LE COMMANDANT RÉCALCITRANT

 16ème Semaine

Du 16 au 22 novembre 1914

LES CASERNES DE CHAUVONCOURT

Emile Clot, 40ème RI,
Mort le 18 novembre 1914 à Chauvoncourt (Meuse), tué à l'ennemi


Le village de Chauvoncourt se situe sur la rive gauche de la Meuse, en face de Saint-Mihiel, cet irréductible saillant conquis par les Allemands. D’énormes casernes se trouvent au centre de la cité, occupées elles aussi par les Allemands.


Le 15 novembre, plusieurs régiments reçoivent l’ordre de participer à une attaque de ces casernes.  Le 40ème n’attaquera pas directement les bâtiments mais aura comme objectif les bois environnants.

Le texte qui suit est extrait du récit de ces journées par Claude Chanteloube, publié (*) en 2004 :

"15 Novembre :
17 h: Le commandant Giordani rencontre le colonel Tantot à Rupt. Il reçoit ses ordres : « Le 3ème Bataillon participera à l'attaque de la côte 277 dans les conditions suivantes : à 14 heures l'artillerie ouvrira le feu sur les tranchées allemandes de la côte 277. Durée du tir : 30 mn puis allongement sur la deuxième ligne allemande et destruction des points importants : mitrailleuses, pièces de tranchées. La compagnie franche attaquera en tête. Le 3ème bataillon cheminera dans le Malimbois jusqu'aux avancées pour l'appuyer et aussi, si possible, atteindre le bois situé à hauteur de la 2ème ligne ennemie et prendre le pont de St-Mihiel ».
Le commandant Giordani émet des réserves verbales qu'il confirmera par la suite. Il pense que l'attaque en plein jour est une erreur et affirme que le sous-lieutenant désigné n'est pas assez « qualifié » pour mener la première vague d'attaque.

16 Novembre
14 h : L'artillerie française ouvre le feu, l'artillerie allemande réplique.
14 h 15 : Cdt Giordani au Colonel du 40ème : « Je persiste à dire qu'en attaquant à 15 h 30, nous risquons de ne pas réussir et de perdre beaucoup de monde si l'artillerie tire sur nous, ce qu'elle fera certainement. Pensez que le Lieutenant Fabre a perdu une centaine d'hommes rien que du fait du bombardement. Nos compagnies, sous les effets meurtriers du feu de l'artillerie, vont lâcher pied et être décimées. Cela dit, je donne les ordres... ».
14 h 20 : Après préparation par l'artillerie, le signal de l'attaque est donné. L'artillerie allonge son tir. La compagnie franche clouée au sol par le feu ennemi est décimée en sortant des parallèles. Les compagnies d'accompagnements du 58ème ne bougent pas. La réaction de l’Etat-major de la Division est immédiate :
15 h 25 : 16 novembre 15 h 25 – « Colonel Marillier (Etat-major de la division) à Colonel Tantot - Le Général de division donne l'ordre que le bataillon Giordani du 4ème se porte en avant. Exécution immédiate si ce n'est déjà fait ».
15 h 50 : « Colonel Marillier à Colonel Tantot - Faites marcher l'attaque du bataillon Giordani sur les derrières de la compagnie des volontaires. Il faut renouveler cette attaque vigoureusement si la première n'a pas réussi et exploiter le succès s'il y a eu succès. Renseignez-moi et ne perdez pas une minute pour déclencher le bataillon Giordani ».
16 h 25 : Le général s'inquiète de l'absence de mouvement, le colonel Tantot lui répond, trichant un peu sur les horaires : « Colonel Tantot à Général de Division -  D'après un renseignement de blessé, le Commandant Giordani se serait porté en avant, il y a environ 45 minutes. Il y a environ 30 minutes, j'ai fait demander au Commandant Giordani où en était son mouvement, je n'ai pas encore de réponse. Il y a environ un quart d'heure, j'ai appris que la Compagnie de volontaires était toujours dans la parallèle 5. J'ai immédiatement donné l'ordre au bataillon Giordani de reprendre pour son compte la mission donnée à la Compagnie de volontaires (J'avais prévu le cas et je lui en avais parlé hier soir) ».
16 h 30 : Le Commandant Giordani rend compte des dispositions prises pour la nouvelle attaque : « Les compagnies Klotz et Fabre sont sorties en avant pour aller occuper les tranchées allemandes de la côte 277. Je fais réunir aux carrières les compagnies Kuntz et Santolini. Dès que je les aurai, je me porterai avec elles en avant, pour appuyer le mouvement des deux compagnies de 1ère ligne. L'adjudant du 58ème qui occupait le petit bois à hauteur de Menonville est ici tout seul. Il me rend compte que sa section a lâché pied et que le bois n'est pas occupé. Le mouvement en avant de la compagnie franche et des compagnies du 58ème ne paraît pas avoir été effectué ».


