DISPARITION



Du lundi 30 septembre au dimanche 6 octobre 1918

UN JOUR DE GUERRE
QUATRE ANS DE CAPTIVITE

Robert-Marie DUMAS
Soldat au 55ème Régiment d’Infanterie
Mort le 6 novembre 1918 à l’hôpital de Marseille


Robert-Marie DUMAS est né le 15 août 1893 à Alès, d'Étienne et d’Amélie née Brun, célibataire domicilié à Garrigues (Hérault), et à Anduze où il est chapelier.

Incorporé au 55ème Régiment d’Infanterie de Pont-Saint-Esprit en novembre 1913, bien qu’il soit classé comme soutien de famille indispensable, il y reste en août 1914. Envoyé tout de suite au front, il participe en Lorraine au désastreux combat de Dieuze, il y est porté disparu le 20 août. En fait il a été fait prisonnier.

Les premiers prisonniers français en gare de Dieuze
 Historique du 55 RI :
« Les 16, 17 et 18 août, le régiment continue sa marche en avant sur le territoire allemand et arrive, le 19 août, à Blanche-Eglise et Juvelize. Le 19 août, le régiment quitte Juvelize à 6 heures en marche d'approche, traverse la Seille sur les ponceaux organisés par le génie, traverse Dieuze, Kerprich; à la sortie de ce village, s'engage le premier combat. Le 55ème progresse entre la voie ferrée, Dieuze – Vergaville, sous un feu violent d'artillerie adverse : le 3ème bataillon arrive jusqu'à la hauteur sud-ouest de Ghebling. Le soir, le régiment reçoit l'ordre d'aller cantonner à Guenestroff. Le lendemain 20 août, à 3 heures, le régiment quitte son cantonnement avec mission d'aller occuper les positions de la veille, mais il se heurte aux troupes allemandes qui y sont, au cours de la nuit, installées après les avoir organisées. De 5 heures à 9 heures du matin, la bataille fait rage et nous coûte de lourdes pertes. L'ennemi, supérieur en nombre et fortement retranché, nous interdit toute avance. Vers 10 heures, le 55ème régiment d'infanterie reçoit l'ordre de se replier et de lier son mouvement aux troupes qui lui donnent la main à droite et à gauche. Les Allemands qui se sont aperçus du mouvement de retraite des troupes françaises, les suivent avec leur artillerie et exécutent par moment de sévères bombardements ».

Robert-Marie DUMAS est interné à Stuttgart II, camp principal de prisonniers de guerre, situé dans le Wurtemberg.  Le camp I avait été créé dans un lycée neuf, le camp II dans une ancienne fabrique de machines. Ce camp II était en principe réservé aux officiers, mais de simples soldats pouvaient y être internés aussi, notamment s’ils servaient d’ordonnance à des officiers ou exerçaient dans le civil des métiers utiles à la vie quotidienne, ce qui pouvait être le cas d’un chapelier pouvant faire office de tailleur. De nombreux civils étaient parqués dans une aile du camp avec une majorité d’infirmiers. Ce camp hébergeait 4 500 prisonniers. Les trois-quarts des détenus étaient des convalescents sortant des hôpitaux de la région. Louis Clémenceau, frère de Joseph, du 79 RI sera prisonnier dans ce camp.

Lorsque les opérations commencent sur le front Ouest, en août 1914, le sort des prisonniers de guerre est réglé, depuis le 18 octobre 1907, par la convention de La Haye signée par 44 pays et définissant la responsabilité des États vis à vis de leurs prisonniers en ce qui concerne le mode d'internement, la discipline, le travail, la solde, le courrier, les rapatriements...

Soldats français du début de la guerre (avec leurs pantalons rouges), travaillant avec bonheur dans leur camp...
Carte postale allemande.
Les armées allemandes envahissant la France, la Belgique et le Luxembourg lors des batailles des frontières, de nombreux soldats français, souvent blessés, sont capturés au cours des combats en rase campagne ou lors de la reddition des places fortes : Maubeuge (40 000 prisonniers), Longwy, Lille.

Le sort exact réservé à ces captifs par l'ennemi est ignoré en France durant les premiers mois de la guerre. Il est peu à peu connu grâce aux lettres échappées à la censure ou aux témoignages des premiers évadés. Les visites des Neutres s'organisent dans les camps où pénètrent les délégués du gouvernement espagnol et du Comité international de la Croix Rouge de Genève.

