ZOUAVES ET DRAGONS

12ème semaine

Du lundi 19 au dimanche 25 octobre 1914

BATAILLES DE POSITIONS

Alfred Fesquet, 3ème Zouaves,
Mort le 19 octobre de maladie liée au service

Frédéric-Gédéon Faïsse, 17ème Dragons,
Mort le 23 octobre de maladie liée au service


Avant la mobilisation générale du 2 Août 1914, le 3ème Régiment de Zouaves se trouvait à Constantine en Algérie. Il s’agissait d’un corps dont seuls les métropolitains pouvaient être membres. En vue de son embarquement vers la métropole il fut dirigé vers Philippeville où il cantonna dans les baraquements et les magasins du port, en attendant tranquillement l'heure de l'embarquement fixée au lendemain.

Des zouaves dans leur caserne
Mais la guerre commença sans attendre pour ce régiment. Dans son historique on peut lire : « Le 4 août la plupart des zouaves dormaient encore lorsque, à cinq heures, le vrombissement et l'explosion d'obus de gros calibres troublèrent soudainement le sommeil de la population Philippevilloise. Sur la rade, resplendissante de lumière, un magnifique croiseur de bataille allemand était embossé à moins d'un mille du rivage, et, tranquillement, sans risque, tirait sur la ville sans défense.
Un obus tomba sur le hangar où étaient logées la 4e Compagnie et la section de mitrailleuses, tuant ou blessant tous les sous-officiers de la compagnie et un grand nombre de zouaves.
Le hangar s'enflamme : l'incendie, favorisé par l’amoncellement de paille de couchage, prend aussitôt des proportions redoutables. Les cartouchières, bondées de munitions, ainsi que les caisses à cartouches de la section de mitrailleuses explosent au milieu des flammes et de la fumée épaisse, aveuglant et assourdissant les blessés étendus dans le hangar. Sous le bombardement qui continue, de courageux sauveteurs se portent à leur secours et parviennent à retirer de la fournaise un grand nombre d'entre eux.
Cependant, malgré le dévouement de ces braves, les pertes demeurent lourdes encore. Dix gradés ou zouaves périrent par le bombardement ou l'incendie. Vingt blessés, dont cinq allaient bientôt succomber, furent transportés à l'hôpital militaire. Le 1er Bataillon avait perdu, en outre, tous ses chevaux et mulets de bât, et la majeure partie de son matériel.
La population de Philippeville, vivement impressionnée par le bombardement, reprit confiance, devant l'attitude exemplaire du Bataillon pourtant si éprouvé. Le Colonel et le Commandant présents sur le lieu de la catastrophe avec les officiers du régiment, firent preuve, en cette circonstance, d'un calme et d'un sang-froid justement admirés. Le soir même, la Musique des Zouaves jouait sur la place de la Marine, non loin de l’emplacement bombardé, et la foule tranquillisée écouta avec recueillement la Marseillaise et la marche des Zouaves.
Le lendemain, 5 Août, d'imposantes funérailles furent faites par la ville aux victimes du bombardement. Au milieu de l'émotion virile qui étreignait tous les cœurs, le Général Commandant la Division prononça sur leurs tombes de fortes et énergiques paroles et prit, au nom de tous, l'engagement de venger ces premières victimes de la guerre, tombées pour le Pays, avant d'avoir pu affronter l'ennemi.
Ainsi, quelques heures à peine après la déclaration de guerre et à plus de 2.000 kilomètres de la frontière, le 3ème Zouaves avait le douloureux honneur d'être le premier au sacrifice ».

Dès son arrivée à Marseille le régiment fut dirigé vers la Lorraine où il participa à l’offensive perdue et à la retraite. Il y perdit près d’un millier d’hommes dont son Colonel. Tableau : « Partout, dans les campagnes traversées, régnait la terreur de l'invasion. A l’horizon flambaient les villages; les populations abandonnaient leurs demeures dans une confusion et un désordre inexprimables. Sur les routes, brûlées par le soleil d'Août, c'était le douloureux exode des Français, et des Belges fuyant devant l'envahisseur. Tous les chemins étaient encombrés de leurs troupes misérables qui allaient, sans but précis, vers le Sud, poussant devant eux leurs troupeaux et traînant dans des véhicules de toutes sortes, les hardes et les bagages qu'ils avaient pu hâtivement y entasser. C’est au milieu de toute cette misère que se poursuivait la retraite de nos soldats : bien qu’épuisés, par la longueur des étapes, le dos brisé par le sac et les pieds en sang, les zouaves marchaient en bon ordre gardant malgré la tristesse de ces spectacles, les désillusions et les épreuves de chaque jour, une force de résolution invincible, qu’ils puisaient dans une obscure et intime certitude de la victoire ».