La mise en place a été longue. Le Commandant Giordani qui souhaitait une attaque de nuit, l'a certainement retardée le plus possible, mais cela ne semble pas avoir atténué la difficulté. Il envoie le message suivant :
« 18 h 20 : Commandant Giordani à Colonel Tantot - J'ai conduit la compagnie Fabre jusqu'à la deuxième carrière avec ordre de se diriger sur les tranchées allemandes, en se tenant au sud du sentier Chauvoncourt. J'ai trouvé aux carrières la compagnie Klotz et la compagnie Maisonneuve du 58ème. La compagnie Klotz a reçu l'ordre de se porter sur les tranchées allemandes en se tenant au bord du sentier de Chauvoncourt. Quand au lieutenant Maisonneuve, il m'a dit qu'il avait reçu l'ordre de rester aux carrières. Je lui ai donné l'ordre ferme d'appuyer le mouvement en avant du 40ème. Avec les deux compagnies de réserve, je me porte en avant pour appuyer le mouvement et m'emparer des tranchées. J'ai appris que la compagnie franche n'a pas bougé de ses tranchées et qu'un lieutenant du génie a emmené tous ses hommes en arrière en disant que c'était fini. Je ne dispose point de cisailles, si vous pouviez me renvoyer ces hommes, j'essaierais d'enlever les tranchées plus en arrière ».

19 h : « Commandant Giordani à Colonel Tantot - Le mouvement en avant des compagnies Klotz et Fabre a été arrêté par les fils de fer qui se trouvent en avant de nos tranchées des carrières. Je suis allé de ma personne, par le boyau, voir le capitaine qui commande les compagnies à la parallèle 3. D'après cet officier, il y aurait devant les tranchées allemandes un réseau de fils de fer. Ce renseignement a été confirmé par le lieutenant Alexi que j'avais fait demander. Dans tous les cas, j'ai ordonné au lieutenant d'envoyer les patrouilles en avant pour s'en assurer et m'en rendre compte tout de suite. Pour reprendre le mouvement en avant, j'attends la section du génie. Voici comment je compte procéder pour l'attaque des tranchées allemandes. Comme elles sont peu développées et que, d'autre part, si j'employais toutes les unités dont je dispose, elles pourraient se gêner, je vais tenter l'attaque par 3 compagnies. La compagnie franche, et les compagnies Klotz et Fabre sous le commandement du lieutenant Fabre. Dès que le génie aura procédé en partie à l'enlèvement des réseaux, les 3 compagnies se porteront baïonnette au canon aux tranchées allemandes qu'elles enlèveront. Avec la compagnie Maisonneuve et les deux compagnies du 40ème, je me tiens aux carrières N°2 pour intervenir si besoin est ».

Les compagnies Kuntz et Santolini que le Commandant Giordani fait monter jusqu'à la parallèle 5 sont retardées dans les boyaux occupés par les soldats du 58ème qui ne participent pas directement à l'attaque et ne peuvent, pour laisser le passage, grimper sur les parapets sans s'exposer.

17 Novembre
2 h : Les compagnies d'attaque en place s'élancent.
3 h : L'assaut a réussi, sans trop de peine, car les tranchées allemandes étaient abandonnées, gardées seulement par quelques guetteurs qui se sont enfuis aux premiers coups de feu.
5 h : La compagnie Fabre et la compagnie du génie retournent les parapets et les boucliers des éléments de tranchée et commencent à s'y organiser.
« Commandant Giordani à Colonel Tantot - Nous occupons les tranchées allemandes de la cote 277. Je donne l'ordre au lieutenant Fabre de s'organiser fortement et de résister coûte que coûte à toute contre-attaque allemande ».
Une heure plus tard c’est la catastrophe : « Sous-lieutenant Robert de la compagnie des volontaires à Commandant du secteur du bois de Malimbois - Détachement génie et compagnie du 40ème d'infanterie sont prisonniers. Je tiens la parallèle N°5.
La Compagnie Klotz, mal gardée, s'est laissée surprendre par une contre-attaque. Elle est faite prisonnière, presque entièrement. Sont portés disparus, mais on ne sait pas s'ils ont été faits prisonniers ou tués, 4 sergents, 6 caporaux, 56 soldats ».

