PÉPÈRES

89ème semaine

Du lundi 10 au dimanche 16 avril 1916

ÉTERNEL REPOS POUR UN TERRITORIAL

Léon Gay, 117ème régiment d’Infanterie territoriale,
mort le 13 mars 1915 à Baconnes (Marne)


Léon Gay est né le 18 novembre 1872 à Monoblet. Il y est cultivateur. Lorsqu’il est appelé devant le conseil de révision en 1892, il est dispensé de service car un de ses frères est mort au combat. Ce qui ne l’empêche pas d’être incorporé en 1893 au 163ème régiment d’infanterie où il restera un an avant d’être libéré pour être versé dans la réserve. En 1899 puis 1902 il effectue des périodes de rappel d’un mois chacune, il est enfin versé dans la réserve territoriale en 1906. En principe, pour lui, l’armée c’est fini. Mais bien évidemment la mobilisation d’août 1914 change cela. Il a 42 ans.

Dès le 1° août 1914, les régiments de la territoriale et de la réserve territoriale sont mobilisés. Entre le 3 et le 19 août 1914, les hommes âgés sont incorporés dans l'armée territoriale (34 à 39 ans) et, pour les plus âgés (40 à 47 ans), dans la réserve de l'armée territoriale. Les hommes de 48 et de 49 ans seront ensuite très rapidement incorporés à leur tour dans la réserve de l'armée territoriale.

Les régiments territoriaux devaient initialement assurer un service de garde et de police dans les gares, les villes, les frontières, sur les voies de communication (GVC : Garde voie de communication). La défense des forts, des places fortes, des ponts et autres lieux sensibles relevaient également de la mission des régiments territoriaux.

Le plan XVII de mobilisation stipulait que l'armée territoriale et sa réserve ne devaient  pas  être engagées en première ligne. La loi du 5 août 1914 apporte une modification considérable à cette organisation : "Les officiers, les gradés et les hommes de troupe de l'armée territoriale ou de sa réserve, peuvent être employés indistinctement dans les corps de troupes ou services de l'une ou l'autre armée, au fur et à mesure des besoins qui viendront à se produire au cours d'une guerre." Il résultait de cette loi que l'âge du soldat n'était plus nécessairement pris en compte lors de son envoi sur le front et que des territoriaux pouvaient être incorporés dans des régiments d'active.

Les terribles pertes subies par l'armée française lors de la bataille dite des Frontières au cours des mois d'août, septembre et octobre 1914 font que d'importants contingents de territoriaux doivent renforcer très vite les régiments d'active.  Au fil des mois tous les territoriaux âgés de moins de 41 ans sont peu à peu versés dans des régiments d'active. Ils y gagnent l’affectueux surnom de "pépères" auprès des jeunes soldats  du front.

Les plus âgés des territoriaux effectuent divers travaux de terrassement, de fortification, de défense, d'entretien des voies ferrées et des routes. En 1916, 1 200 territoriaux sont affectés à l'entretien permanent des 57 kilomètres de route entre Bar-le-Duc et Verdun, route qui deviendra la " Voie Sacrée ".

Derrière la ligne de front, des détachements de territoriaux sont chargés de récupérer du matériel et des armes sur les champs de bataille et d'arrêter puis d'escorter les soldats allemands isolés ou blessés. Certains détachements ramassent, identifient et ensevelissent les cadavres alors que d'autres construisent et gardent les camps de prisonniers.

Les territoriaux sont également parfois chargés du ravitaillement des troupes de première ligne. Un grand nombre d'entre eux y perdent la vie sous les bombardements.

Léon Gay a été affecté au 117ème régiment d’infanterie territoriale. Ce régiment est d’abord formé à Nîmes, qu’il quitte début août sous les applaudissements, les fleurs et les embrassades de la population émue de voir ces vétérans allonger la jambe vers la gloire des combats. Posté à Nice dans l’attente de la décision de l’Italie d’entrer ou non en guerre, puis libéré par l’annonce de la neutralité de ce pays, le régiment est envoyé en Champagne, où il se place au-dessus de Mourmelon, dans le secteur Marquises / Baconnes / Prosnes. Il y reste pendant toute l’année 1915 et le début 1916.