Puis ce fut la bataille de la Marne. Suite du récit : « Le 5 septembre, l'ordre était parvenu de poursuivre le lendemain la retraite au Sud de la Seine, lorsque, vers 14 heures des officiers d'Etat-major, arrivés en automobile, au milieu des bivouacs de la Division, apportent une grande nouvelle : « Contre-ordre. On ne recule plus, l'armée de Paris a attaqué en flanc l'armée allemande. L'offensive générale est décidée pour le lendemain : La Victoire est certaine ». Ces paroles sont rapidement répandues ; dans la plaine les compagnies se rassemblent. Les Capitaines lisent et commentent l'ordre désormais immortel du Général Joffre.

Le 6 au matin, le régiment groupé en ordre parfait semble disposé comme pour une parade. Les hommes, qui, au cours d'une retraite de 200 kilomètres, ont enduré toutes les privations et fourni un effort surhumain sont transfigurés. Nulle trace de fatigue. Leur attitude superbe révèle l'ardeur qui les anime. La division, placée tout d'abord en réserve d'armée, n'a plus qu'un désir: avancer. Elle suit avec impatience le bruit de la canonnade qui parait s'éloigner vers le Nord. Dans sa hâte de s'engager, elle talonne les éléments de première ligne dont elle dépasse les réserves. Le terrain qu'elle parcourt porte les traces récentes d'une lutte acharnée. Des cadavres allemands jonchent le sol ; les habitants, sortant des caves, accueillent les zouaves avec enthousiasme.
Le 8, le régiment, enfin en première ligne, mène l'attaque sur le Plateau au Sud du Petit Morin. La progression est facile, les pertes relativement légères ».

Déplacé dans le Soissonnais le régiment se trouve le 15 septembre au-dessus du village de Caisnes. La nuit, coupée d'alertes, est passée sur le champ de bataille. Une pluie pénétrante glace les hommes qui viennent de franchir une dure étape dont la dernière partie sous les obus.
« Au lever du jour, la marche en avant reprend, pour attaquer à revers les positions ennemies qui ont résisté la veille à l'assaut des fantassins. Malheureusement, la chute de la Place de Maubeuge, venait de libérer un corps d'armée allemand qui accourait à marches forcées. Dès 10 heures, alors que le succès semblait acquis, une violente fusillade s'allume sur les derrières du régiment. Les quelques éléments français sont submergés par les feldgrau qui débouchent en masse. La situation change en un instant. La Division est isolée et toute retraite vers le Sud est coupée.
Vainement, pendant tout l'après-midi, les officiers de liaison du Quartier Général s'efforceront d'atteindre la Division. La consternation est générale : on redoute une catastrophe.
Cependant, vers le soir, le Chef artificier réussit à amener au régiment son train de combat, en utilisant un sentier carrossable. Le Général décide que le lendemain, par une marche de nuit, toute la division tentera de s'échapper par cette issue précaire. Les préparatifs de cette opération commencent aussitôt. Les roues des canons et des voitures sont entourées de paille pour éviter tout bruit et le repli des éléments avancés commence. L'entreprise hasardeuse réussit au delà de toute espérance et le 18 au matin, la Division avait échappé au péril. Le 3ème Zouaves, au cours de cette pénible étape, parcourue dans l'obscurité sous bois, par des chemins détrempés, à quelques centaines de mètres de l'ennemi, ramena ses blessés légers et la totalité de ses bagages et sut conserver, aux moments les plus critiques, un ordre et un moral parfaits qui allaient lui ménager, le lendemain, une splendide revanche.
L'ennemi malgré qu'il eût manqué l'occasion d'anéantir la Division, avait remporté un succès dont il comprenait l'importance. Quatre-vingts kilomètres seulement le séparent de Paris, but dont il a été contraint de s'éloigner, mais qu'il n'a cessé de convoiter. Dans la nuit du 18 au 19 Septembre, il cherche à surprendre nos avant-postes.
Au premier indice de l'approche de l'ennemi, l'alarme est donnée sans bruit : les parapets sont garnis de leurs défenseurs. Les zouaves gardent leur sang-froid, laissent approcher les Allemands et les clouent sur place par un feu meurtrier.
Alfred Fesquet
Au petit jour, des patrouilles sont lancées en avant. L'une d'elles, conduite par un sergent, découvre sous un monceau de cadavres et de mourants un magnifique trophée : le Drapeau du 85e Régiment d'Infanterie Bavaroise, qu’un zouave arrache des mains crispées de l'officier qui le retenait.
Ce drapeau capturé devait lui valoir une citation à l'ordre de l'Armée et lui conférait la place d'honneur parmi les plus illustres régiments ».

