LA CHAUSSÉE BRUNEHAUT


200ème semaine

Du lundi 27 mai au dimanche 2 juin 1918

TENIR A TOUT PRIX

Louis BENOÎT
Soldat au 403ème Régiment d’Infanterie
Disparu le 30 mai 1918 à Chavigny (Aisne)


Louis BENOÎT est né le 30 mars 1897 à Anduze, de Louis-Casimir et d’Elisa née Monnier. Nous ne connaissons pas le détail de son incorporation, car les registres matricule des classes 1917 et 1918 du Gard ne sont pas consultables du fait de leur digitalisation en cours. Il a sans doute été incorporé par anticipation, comme tous ceux de sa classe, à la mi-janvier 1916. Compte tenu de la durée de formation il n’a en principe été envoyé en zone de combat qu’à l’été 1916, à l’âge de 19 ans.

Le 403e Régiment d'Infanterie fut formé aux Andelys (Eure), le 21 mars 1915 ; il se composait en grande partie de jeunes soldats de la classe 1915, remplacés ou renforcés ensuite par les arrivants des classes suivantes. Participant aux combats de la Somme, de la Champagne, de Verdun, il arrive dans le secteur de Reims à l’été 1916, date probable de l’arrivée sur le front de Louis Benoît. En avril 1917, il y participe à de durs combats.

Lors des périodes de repos, des concours sont organisés entre divers régiments, sans doute pour joindre l’utile à l’agréable… Les 4 et 5 février 1918, un concours divisionnaire est organisé entre les 403e, 407e et 410e R. I. Le 403e R. I. obtient les premiers prix suivants :
- Fusil 1886.
- Escrime à la baïonnette.
- Musique.

A partir du 3 mai 1918, l'ennemi commence à révéler sa présence sur la rive nord de l'Ailette. Le 9 mai, le 410e R. I. relève les éléments du Régiment qui vont au repos jusqu'au 26 mai dans les creutes (caverne) de Juvigny.


Exercices d'attaques et de contre-attaques appropriées au terrain. De nuit, les travaux d'organisation de la deuxième position sont poussés activement (2 m3 par nuit et par homme).
Le 20 mai, le Général commandant le XIe C. A. remet la croix de guerre aux drapeaux des 403e et 407e R. I.

Puis c’est une grande attaque allemande le 27 mai 1918. Ce jour-là, Ludendorff lançait une offensive, la troisième sur les cinq de 1918, sur le chemin des Dames. Dès le 28, Soissons était pris ; deux jours plus tard, la Marne était franchie et le 1er juin Château-Thierry occupé. Une nouvelle fois, l'offensive allemande était une réussite avant d'être stoppée et de ne pouvoir être exploitée par manque de moyens.

Au moment où débutait cette offensive, la 151ème division, que commandait le général des Vallières, était située entre Margival et le mont des Tombes, soit un front d'une douzaine de kilomètres. Parti en permission à Paris pour fêter ses noces d'argent, le général avait été ramené d'urgence en automobile pour être à son PC de Chavigny, le 27 mai à 7h30 du matin. Le 28, il avait déplacé son PC dans une creute de Juvigny. Toute cette journée, il avait exhorté ses troupes à résister en allant d'un point à l'autre du front qu'il commandait. En fin d'après-midi, revenant de Clamecy où un bataillon du 5ème cuirassiers à pied, venu en renfort, avait réussi à stopper l'avance allemande en reprenant ce village, il arrivait au carrefour de Juvigny par la route de Leury. Il ignorait, à ce moment-là, que des troupes allemandes s'étaient approchées de Juvigny et, au moment où il aborda ce carrefour, une mitrailleuse, cachée dans les fourrés du talus, tira à moins de dix mètres sur sa voiture, le touchant gravement. Le général aurait déclaré alors : "Je suis touché" avant de mourir.
Le chauffeur Loisel et le lieutenant Richard, qui l'accompagnaient, sortis indemnes de cette attaque, réussirent à transporter son corps, à quelques mètres, dans un ancien boyau où ils furent contraints de l'abandonner. Cependant, en fin de journée, un groupe d'hommes parviendra à revenir sur place pour ramener le corps du général des Vallières qu'ils ne voulaient pas laisser à l'ennemi.

