DES VŒUX ET DU VIN...

22ème semaine

Du lundi 28 décembre 1914 au dimanche 3 janvier 1915

AUTOUR D’ARRAS

Edouard Donzel, 3ème zouaves
Mort le 30 décembre à Roclincourt, tué à l’ennemi


Edouard Donzel, né le 27 février 1887 à Anduze, exerce la profession de chapelier en 1907, au moment de l’établissement de sa fiche matricule. Incorporé en octobre 1908 il fait d’abord partie du 97ème RI. Il y est promu caporal le 11 mars 1909, peu après avoir été blessé au genou lors d’un exercice. Libéré en octobre 1910, après deux ans de service militaire (la loi des trois ans n’a pas encore été votée) il est classé dans la réserve avec un certificat de bonne conduite. En 1912 il travaille à l’administration des chemins de fer PLM en qualité d’homme d’équipe à Constantine en Algérie. C’est là que la guerre le trouve, il est alors affecté au 3ème régiment de zouaves. Nous avons déjà vu (voir semaine 12) les tragiques conditions d’embarquement de ce régiment à Philippeville le 4 août 1914. Mais Edouard Donzel échappe au désastre puisqu’il ne rejoint le régiment qu’en septembre 1914.


Le 3ème zouaves est rapidement dirigé vers les principaux champs de bataille et participe successivement aux combats de Lorraine et à la difficile retraite qui suit, puis à ceux de la Marne et à la stabilisation du front. Ses pertes y sont énormes : le 18 octobre, le régiment perd la moitié de ses effectifs. L’Anduzien Frédéric Faïsse y est blessé et meurt ensuite à Saint-Germain en Laye.

La fin de l’année 1914 trouve le régiment près d’Arras, dans le Pas-de-Calais. Terrible désillusion que cette fin d’année pour les millions d’hommes engagés dans le conflit. Pas un d’entre eux ne croyait en août que cette guerre moderne pourrait durer plus que quelques semaines. Comme pas un d’entre eux n’imagine qu’il y aura encore quatre ans de guerre…

A partir du 27 novembre de très durs combats opposent les forces ennemies autour du village de Roclincourt pour le contrôle de la route joignant Ecuries à Lille. C’est un point stratégique pour ce secteur. Les attaques, les contre-attaques, de tranchée à tranchée, de boyau à boyau, se succèdent et s'enchevêtrent sans trêve avec des alternatives diverses et une dépense quotidienne d'efforts surhumains, d'héroïsme et de sang.

Ces combats vaudront aux compagnies du régiment plusieurs citations :
- A l’ordre de la Division :
 « 7e Compagnie - Chargée, le 7 décembre, de reprendre des tranchées défendues par des mitrailleuses, des minenwerfer et une fusillade terrible, en franchissant des boyaux, également défendus, a accompli sa mission brillamment en perdant le tiers de son effectif et s'est maintenue sur la position conquise jusqu'à ce qu'elle ait été relevée malgré de furieuses contre-attaques ».
« 11e Compagnie Lieutenant Massus - Chargée, le 8 décembre, de relever sous un feu effroyable de bombes, pétards, mitrailleuses et mousqueterie, une compagnie qui venait d'enlever dés tranchées et fondait rapidement, a glorieusement rempli sa mission en perdant plus de la moitié de son effectif »
« 4e Compagnie Lieutenant Pantalacci - Chargée d'exécuter, dans la, nuit du 8 au 9 décembre, un coup de main ayant pour but la destruction de tranchées ennemies, a brillamment accompli sa mission au cours de laquelle elle a perdu son chef ».
- A l’ordre du corps d’armée :
 « 12e Compagnie Lieutenant Dibar - Désignée pour donner l'assaut à une position hérissée d'obstacles et bouleversée par des explosions de mines, est partie en bloc, a occupé de la manière la plus brillante les entonnoirs qui venaient d'être créés et le terrain environnant et s'y est maintenue sous un lieu violent »
« 2e et 4e Sections de la 4e Compagnie Lieutenant Guiot - Désignées pour donner l'assaut à une position hérissée d'obstacles et bouleversée par l'explosion des mines, ont atteint d'un seul bond l'entonnoir qui venait d'être créé et s'y sont maintenues sous un feu violent ».


Le 30 décembre le régiment travaille à construire des barricades sur la route de Lille. Le mot de passe du jour est « Volonté », le lendemain ce sera « Belgique ». Le poste de commandement occupe la maison du maire de Roclincourt, les trois bataillons disponibles sont répartis sur le périmètre du village à Chantecler, Thélus, et au cimetière. Chacun des adversaires travaille à ses tranchées.

JMO du 30 décembre : « Secteur de Roclincourt. 1ère ligne : installation de fagots isolants. Continuation des abris chauffoirs et chambres de repos. 2ème ligne : pose de claies isolantes dans le boyau central. Continuation du passage voûté sous la route de Lille. Travaux de nettoyage ».

Il y a peu d’échanges d’artillerie, mais assez pour faire un mort, le seul de cette journée, le caporal anduzien Edouard Donzel, 27 ans, dont la mort est portée dans l’état nominatif du régiment.

Cette fin d’année 1914 est lourde pour tout le monde. Chez les dirigeants l’on sait parfaitement que l’on a frôlé le désastre lors du premier choc du mois d’août et que rien n’est vraiment fixé pour l’avenir, malgré les incantations à la rapide victoire qui ne saurait se faire attendre. A l’arrière, dans la plupart des familles, c’est l’angoisse de l’attente. Même les jouets des enfants sont marqués par la guerre, il y a une forte demande de soldats de plomb. Malheureusement ce type de figurines était presque exclusivement importé d’Allemagne… Il a fallu réagir : « L'industrie française a travaillé ferme cette année pour les petits gaillards des classes 1930 et suivantes, qui ont réclamé pour leurs étrennes “des soldats de Joffre avec artillerie lourde et tranchées”. Il y a eu, au jour de l'an 1915, pénurie d'effectifs, les fabriques allemandes de soldats de plomb n'ayant pu continuer leur invasion sur notre territoire. Il y aura pléthore au jour de l'an 1916, toutes nos fabriques de jouets ayant donné. Et les petits soldats sortis de ces fabriques vous ont une autre allure, à en juger par les spécimens qui se montrent déjà, que ceux qu'on nous envoyait d'outre-Rhin » (Le Figaro).

Dans les tranchées on se repose, et on espère la fin de cette guerre pour pouvoir revenir au pays et dans son foyer. On croit encore que c’est le premier et dernier hiver dans la boue, sous le feu. Le JMO du 3ème zouaves précise : « Les travaux de la journée ont été réduits au strict minimum en raison de l’état de fatigue des hommes et de la fête du nouvel an ». On touche de l’ordinaire une bouteille de champagne pour quatre, un cigare de deux sous pour chacun et puis des pommes.

A suivre…

Chronologie générale de la 22ème semaine :

Rien de particulier, tout semble s’être engourdi…