ENFIN UN CASQUE !

64ème semaine

Du lundi 18 au dimanche 24 octobre 1915


LE CASQUE ADRIAN

Lors de l’entrée en guerre en août 1914, l’armée française n’a pas de casque… Seuls les cavaliers en ont un pour les protéger des coups de sabre. Les autres n’ont que leurs képis en toile. Alors, dès la fin de la guerre de mouvements et le début des tranchées, les blessures des soldats à la tête se multiplient, par coups de feu lorsque l’on sort de l’abri du créneau, ou par éclats d’obus qui tombent du ciel. Spontanément les soldats se protègent avec ce qu’ils ont sous la main, c’est-à-dire leurs gamelles : le musée de médecine militaire du Val-de-Grâce expose un grand nombre de ces gamelles traversées par des balles mortelles ou crevées par les éclats.

En décembre 1914, le sous-intendant Adrian propose une calotte métallique à insérer dans le képi. Dans l'urgence, faute d'autres propositions, l'intendance passe commande de 700 000 de ces calottes, livrable dès le 10 mars. 



Trois tailles existent : La petite d'un diamètre de 17 cm et repérée par une marque bleu ; La moyenne d'un diamètre de 18 cm et sans marque ; La grande d'un diamètre de 19 cm et repérée par une marque rouge. Cependant, la majeure partie de la production ne concerne que la taille moyenne, la production de la petite et de la grande taille ne formera que 15% chacune de la production totale. Rapidement, le constat est fait qu'il est assez difficile de placer la cervelière sous la basane du képi, comme le stipule le règlement. De plus, elle est très inconfortable et occasionne des maux de tête. Donc, très souvent, la calotte est portée à même le crâne ou directement par-dessus le képi, inclinée vers l'avant, lorsqu'elle n'est tout simplement pas portée et utilisée comme ustensile de cuisine ou récipient à munitions.


Du côté allemand on a le fameux casque à pointe, conçu par le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse en 1842. Le casque à pointe de base est fait de cuir bouilli avec des renforts et une pointe en métal. Recouvert d'un vernis noir, il a des garnitures en métal blanc ou jaune selon les régiments. Le modèle intégralement métallique est destiné aux cuirassiers, et apparaît souvent sur les portraits de personnalités de haut-rang. Mais  on s'aperçoit qu'il n'offre qu'une faible protection dans les combats de tranchée. Il est remplacé en 1916 par le Stahlhelm (littéralement « casque d'acier »), porté par les troupes allemandes jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.


Après les premiers mois de guerre la question devient cruciale pour les troupes françaises. Le sous-intendant Adrian, qui a continué ses travaux, dessine un casque en acier qui va devenir le célbre « casque Adrian 1915 ». Lointainement inspiré de la bourguignotte du Moyen Âge il est conçu dans l'urgence quand les blessures à la tête deviennent la cause d'une proportion significative des pertes sur le champ de bataille. 77 % des blessures des Poilus sont à la tête avant son adoption, le chiffre tombe à 22 % en 1916. Il est distribué à partir de septembre 1915.

Ces casques sortent des usines Japy Frères à Paris (rue Albouy) et à Beaucourt, près de Belfort, et d'autres entreprises (Compagnie Coloniale, Reflex, Jouet de Paris, Société des Phares Auteroche, Dupeyron, Compagnie des compteurs, et Bonnet, sur le boulevard Beaumarchais à Paris). Le casque Adrian est conçu pour protéger les soldats des éclats des obus qui explosent au-dessus des tranchées. La présence d'un cimier est une réminiscence des casques de cavalerie ; il est destiné à amortir des chocs venant par le dessus (le cimier s'écrase, puis le choc est transmis à la bombe du casque). Comme la plupart des casques de cette époque, il n’est pas question d'essayer d'arrêter directement une balle de fusil ou de mitrailleuse. Fabriqué dans une tôle d'acier laminé d'une épaisseur de 0,7 mm, le casque, qui ne pèse que de 670 à 750 grammes, est plus léger que les casques allemands (Stahlhelm) et britanniques (casque Brodie) qui apparaissent par la suite (février 1916 pour le casque allemand, fin 1915 pour le casque anglais).


De couleur bleu horizon, il est, contrairement à ces derniers, constitué de 5 pièces, la bombe, la visière et la nuquière, le cimier et la coiffe en cuir. À l'avant du casque est agrafé par des pattes métalliques l'attribut caractéristique de l'arme (infanterie, artillerie, chasseurs à pied, service de santé), la plus répandue étant celle de l'infanterie, une grenade surmontée d'une flamme, estampillée des initiales « RF » pour République française. La coiffe, noire ou marron, initialement taillée dans un seul morceau de cuir et comportant sept « dents de loup » trouées et rivetées pour permettre le passage d'une cordelette, est constituée ultérieurement de sept morceaux de cuir cousus (six dents de loup et une couronne au dos de laquelle est cousue une bande de tissu, généralement issue d'uniformes usagés). En hiver, certains soldats rajoutent un rembourrage supplémentaire de tissu ou de papier journal entre la coque et la coiffe. Les premiers casques sont peints en bleu brillant. Il apparait rapidement que les reflets du soleil en font d'excellentes cibles. Les soldats les passent donc à la boue, puis une peinture mate est distribuée aux unités, ainsi que des couvre-casques de tissu, avant qu'ils ne soient peints en bleu mat en unité, puis directement en usine. Les casques des troupes d'Afrique sont repeints en couleur moutarde, puis directement peints de cette couleur en usine.

La jugulaire des officiers est souvent en cuir tressé et achetée dans le commerce. La découpe de la partie antérieure du cimier peut légèrement varier selon le fabricant. Des casques en acier trempé sont commercialisés par la société Franck et Siraudin au prix de 20 à 25 francs (soit 47-59 euros) et rapidement interdits car dangereux en cas d'impact.

Plus de trois millions de casques sont remis à l'armée française sept mois après la décision de l'état-major. Plus de vingt millions de casques Adrian modèle 1915 ont été produits et ont équipé les soldats italiens, belges, russes, roumains, serbes, yougoslaves, grecs, thaïlandais.

A suivre…