Historique du régiment 403 RI :
« L'ordre d'alerte parvient à Juvigny le 26 mai, à 19 h.30. L'attaque est annoncée pour le 27 mai, à 4 heures. Le bombardement commence à Juvigny vers 1 heure. A 5 heures, la 9e compagnie part renforcer la droite du 410e R. I. et contre-attaque sur le Mont-des-Tombes qu'elle réoccupe à 19 h.45 ; par suite du repli des 410e et 265e R. I., le 403e est en premières lignes. Le 28 mai, le Régiment est obligé de se replier sur Terny-Sorny, puis, dans la soirée, malgré les contre-attaques du 1er bataillon sur la Râperie, le Régiment s'appuie sur la route de Béthune.
Le chef de bataillon Alboussières, commandant le 3e bataillon, est grièvement blessé et fait prisonnier. Le capitaine Beaupuis, adjudant-major, prend le commandement du bataillon. Par suite du bombardement, le colonel Tupinier, commandant l'Infanterie divisionnaire, venu pour donner des ordres au commandant Venel, est grièvement blessé, ainsi que le capitaine Brojat, officier d'ordonnance.
L'ordre est donné de tenir la route de Béthune coûte que coûte jusqu'au lendemain matin. Un resserrement est ordonné pour 22 heures qui fixe le front du Régiment entre la route Terny-Sorny au sud et la Râperie au nord, mais le 29, à 4 heures, lorsque le mouvement est terminé, des trous existent dans la ligne incomplètement bouchée par le 66e R. I. T. ; l'infiltration ayant recommencé et le 66e R. I. T. s'étant replié, le flanc droit du Régiment est découvert. Le 3e bataillon se trouvant cerné, le chef de bataillon, deux officiers et le P. E. M. du bataillon sont faits prisonniers. Vers 9 heures, le Régiment se replie de nouveau dans la direction générale Maison-Blanche-Villers-Lafosse. Dans la soirée, sous la pression ennemie, le Régiment est obligé de refuser son aile gauche qui vient s'appuyer sur la chaussée Brunehaut (ligne franchement orientée nord-ouest-sud-est).
La 151e D. I. ayant dû être relevée dans la nuit du 29 au 30 mai, fut obligée de rester en premières lignes, la troupe relevante n'étant pas arrivée.


Après une nuit calme, l'effort ennemi se fait sentir très violent sur Chavigny et les pentes ouest de Juvigny. Chavigny est évacué. Le 1er bataillon, en contre-attaquant vers la côte 155, arrête momentanément l'effort ennemi et dégage le 2e bataillon. A partir de midi, l'offensive ennemie est de plus en plus violente, appuyée par de très violents bombardements de tous calibres, y compris des batteries d'accompagnement, et, vers le nord, par des mitrailleuses et des minen prenant nos lignes d'enfilade.

Etat de Chavigny, avant ces nouveaux combats de 1918

L'ordre est donné de tenir à tout prix le long de la chaussée Brunehaut et des renforts sont réclamés. Un bataillon du 127e R. I. est porté sur la croupe entre Chavigny et Villers-Lafosse et étage les cuirassiers sur la chaussée. Une compagnie du 127e R. I. est envoyée derrière les 1er et 2e bataillons pour les appuyer, ces deux unités, à 17 heures, étant à bout de forces et de munitions. Le ravitaillement en munitions, longuement réclamé, arrive enfin. La position a été maintenue grâce à l'énergie de chacun et malgré de lourdes pertes.
A 18h30, l'ordre est donné de rompre le combat ; le repli s'opère sous un bombardement des plus violents et des rafales de mitrailleuses.
Un contre-ordre prescrit d'arrêter le mouvement et de reprendre position entre Cuisy-en-Almont et Laval.
Le 31 mai, les restes du Régiment arrivent à Ambleny où on le réorganise ».

Louis BENOIT a disparu au cours de ces combats du 30 mai 1918. Sa mort ne sera officiellement reconnue qu'en 1920. Il figure sur le Monument aux morts et sur le Livre d’Or d’Anduze, ainsi que sur le Monument aux morts d’Alès.
A suivre…