L’Etat-major réagit et demande une enquête dont le rapport sera déposé le 13 décembre : « Rapport du Colonel Tantot, Commandant le 40ème Régiment d'Infanterie sur l'affaire de Chauvoncourt (attaque des tranchées ennemies de la côte 277 dans laquelle des militaires du 40ème RI sont tombés entre les mains de l'ennemi), nuit du 16 au 17 novembre 1914. « Le 3ème bataillon du 40ème RI avait ordre d'attaquer les tranchées allemandes de la côte 277. Les 11ème et 12ème sections s'en emparaient vers 3 heures. Une contre-attaque ennemie se produisit quelques temps après. Le Sous-lieutenant de réserve Klotz, surpris, ne se ressaisit point ; il aurait levé le bras, fait des gestes, crié quelques paroles en allemand qui n'ont été comprises d'aucun homme, ni gradé, et se serait rendu. Seul un témoin, le sergent Aléa qui se trouvait près de lui, affirme l'avoir vu lever les bras. Le Caporal Augoin, qui était plus éloigné, déclare seulement lui avoir vu faire des gestes. Tout ceci aurait été vu à la faveur d'une fusée éclairante lancée par l'ennemi. L'irruption des Allemands fut si brusque et la nuit était si obscure qu'il est impossible d'obtenir d'autres renseignements et plus de précision des rares témoins. Une enquête approfondie, après les hostilités, s'impose. Elle fera ressortir toutes les responsabilités que le Sous-lieutenant de réserve Klotz a pu encourir ». (NB : En réalité le Sous-lieutenant Klotz a été retrouvé mort. Ce qui laisse à penser que le sergent Aléa a menti ou mal vu, ou que les Allemands l'ont abattu après sa capture).

7 h 40 : « Commandant Giordani à Colonel Tantot - J'ai l'honneur de vous adresser le compte-rendu du Lieutenant Fabre commandant la 12ème compagnie. Je ne sais pas quelle est sa situation, s'il est en arrière ou s'il occupe encore quelques éléments de tranchées allemandes. Il demandait du renfort. Le capitaine Brunet du 58ème lui envoya une compagnie. Quant à la 11ème compagnie, elle aurait été faite prisonnière d'après les dires des blessés de cette compagnie revenus en arrière. Je suis avec mes 2 compagnies sur la lisière nord du Bois de Malimbois ; j'attends pour me porter en avant l'accalmie de la canonnade. Il y aurait danger à esquisser un mouvement en avant ».

7 h 50 : Les ordres arrivent: il faut reprendre l'attaque immédiatement. Les ordres arrivent, certes, mais ils ne sont pas exécutables.

Officiers Allemands à Chauvoncourt
9 h : le Commandant rend compte de la situation et évoque un coup de sonde. « Si la compagnie Klotz a disparu et quelques hommes de la 12ème, cette dernière compagnie a eu beaucoup de blessés (voilà donc 2 compagnies sur lesquelles je ne puis plus compter, pas plus d'ailleurs que sur la compagnie franche), je ne crois pas possible une attaque de jour, cette position étant trop battue par l'artillerie. Il vaudrait donc mieux, à mon sens, faire l'attaque ce soir. On pourrait aller à 277 puis aux autres tranchées. Si vous voulez que j'essaie un coup de sonde, je vais le faire, mais ce serait des pertes lourdes et inutiles puisqu'on ne pourra s'y maintenir. Je suis en ce moment avec mes deux compagnies à la lisière nord du Bois de Malimbois. La carrière contre la lisière est intenable et il me sera très dur de me porter à la 2ème carrière. J'estime donc et j'insiste là-dessus, qu'une attaque de nuit seule peut réussir ».
L'attaque partielle est cependant lancée, mais vite arrêtée devant les difficultés et les pertes envisageables.

Le Commandant Giordani s'est contenté de donner le change pour satisfaire l'Etat-major. De toute évidence il est décidé à attendre la nuit. « Commandant Giordani à Colonel Tantot (Arrivée 11 h 45) - J'ai arrêté le mouvement que j'avais ordonné, nous ferons un meilleur travail la nuit prochaine et nous tâcherons de ne point lâcher les tranchées dont nous nous serons emparées. Je vous avais dit le peu de confiance qu'il fallait avoir dans la 11ème compagnie dont les cadres n'avaient jamais vu le feu. Cette nuit, l'attaque se fera par les compagnies Kuntz et Santolini sur lesquelles on peut avoir toute confiance. Je fais renforcer la compagnie Fabre d'un peloton, pour lui permettre de résister sur ses positions. Étant très fatigué, j'établis mon poste de commandement à la lisière N du bois de Malimbois où je serai au sec. Pourriez-vous, mon Colonel, me faire donner un peu de pain ».