Aucun règlement militaire allemand ne fixe vraiment le sort des prisonniers : autant de camps, autant de régimes particuliers. Le traitement des hommes de troupe est sévère, celui des officiers plus adouci. En 1915, les plus durs se trouvent à Lechfeld, Minden, Niederzwehren : pas de chauffage, pas de lit, peu de soins sanitaires, peu de nourriture.

Punition dite du "Poteau" au camp de Wahn (photo allemande dérobée par un prisonnier). Source Coll J.C. Auriol.
En 1915/1916, à Zoss, une formation spéciale, le camp du Croissant, regroupe les Musulmans : 200 Marocains, 500 Tunisiens, 2 500 Algériens, avec des Tartares de l'armée russe et des Indiens de l'armée britannique, que la propagande ennemie incite à s'engager dans l'armée turque. En février 1917, 2 450 hommes de ce camp partent en Roumanie occupée y effectuer des travaux agricoles.

Les épidémies de tuberculose et de typhus du pou, favorisées par la promiscuité, éclatent dans les camps. En 1915, le typhus fait des ravages à Wittenberg, à Cassel (2 000 morts). En 1918, la grippe provoque de nombreux décès.

À la fin de 1915, devant tant de misères physiques, le gouvernement français émet des protestations par l'intermédiaire des Neutres, en menaçant d'exercer des représailles à l'encontre des prisonniers allemands qu'il détient. L'Allemagne réagit en réduisant la nourriture et le courrier des prisonniers alliés, dirigeant même des prisonniers de guerre vers des camps spéciaux plus durs, en Lituanie.

En 1916, 300 000 Français sont détenus, dont la plupart, sauf les officiers, astreints au travail en détachements agricoles ou industriels. Plus de 30 000 sont ainsi employés dans les usines Krupp, à Essen. Les conditions épuisantes, les brutalités, la nourriture insuffisante s'avèrent souvent mortelles.

En Turquie et en Bulgarie croupissent aussi des prisonniers français dans une misère analogue. En 1915-1916, l'ambassade des États-Unis puis la Hollande unissent leurs efforts pour donner des secours aux Français internés dans l'Empire ottoman. Une œuvre lyonnaise, le Comité de Secours aux corps expéditionnaires d'Orient, est spécialement créée pour s'occuper d'eux. En Bulgarie, l'assistance est prodiguée par l'ambassade de Hollande, à Sofia.

En 1917, en Allemagne, la population effective des camps se réduit considérablement. Au camp de Sprottau, 12 000 prisonniers sont partis en détachements ; il n'en reste dans le camp que 1 000, exécutant des tâches courantes ou attendant leur transfert. Des camps sont par conséquent supprimés.

Les accords de Berne de la fin 1917, qui prennent effet en mars 1918, et le nouvel accord du 26 avril, à effet au 15 mai suivant, améliorent la vie quotidienne des prisonniers de guerre.

Prisonniers du camp Stuttgart
Certaines clauses de l'armistice du 11 novembre 1918 concernent les prisonniers : leur rapatriement doit être immédiat et sans réciprocité. À cette date, il existe 477 800 prisonniers français vivants, à rapatrier par mer ou par voie ferrée. La Mission française du général Dupont se rend sur place, en Allemagne, pour régler les problèmes de retour. Tout est terminé en janvier 1919. Il ne reste plus alors Outre Rhin que les corps des prisonniers de guerre décédés.

Le 28 février 1922, le gouvernement attribue aux prisonniers décédés en captivité la mention "Mort pour la France", les rendant égaux avec leurs camarades tombés sur le front.

Robert-Marie DUMAS ne sort de captivité que pour être rapatrié le 5 novembre 1918 avec hospitalisation immédiate à l’hôpital auxiliaire 219 de Marseille (Vert-Pré, Sainte-Marguerite). Il y meurt dès le lendemain, le 6 novembre 1918, d’une maladie contractée en service (Œdème pulmonaire grippal), peut-être une complication de la grippe espagnole qui ravageait la France à ce moment-là. Il figure sur le Monument aux Morts d’Anduze, et sur son Livre d’Or, ainsi que sur la stèle de l’église Saint-Etienne. Son acte de décès a été enregistré à Garrigues (Hérault) puis à Anduze.
A suivre…



Source pour le statut des prisonniers de guerre français en Allemagne :