Les semaines suivantes le 3ème Zouaves continue à être engagé dans les combats autour du village d’Ollencourt. A quel moment l’Anduzien Alfred FESQUET a-t-il été blessé ? Pour l’instant on l’ignore… Toujours est-il qu’il est transporté vers l’hôpital de Saint-Germain en Laye où il meurt le 19 octobre des suites de ses blessures. Il avait 25 ans.

Dragons escortant des prisonniers
Le soldat Anduzien Frédéric-Gédéon Faïsse, quant à lui, est un cavalier, appartenant au 17ème régiment de Dragons. Les Dragons sont des soldats formés aux combats à cheval mais aussi à pied, contrairement à ceux de la Cavalerie. Corps fier de lui-même, de sa lance et de ses traditions, il est emporté en 1914 comme il l’avait été en 1970, dans de furieuses attaques au galop. Mais les temps ont changé, et la cavalerie adverse (les fameux uhlans) se dérobe…

D’août à septembre c’est encore une guerre de mouvement, on avance et on recule, on cherche à envelopper l’ennemi. Mais pour les cavaliers français c’est la déception : « Les Boches refusent généralement le combat à l’arme blanche et préfèrent nous attirer dans des embuscades pour nous tirer à bout portant à l’abri de la pointe de nos lances ». Plusieurs charges sont lancées, le feu d’une infanterie bien cachée les décime. Les gestes héroïques sont nombreux, et on les grave dans le marbre des registres : « C’est le même jour qu’est grièvement blessé le Maréchal des Logis auquel on a appris qu’un Cavalier Français n’abandonne pas son cheval et qui, pour le retirer d’un marécage où il s’était enlisé, risque sans hésitation sa vie, allant dans le devoir jusqu’à l’héroïsme ». « Un Cavalier blessé d’une balle revient péniblement en arrière à pied, quand il s’aperçoit qu’il a perdu sa lance. Il retourne la chercher et en rejoignant son Officier lui dit : Ils auront peut-être ma peau, mais ils n’auront pas ma lance ».

La légende de l'officier des Dragons

Frédéric-Gédéon Faïsse
Après la retraite de Lorraine le 17ème Dragons est bien obligé de laisser ses chevaux dans leur cantonnement, et d’aller s’enterrer dans des tranchées, comme ceux de l’infanterie qu’ils dominaient avec superbe. Mais au début de cette période ils continuent à utiliser leur lance comme arme de poing.  

Fin septembre début octobre le régiment combat autour de Bienvillers (Pas-de-Calais). Le Cavalier Frédéric-Gédéon FAÏSSE en est évacué car il est atteint d’une appendicite gangréneuse dont il va mourir le 23 octobre, à l’hôpital d’Auxonne (Côte d’Or), à l’âge de 22 ans.

A suivre…

Chronologie générale de la 12ème semaine (Source : Wikipédia  et e-chronologie) :

19 octobre :
« Course à la mer » entre les Allemands, les Belges, les Français et les Britanniques (oct.-nov.), les Allemands cherchent à atteindre Dunkerque, Boulogne-sur-Mer et Calais.
Bataille de l'Yser derrière les inondations tendues par les Belges (fin le 17 novembre).
20 octobre :
Les Allemands battent en retraite devant les Russes dans la boucle de la Vistule.
21 octobre :
Les armées ennemies ont atteint la mer, le front est désormais continu des Vosges à la mer du Nord.
Jusqu’au 31 octobre :
La bataille de l’Yser est l'appellation donnée à l'ensemble des combats qui se sont déroulés du 17 au 31 octobre 1914 et qui ont opposé les unités allemandes qui voulaient franchir le fleuve en direction de Dunkerque aux troupes belges et françaises qui essayaient de les y arrêter. Une vaste inondation, déclenchée fin octobre, a réussi à stopper définitivement la progression des assaillants.