Une nouvelle attaque est donc montée pour le soir, à la tombée de la nuit. Le Commandant répond successivement à plusieurs demandes du colonel Tantot, car il faut trouver une explication à la capture de la 11ème compagnie. A midi, il refuse de fixer une heure pour l'attaque : « Commandant Giordani à Colonel Tantot (Arrivée 12 heures) - Je n'ai jamais donné l'ordre au 42ème Colonial de quitter la tranchées qu'il occupait. D'après les renseignements qui m'ont été donnés par l'adjudant de la 11ème compagnie dont la section n'a pas été faite prisonnière, la compagnie du 42ème aurait occupé la tranchée avec sa compagnie et demie puis se serait retirée de suite, n'y laissant qu'une seule section; laquelle n'aurait pas résisté à la contre-attaque allemande. Pour l'artillerie, j'accepte avec plaisir son appui. Elle pourrait battre dans la journée à une heure quelconque les tranchées allemandes de la cote 277 et celles qui sont en arrière. Néanmoins, je ne ferai l'attaque qu'à la nuit ».

12 h 30 : « Commandant Giordani à Colonel Tantot - Ce m'est bien difficile de fixer l'heure de l'attaque, étant donné que les hommes sont obligés de passer un par un par les boyaux. Si je peux le faire au commencement de la nuit, je le ferai car ceci permettrait aux compagnies de se fortifier. Le Sous-lieutenant du génie aurait-il été tué ? Merci mon colonel pour les provisions que vous avez bien voulu m'envoyer ».

Au colonel qui s'impatiente, il explique pourquoi le cheminement des troupes est si lent :

16 h 15 : « Carrière N°2, Commandant Giordani à Colonel Tantot (arrivée 16 h 45) - La compagnie Kuntz me rend compte que le boyau allant de la parallèle 3 à 4 est obstrué par les morts et les blessés. Je lui dis de faire placer les morts sur les talus et de disposer les blessés de telle sorte qu'on puisse passer. Voici les dispositions pour l'attaque : La compagnie Kuntz marchant à droite et à gauche du chemin de Kieur à Chauvoncourt, compagnie Santolini à sa droite, compagnie Phillipot à sa gauche, les compagnies Fabre et "franche" appuieront le mouvement. Elles sont trop fatiguées pour que je puisse leur demander davantage. Je n'ai pas encore la compagnie Phillipot mais je pense qu'elle suit. J'ai laissé un agent de liaison pour la conduire ».

17 h 20 : « Commandant Giordani à Colonel Tantot (arrivée 18 h 10) - La compagnie Phillipot est en place. Je viens de conférer avec le capitaine Kuntz. L'attaque des tranchées va se faire avec prudence mais rapidement. Dès que nous nous serons emparés des tranchées allemandes, j'irai sur la position étudier sur place les mesures à prendre pour résister à toute contre-attaque. Je ferai barrer les boyaux venant de leur côté. La 7ème compagnie vient d'arriver à la carrière N°2. Je la conserve comme réserve ».

19 h : Le mouvement de mise en place est terminé. La progression commence sous le feu ennemi. Les hommes arrivent à environ 50 m des tranchées allemandes. Au moment où ils s'apprêtent à se lancer à l'assaut, des projecteurs cachés derrières les tranchées illuminent le champ de bataille. Les Allemands ajustent un feu meurtrier, clouant l'attaque au sol.

21 h : « Commandant Giordani à Colonel Tantot - On avance péniblement sur les tranchées qui sont fortement occupées. Fusillade intense. Dès qu'on arrivera à une petite distance, on se lancera à l'assaut. La compagnie Santolini placée à droite et dans l'ombre fait face au sud et bloque une contre-attaque allemande qui monte de Menonville et a été rendue possible par l'échec de l'attaque du 58ème sur le village ».

22 h : L'attaque n'avance plus. Le Commandant Giordani ordonne le repli. Les éléments avancés refluent, sac sur la tête pour se protéger un peu (les soldats français n’ont pas encore de casques), et rejoignent les parallèles.

22 h 30 : « Commandant Giordani à Colonel Tantot - Notre attaque n'a pas réussi. Kuntz, avec les compagnies dont il disposait, malgré une vigueur réelle, n'a pu arriver qu'à une cinquantaine de mètres des tranchées occupées fortement et a du se replier sur nos tranchées, en perdant la moitié de l'effectif engagé. Avec la Compagnie de réserve que j'ai sous la main et avec une 2ème Compagnie du bataillon REY que j'ai envoyé chercher, je vais essayer de reprendre le mouvement en avant. Le 42ème Colonial s'est également replié. Quant aux 2 compagnies du 58ème qui devaient appuyer le mouvement à notre droite, nous n'avons aucune nouvelle. Je fais prévenir le Colonel Pierre du 42ème que nous allons à nouveau nous reporter à l'attaque des tranchées ».

