SQUELETTES D'ARBRES



Du lundi 3 au dimanche 9 juin 1918

GRENADIER D’UNE HARDIESSE REMARQUABLE

Marcel CHABROL
Soldat au 143ème Régiment d’Infanterie
Mort le 1er juin 1918 à Offémont (Oise)


Marcel-Louis CHABROL est né le 18 septembre 1896 à Générargues, de Louis-Alphonse et de Fanny-Nancy née Molines. Il est boulanger. Il a une petite taille : 1,55 m. Mais en 1915 cela n’est plus un problème pour l’armée, il est incorporé dès le 10 avril 1915 dans le 61ème Régiment d’Infanterie. Passé au 55ème RI le 26 novembre 1915, puis au 143ème RI le 17 mai 1916.

Un retour triomphal dont Marcel Chabrol ne sera pas...
Restons-en à cette dernière affectation. Les Allemands ont attaqué Verdun en février 1916, mais le 143 RI ne s’embarque vers cette destination qu’en juillet. Pendant un mois il se prépare, puis arrive au bois de Vaux. Le général Mangin lui déclare : « Vous allez tenir, sans faiblir, un des points les plus délicats de tout le front, et je ne doute pas en outre, que vous réussissiez l’attaque que je vous demanderai d’exécuter ». La bataille est en effet meurtrière : 34 officiers et 1326 hommes sont mis hors de combat du 14 au 22 août.
Le reste de 1916 se déroule en Argonne, 1917 y continue le combat. Puis c’est l’Alsace au début de 1918.

Historique du 143 RI :
« L’Allemagne renforcée par les troupes venues de Russie nous attaquera bientôt.
Tout le monde le sait ; aussi l’hiver est employé à l’exécution de travaux de défense.
Tranchées, réseaux de fils de fer sont édifiés sur tout le front de l’Alsace.
Le 143e pour sa part travaille avec acharnement sur toute la zone qui va de Belfort à la « Borne des trois Nations » sur la frontière suisse. Il occupe ensuite du 15 février au début avril le sous secteur de Roderen dont le calme relatif est troublé de bombardements par obus asphyxiants ».

C’est à ce moment-là que se distingue Marcel CHABROL par une action qui lui vaut la Croix de Guerre et la citation suivante à l’ordre du corps d’Armée : « Grenadier VB d'une hardiesse remarquable. Le 18 février 1918 s'est comporté avec beaucoup de sang-froid en tirant ses grenades VB à font portant sur l'ennemi qui s'établissait dans le boyau sans jamais se soucier des coups de fusils dont il était l'objet à causé ainsi beaucoup de pertes à l'ennemi ».

Ci-contre : une grenade VB
Une rangée de grenadiers VB
La grenade VB (Viven-Bessière) mise en service en 1916, fut la plus célèbre et la plus réussie des grenades à fusil françaises. Faite d'un corps cylindrique en fonte quadrillé intérieurement, elle était traversée dans son axe par un cylindre creux du diamètre de la balle du fusil Lebel, d'un tube latéral parallèle à cet axe, contenant le détonateur, et terminé par une tête de percussion en laiton équipée d'un levier latéral, et d'un bouchon de remplissage. Elle était tirée à l'aide d'un tromblon fixé à l'extrémité du tube du fusil Lebel, en utilisant une cartouche classique plutôt qu'une cartouche à blanc, ce qui évitait les accidents dus à la confusion des munitions dans l'excitation du combat. Cette grenade était tellement efficace qu'elle modifia la tactique de l'infanterie française : chaque compagnie disposait de 16 tireurs VB, lui conférant une puissance de feu très maniable et discrète à la fois pour les actions offensives et défensives. Elle était toujours en usage en 1940.