L’historique du régiment raconte :
« Aux petits éléments de tranchées rudimentaires creusées à la hâte, en plein combat, succèdent des tranchées plus profondes, continues. L’homme qui, au début hésitait à utiliser l’outil, comprend maintenant la valeur de cette nouvelle arme. Durant de longs mois, des années entières, elle va l'aider à transformer sa vie. A cette tâche, le 117, dès son arrivée sur le front, collabore avec des régiments actifs à Baconnes et au sud-est de Prosnes. Le régiment entre définitivement en ligne le 14 Novembre 1914, il s'adapte rapidement à cette vie, nouvelle pour lui, de guetteur et de terrassier. Sous l'impulsion de ses chefs de bataillon dont les unités se remplacent à intervalles réguliers, le secteur s'organise. Les tranchées peu à peu s’approfondissent et se relient entre elles. La création des boyaux permet une circulation assurée et à l'abri des vues de l'ennemi. Des réseaux de fil de fer sont construits au devant des lignes. Quelques éléments de tranchée sont couverts de clayonnages pour abriter les hommes des intempéries d’un hiver qui s'annonce particulièrement froid et pluvieux. La nécessité rendant de jour en jour ingénieux, les premiers abris sont creusés. La vie de tranchées se perfectionne. Ces travaux de longue haleine se poursuivent sans relâche sous le feu de l'ennemi comme aux heures d'accalmie. A tour de rôle, les bataillons se succèdent en première ligne et vont ensuite au repos tantôt à Sept Saulx et à Thuizy, tantôt aux Petites Loges.
Le 4 février 1915, le 117 quitte le secteur des Marquises et passe, au complet dans celui de Baconnes. Ici comme ailleurs la vaillance des hommes est admirable. Durant cet hiver de 1914, qui comptera parmi les plus rigoureux de la campagne, en dépit de la situation précaire des positions, du confort très rudimentaire des abris, la bonne humeur et l’entrain de la troupe resteront toujours égaux. Cette uniformité de tempérament leur rendra facile les importants travaux qu’ils auront à exécuter.
Usant de la pioche et de la pelle les hommes n’en gardent pas moins attentivement le secteur. Au travail comme aux créneaux la vigilance est constante. Un fait, entre beaucoup, suffit à prouver à quel point la surveillance de nos braves territoriaux rivalisait avec leur ténacité. Le 29 mai, le soldat Dusserre Adrien, guetteur à un poste d’écoute, surprend un patrouilleur ennemi qui tente de pénétrer dans notre ligne. Il le blesse et n'écoutant que son courage, si on ne l'en avait empêché, se serait précipité hors de son poste pour capturer l'Allemand. Il demande alors d'être compris dans la patrouille qui ramène le prisonnier. A cette époque les villages de Prosnes, Baconnes, Villers-Marmery subissent de copieux bombardements. Diminué par les pertes journalières, l'effectif du régiment doit constamment être recomplété ».

Le JMO du régiment donne quelques indications supplémentaires :
«  11 mars 1915 – Les bataillons sont relevés des premières lignes et vont au repos à Villers et à Baconnes.
13 mars – Le cantonnement de Baconnes est très violemment bombardé de 14h à 16h30. Un tué et onze blessés plus ou moins grièvement ».

Léon Gay est ce soldat tué. Il est mort au repos dans un bombardement des lieux de cantonnement, à l’âge de 43 ans. Élément exceptionnel : le journal manuscrit de ce jour-là donne le nom des soldats tués et blessés, alors que d’ordinaire cela ne se fait que pour les officiers ou sous-officiers. Léon Gay figure sur la plaque commémorative de l’église d’Anduze.

A suivre…


Les éléments concernant les territoriaux sont extraits du site suivant :