97ème semaine
Du lundi 5 au dimanche 11
juin 1916
DES CENTAINES DE DISPARUS
Menoti-Piladi-Théophile Agnoli, 291ème
régiment d’Infanterie,
mort le 8 juin 1916 à
Fleury-devant-Douaumont (Meuse)
Menoti-Piladi-Théophile Agnoli est né à Saint-Jean-du-Gard le 14
novembre 1880. Son père est italien, il se prénomme aussi Piladi. Il est sans
doute venu vendre sa force de travail en France, toujours est-il qu’il épouse
Léonie-Suzanne Lacombe, d’Anduze, et que c’est là qu’ils habitent. En 1899, il
passe devant le Conseil de révision, il est ajourné pour « défaut de
taille ». En effet il ne mesure qu’1m50. Mais en 1902 on l’incorpore quand
même dans les services auxiliaires. En outre il est marqué comme étranger sur
son livret matricule, l’armée française se méfie peut-être des Italiens dont le
pays n’attendra que le tout dernier moment pour choisir son camp. Passé dans la
territoriale en 1913, il est incorporé comme nombre de Gardois dans le 117ème
régiment d’Infanterie territoriale. En juillet 1915 il passe au 58ème
RI, puis en janvier 1916 il arrive au 291ème RI.
Le 21 février 1916, Fleury-devant-Douaumont est réveillé par le
bombardement préparatoire à l'assaut allemand. Il neige. L'horizon est en feu.
Les nouvelles sont rares et contradictoires. L'ordre est donné d'évacuer le
village. Les habitants s'entassent dans les charrettes, emmènent le bétail et
descendent vers Bras sur Meuse et Verdun croisant les renforts qui se hâtent
vers la ligne de feu.
Le 24 février, la chute du fort de Douaumont met Fleury-devant-Douaumont sous les vues allemandes. Les bombardements crèvent les toitures pendant que les tranchées et les abris transforment les caves en îlots de résistance. Et la destruction de Fleury-devant-Douaumont ne s'arrêtera plus. En mai, il n'est déjà plus qu'un tracé de ruines fumantes.
Le 24 février, la chute du fort de Douaumont met Fleury-devant-Douaumont sous les vues allemandes. Les bombardements crèvent les toitures pendant que les tranchées et les abris transforment les caves en îlots de résistance. Et la destruction de Fleury-devant-Douaumont ne s'arrêtera plus. En mai, il n'est déjà plus qu'un tracé de ruines fumantes.
Le 1er juin le 291 RI s'embarque à Epernay en trois
trains, il cantonne à Louppy-le-Petit (Meuse). Puis il embarque en
camions-automobiles et va bivouaquer dans les bois de Nixeville ; le 6 juin, le
régiment relève le 75 R.I dans le secteur de Souville à 700 mètres N.-E. de
Fleury-devant-Douaumont. Le 7 Juin, organisation des positions, le bombardement
cause quelques pertes, 5 tués, 32 blessés. A 22 heures, bombardement très
violent des premières lignes avec gros calibres 210 et plus. Le bataillon est
fortement éprouvé.
Le 7 juin, la perte du fort de Vaux met le village de Fleury-devant-Douaumont
en première ligne. Entre Froideterre et Souville, à la tête des ravins de la
Poudrière et des Vignes, il devient une des clés de la bataille. Emporter cette
position, c'est une chance pour les Allemands de percer, la tenir, c'est pour
les Français verrouiller la porte qui ouvre sur Verdun.
Le 8 à 14 h.30 la fusillade éclate sur la gauche ; les 17° et 20 Cies font face à cette direction, (Nord) et garnissent le talus de la voie ferrée. Le Commandant Zévaco est tué. Les sections de mitrailleuses sont décimées par le bombardement. L'ennemi progresse, il ne reste qu’une vingtaine d'hommes valides à la 20e Cie et une mitrailleuse. Ils parviennent néanmoins à fixer les Allemands à 150 mètres Nord de la voie ferrée. Les 17° et 18° Cies attaquées de flanc et en arrière, prises d'enfilade par les mitrailleuses et très éprouvées par un bombardement continu de près de 16 heures, sont décimées. Les survivants sont faits prisonniers. A droite la 19 Cie résiste longtemps, mais ne tarde pas à subir le même sort. Une section (Sergent Donné) se met à la disposition du 245° et se place dans la partie Est du bois en V arrêtant l'ennemi de ce côté. Dès le début de l'attaque le 6 Bat s'est porté en avant pour contre-attaquer. A la lisière sud de Fleury, il traverse un violent tir de barrage et, malgré ses pertes, exécute avec trois compagnies une contre-attaque dans le secteur du régiment. Le bataillon progresse; la 21 Cie arrive à la voie ferrée et se trouve en contact avec l'ennemi. Au centre, la progression est plus lente à cause d'un violent bombardement entre la voie ferrée et le village.
Menoti-Piladi-Théophile Agnoli fait partie des disparus.
L'agonie de Fleury-devant-Douaumont continuera à se nouer pendant
les semaines de juin à août 1916 quand l'assaillant lancera ses dernières et
furieuses offensives sur le front de Froideterre-Souville. Au cours de la
bataille, Fleury-devant-Douaumont changera 16 fois de mains. Le 23 juin, les
meilleures troupes du Kronprinz, Bavarois et Alpenkorps, précédées de milliers
d'obus dont à gaz, déferlent sur le village. Pour retarder cette avance
impitoyable, le 121ème Bataillon de Chasseurs à pied se sacrifie ; à la
nuit, il est anéanti ; mais la 260ème brigade peut prendre la relève.
Quant au 291 RI, réduit à l'effectif de 1 009 hommes (sur un
effectif initial de 3 500 hommes), il est tellement éprouvé que le Grand
Quartier Général préfère le dissoudre le 22 juin plutôt que de tenter de le
reconstituer. Ses restes passent au 348 RI.
C’est donc le 8 juin 1916, au cours de cette bataille de Fleury,
que disparaît Menoti-Piladi-Théophile Agnoli.
Il fait partie des 483 disparus de cette journée, et à ce titre il n’a même pas
le droit de figurer sur la liste des morts publiée dans l’historique du
régiment. Et ce n’est qu’en 1920 qu’un jugement officiel de décès émis par le
tribunal d’Alès sera transcrit à Anduze. Pourtant cet habitant de la ville ne
figure pas sur son monument aux morts. En revanche il figure sur le Livre d’Or
des morts d’Anduze. Laissons le passé engloutir ces anomalies…
A suivre…