Suite de l’historique du 143 RI :
« Le 143e témoigne toujours de son activité par des patrouilles nombreuses en avant des lignes et le 23 février, il prête un appui efficace à un important coup de main dit « Opération K », tenté par des unités du 15e et du 80e RI sur les lignes allemandes de la région de Kalberg.
Mais on s’attend à partir.
Les Allemands ont avancé sur le front anglais et la situation est grave.
Aussi personne ne sera surpris lorsque le 25 mars à minuit, un coup de téléphone apportera l’ordre suivant : « Le 143e se tiendra prêt à partir demain. Le Bataillon en réserve fera mouvement à 7 heures ».
La relève se poursuit : des unités du 140e remplacent le Régiment qui embarque à Belfort le 4 avril pour débarquer le 5 avril à Persant Beaumont (Oise). Dès son arrivée dans l’Oise, le Régiment marche à la bataille.
Où sera-t-il employé ?
Nul ne le sait encore.
Mais l’effort des Allemands se portant de plus en plus vers le nord, le 143e longeant le front remonte vers la Belgique dans une course effrénée, à pied, en camions auto, encore à pied, de nouveau en camions.
Rares sont les jours de répit.
La course prend fin non loin de Poperinghe, à Saint-Jean-ter-Viezen, où il arrive le 29 avril à 14h30 après une rude étape.
Le même jour, à 16h30, une alerte est ordonnée dont l’exécution fut un modèle d’ordre et de discipline. Le Régiment gagne rapidement des emplacements de combat sur la voir ferrée Poperinghe – Hazebrouck en prévision d’une attaque ennemie sur le Mont des Flandres tout proches. Mais l’attaque ennemie est brisée, l’intervention du régiment n’est plus nécessaire et il est ramené dans la région d’Abeele.
Du 30 avril au 3 mai, le Régiment stationne sur les mêmes emplacements.
Le 4 mai, le 143e doit relever la brigade du centre de la 49e DI britannique dans le sous secteur d’Hallebast, face à la ferme Godezonne. Au cours de la journée, une épidémie de grippe déjà signalée depuis la veille, gagne avec une rapidité foudroyante le 1er Bataillon.
On compte déjà une centaine d’évacués et autant d’indisponibles.
Pour permettre d’isoler le bataillon atteint, le Régiment monte en ligne avec 2 bataillons seulement, le 2e Bataillon remplaçant le 1er Bataillon.
Le secteur est extrêmement bombardé : il est très voisin du mont Kemmel.



Dès les premiers jours, les pertes sont sévères et malgré eux, les survivants des dures journées de novembre 1914, se remémorent les noms connus de Vierstraat et Wytschaete, villages qui sont là, devant eux à quelques kilomètres à peine.
Cette fois, comme en 1914, l’ennemi attaque, mais cette fois encore, il trouve devant lui une troupe résolue à défendre le terrain qui lui est confié.
Le 8 mai, l’ennemi se propose comme objectif le Viverbeck et le plateau situé sur la rive gauche de ce ruisseau. Commencé dès 3 heures du matin, le bombardement de nos positions prend à partir de 6 heures une violence inouïe. Le 3e bataillon installé sur la rive sud-est du Viverbeck est écrasé. L’infanterie ennemie, précédée de lance-flammes s’est infiltrée dans nos lignes. Quelques officiers et quelques hommes qui ont échappé à la mort ne perdent pas leur sang froid.  Ils s’organisent et tiennent, avec une ténacité hors pair, un nid de résistance qu’ils conservent, bien que débordés par l’ennemi, jusqu’au moment où s’organise une contre attaque.
Pas d’hésitation possible.
Il faut arrêter l’ennemi d’abord, il faut reprendre le terrain ensuite.
Ni les obstacles, ni les barrages de gros obus, ni les mitrailleuses allemandes ne réussissent à arrêter l’élan du 2e Bataillon qui reprend la majeure partie du terrain perdu.
Epuisé, le Régiment ne peut fournir de nouvel effort.
Il est relevé les 13 et 14 mai, transporté à Ghyvelde d’où il part en chemin de fer le 19 mai à destination de Nancy.
Le 31 mai, le 143e entre en ligne dans le sous secteur de Jeandelincourt.
Il y trouve des installations confortables, des ressources abondantes, des villages habités jusqu’aux premières lignes ».

Marcel-Louis CHABROL est mort des suites de ses blessures le 1er juin 1918 à Offémont (Oise). Ces blessures ont été reçues au plateau de Quennevières entre Tracy-le-Mont et Moulin-sous-Touvent.


Le peintre Maurice Denis avait réalisé sur ce plateau de Quennevières, en octobre 1917,  le dessin « Squelettes d'arbres » crayon et aquarelle sur papier.


Marcel-Louis CHABROL figure sur le Monument aux morts et sur le Livre d’Or de Tornac.

A suivre…