligne d'escouades à 40 pas en arrière.

L'ordre a été donné de franchir rapidement les tranchées ennemies sans s'y arrêter, chaque vague, encadrée par une section de mitrailleuses, est suivie par un groupe de nettoyeurs de tranchées, ayant pour mission de pénétrer dans les lignes conquises et de nettoyer les abris, d'où pourraient surgir des groupes ennemis qui prendraient à revers les unités d'assaut. Les hommes entrant dans la composition de ce groupe n'ont pas de fusils et sont munis de pistolet automatique, du couteau et d'une quinzaine de grenades. L'ordre d'attaque prescrit en outre, que les troupes doivent avancer sans tirer, chercher à tout prix à gagner du terrain en avant, marcher par bonds et à allure modérée.


Enlèvement du Médius.
Les différentes unités du Régiment prennent leurs emplacements de départ le 24 septembre au soir, et le lendemain, à 9 h. 15, par un temps brumeux et une pluie très fine qui tombe par intervalles, les vagues d'assaut s'élancent dans un ordre parfait. D'un seul élan, protégées à très courte distance par un puissant barrage roulant, elles franchissent le ruisseau de l'Etang et atteignent rapidement les pentes S. du Médius; les pertes sont presque nulles et les deux premières lignes sont brillamment enlevées. Mais l'ennemi, qui occupe en force la troisième ligne, se défend avec acharnement et la marche sur le terre-plein, violemment battu par les mitrailleuses de l'Annulaire, devient alors presque impossible. Les pertes deviennent surtout sensibles à droite, où la première Compagnie ne peut plus progresser et s'accroche au terrain. La gauche, moins éprouvée, continue à avancer et après une lutte violente, s'empare d'une partie de la troisième ligne, au S-O., de la Verrue.

A force d'énergie et de volonté, les tranchées et abris sont nettoyés, mais toute progression est arrêtée. Les pertes du 1er Bataillon sont sévères : Le Chef de bataillon Fleury et le Capitaine Imbert sont tués, cinq officiers sont blessés. Le 2e Bataillon étant venu renforcer la ligne, tout ce qui reste du 1er Bataillon est poussé vers la Verrue et une lutte à la grenade qui dure toute l'après-midi, s'engage alors.

Pendant ce temps, la cinquième vague (9e et 10e Compagnies) est engagée sur la droite pour assurer la liaison avec le 4e R.I.C., et contourner les mitrailleuses de l'Annulaire, qui arrêtent notre marche vers le Col des Abeilles, pendant que la sixième vague vient occuper la première ligne conquise. Au cours de la journée, plus de 100 prisonniers sont tombés entre nos mains, et à la tombée de la nuit, nos premières lignes sont à environ 150 mètres au S-O. de la Verrue. Le 1er Bataillon, relevé sur ses positions par le 2e Bataillon, passe en réserve aux à-pics de la côte 180 et la nuit, mise à profit pour la remise en ordre des unités, se passe sans incidents sérieux.


Enlèvement de la Verrue et de l'Annulaire.
La lutte à la grenade reprend à la pointe du jour et se poursuit avec acharnement pendant toute la journée du 26, en vue d'enlever la troisième ligne et la Verrue. L'ennemi, qui a reçu de nombreux renforts, et est fortement approvisionné en grenades, nous oppose une résistance opiniâtre. Il tente, dans la matinée, deux violents retours offensifs qui sont brillamment repoussés par les 6e et 7e Compagnies.

Par suite du défaut momentané de grenades, un léger fléchissement se produit cependant de notre côté vers 13 h. 30; nos hommes, sous une avalanche de grenades, sont refoulés d'un boyau; mais dans un effort désespéré, ils parviennent à arrêter l'ennemi et à établir un solide barrage de sacs à terre. C'est au cours de cette action que le Capitaine Jouve, Commandant la 7e Compagnie, est mortellement atteint par une balle au moment où il monte sur le parapet pour diriger le tir d'un groupe de grenadiers sur un petit poste ennemi.

Vers 14 h. 30, un fort approvisionnement de grenades étant arrivé, la lutte reprend plus violente, plus âpre; nous prenons rapidement l'avantage. Le canon Hasen, sous le commandement du Lieutenant Petit, vient nous apporter un précieux concours, et la résistance ennemie diminue. A 16 h. 30, en effet, des mouchoirs blancs apparaissent, une cinquantaine d'Allemands sortent des tranchées les bras levés et se rendent. A cette vue, d'un seul élan, les 6e et 7e Compagnies, suivies à courte distance par les 5e et 8e Compagnies, sautent sur le parapet. D'autres prisonniers surgissent de tous côtés. Malgré la fusillade ennemie qui se déclenche du bois de la Justice (2e position), nos hommes s'élancent à l'assaut de la Verrue, qui est brillamment enlevée.

En arrivant sur la Verrue, un groupe de la 6e Compagnie enlève deux canons de 77 et fait prisonniers leurs servants. Trois autres pièces apparaissent sur la droite et en avant de la ligne conquise. Sans hésitation, deux groupes d'une trentaine d'hommes chacun,  se jettent sur les canons et s'en emparent, malgré la résistance que leur opposent une cinquantaine d'Allemands qui défendent ces pièces. Au cours de la journée, le 2e Bataillon a fait ainsi plus de 200 prisonniers et s'est emparé de cinq canons de 77. Pendant ce temps, le groupe de droite (9e et 10e Compagnies), enlève brillamment le Col des Abeilles et rétablit ainsi la liaison directe avec le 4e R.I.C. Plus de 50 prisonniers et deux mitrailleuses restent entre ses mains. A la tombée de la nuit, toute la Main de Massiges est à nous. L'ennemi s'est retiré sur sa deuxième position, jalonnée par la côte 199, la Chenille, le Bois de la Justice. La nuit se passe sans incidents ».

Soldats de 8e RIC, tués le 26 septembre 1915

C’est dans cette journée du 26 septembre qu’est tué au combat le soldat Auguste-Camille-Louis Malzac, âgé de 33 ans. Son nom figure sur la stèle commémorative de l’église d’Anduze, à laquelle était rattachée la paroisse de Lasalle.

L’un des camarades de Malzac au 8e RIC, Paul Fiolle, exaspéré par les soi-disant récits de guerre publiés à partir de 1916, publie lui-même en septembre 1917 un roman intitulé La Marsouille, dans lequel il écrit : « Vous ne savez pas ? Soit ! Eh bien taisez vous, taisez vous donc ! ».

A suivre…

PS : Deux jours plus tard, le 28 septembre 1915, le grand écrivain Blaise Cendrars est blessé dans ces attaques, c’est à lui que sera consacré le prochain billet, à paraître le dimanche 8 mai.