Le Sergent Laye raconte ces moments difficiles : « Sur trois hommes que j'avais chargés de porter les ordres, deux furent assez grièvement blessés, ils n'ont pu être transmis que par le troisième.
Le Lieutenant du 3ème bataillon vint alors me donner l'ordre de me retirer, l'assaut ayant été reconnu impossible par le commandement.
La retraite fut opérée en bon ordre, je fis reculer mes hommes face à l'ennemi, le sac sur la tête en les faisant ramper. Nous gagnâmes ainsi un repli de terrain à partir duquel je fis faire une série de bonds.
La 2ème section en réserve avait reçu l'ordre de se replier. Nous avons gagné des tranchées sur notre droite occupées par le 42ème colonial et là, nous avons attendus jusque vers 3 h du matin ; je reçu alors la mission spéciale du Lieutenant de rechercher l'Adjudant chef. Je retournai sur le champ de bataille mais ne pus le découvrir. Par contre, je trouvai un sergent grièvement blessé.
Nous nous rendîmes ensuite sur ordre du Capitaine Kuntz à l'endroit où le service médical était installé. Les hommes furent employés à la relève des blessés et firent preuve de dévouement dans l'accomplissement de cette tâche. Je fis ensuite l'appel des gradés et hommes de la compagnie. Nous n'étions plus que 3 sergents, 4 caporaux, et 63 hommes ».

Le 40ème tente de s'accrocher au terrain et de résister au bombardement mais à minuit la position n'est plus tenable et certaines sections privées de sous-officiers commencent à reculer en désordre.

Minuit – « Commandant Giordani à Colonel Tantot - Il vient de se produire dans la 7ème compagnie de réserve que j'ai commencé de diriger en avant, un léger mouvement de panique. Trois sections se sont portées en arrière sous prétexte que l'on avait commandé de battre en retraite. Le commandant de la compagnie est resté seul en avant avec sa première section. Je fais faire l'appel dans les sections qui se sont portées en arrière et les renvoie reprendre leur place.
La compagnie du bataillon Rey que j'attends n'est pas encore arrivée.
Les brancardiers divisionnaires que le commandant de la Brigade avait demandé sont-ils arrivés, je voudrais qu'ils viennent relever nos blessés qui geignent sur toute la ligne de combat (il doit y avoir près de quatre cents blessés que nous ne pouvons pas laisser là) ».

18 Novembre - 0 h 25 : Le commandement arrête l'attaque. Les dispositions sont prises pour la relève des troupes engagées.

Le bilan est assez vite dressé, il est lourd: 3 officiers ont été blessés, 1 est prisonnier. Vingt-deux hommes et sous-officiers (caporaux ou sergents) ont été tués, 150 sont blessés, 181 ont disparu et parmi eux, la 11ème compagnie du 3ème bataillon (une seule section, semble-t-il, a échappé à la capture).

10 h : Un télégramme du général arrive, demandant qu'on lui présente les troupes engagées, à Rupt, à 15 Heures. Il mentionne comme première récompense, que la ration de vin des hommes de la compagnie franche sera doublée et qu'on leur préparera une soupe chaude. Suprême récompense : ils cantonneront sur place et n'auront donc pas à rejoindre les cantonnements en arrière du front. Mais sur les 86 hommes de cette compagnie franche ils ne sont plus que 21."

Parmi les tués du 40ème RI pendant les combats du 17 novembre on compte l’adjudant Anduzien Emile CLOT, 30 ans. Avant la guerre il était instituteur, son nom figure sur la plaque commémorative apposée à Nîmes sur les murs de l’IUFM.

A suivre…

(*) : Références de l'article de Claude Chanteloube :
http://40ri.provence14-18.org/pdf/casernes_chauvoncourt.pdf

Chronologie générale de la 16ème semaine (Source : e-chronologie) :

17 novembre :
Les Américains annoncent la neutralité du canal de Panama
18 novembre :
Le gouvernement français va regagner la capitale qui n’est plus menacée par les Allemands


22 novembre :
Prise de Bassorah (Irak) par les Anglais

Sur le front qui court maintenant tout au long du Nord-Est de la France la guerre de mouvement est terminée, c’est maintenant la guerre de position, on creuse partout tranchées et casemates.