10ème semaine
Du lundi 5 octobre au dimanche 11
octobre 1914
BATAILLE DE SAINT-MIHIEL
Édouard-Louis PERSÉGOL – 163ème RI
Mort le 5 octobre à Commercy (Meuse) des suites de ses blessures
Numa-Emile-Adolphe NIEL - 255ème RI
Mort le 6 octobre à Verdun (Meuse) des
suites de ses blessures
Rubens DUPIN - 255ème RI
Mort le 8 octobre à Gap (Hautes-Alpes) des suites de ses blessures
Fin septembre les Français s’efforcent
toujours d’interdire aux Allemands l’extension de leurs prises autour de
Saint-Mihiel. Pour chaque camp ce coin de terre est vital. Les Allemands ont
déjà à moitié encerclé Verdun, s’ils progressent la place tombera. Et les
Français voudraient réduire ce damné saillant de Saint-Mihiel, coin enfoncé
dans leur ligne de défense du Nord-est de la France.
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La prise du fort du camp des Romains, au-dessus de Saint-Mihiel, peinture allemande |
Le 25 septembre les Allemands abattent
une carte maîtresse : ils prennent le fort du Camp des Romains, qui domine
Saint-Mihiel et la vallée de la Meuse. L’assaut s’est fait d’abord à la
moderne, en écrasant ce petit fort mal protégé sous un déluge d’artillerie,
puis à l’ancienne, avec des échelles contre les murs d’enceinte. La garnison
française se défend dans les casemates. Mais elle est à bout de forces et de
munitions, elle négocie les conditions de sa capitulation : la garnison
sera prisonnière de guerre, les officiers garderont leur épée et les honneurs
militaires seront rendus à la garnison à sa sortie.
La route, la voie ferrée et le canal
pour ravitailler Verdun sont désormais aux mains des Allemands. Lors de la
bataille de Verdun en 1916, les Français seront fortement gênés pour
approvisionner la place forte, ne disposant ni de voie d’eau ni de chemin de
fer, ils devront acheminer tout le ravitaillement par un petit chemin de fer «
le Meusien » et par la route Bar-le-Duc - Verdun, que l’on appellera la « voie
sacrée ».
Le général Joffre déploiera fin 1914 et
début 1915 de vains efforts pour réduire le « saillant de Saint-Mihiel »
et celui-ci ne sera réduit qu’en 1918 par les troupes américaines.
Pour l’instant l’infanterie française
creuse des tranchées puis attaque et attaque encore. Voici comment Marius
Malavialle, membre du 163ème RI qui comprend plusieurs Anduziens, décrit
sa situation au début d’octobre : « Nous
voici donc au Mont Sec (Meuse). C’est une colline occupée par l’ennemi, à 240 m
d’altitude. De cet observatoire naturel, il dirige les opérations à sa guise,
ayant vue sur la vaste plaine qui nous sert de chemin pour nous rendre aux
lignes. Aux aguets, il écoute et décèle le moindre bruit, cliquetis de
baïonnettes, roulements de charrettes, etc…, et n’hésite pas à nous
bombarder. C’est donc une très pénible
et dangereuse corvée que de prendre le chemin des tranchées. De plus l’hiver
est précoce, la pluie ne cesse de tomber, rendant le parcours très long dans un
terrain fangeux. Nous pataugeons dans cette mélasse des heures entières, avant
de gagner nos emplacements, et subissons des pertes inévitables ».
Edouard Perségol |
Du côté français, on ne riposte pas, car
on manque de munitions. Les artilleurs n’ont droit à ce moment-là qu’à
huit obus par pièce et par jour, alors ils doivent économiser en cas de coup
dur.
Le soldat Anduzien Édouard Louis PERSÉGOL (24 ans) fait partie de ce régiment, et c’est
le 5 octobre qu’il meurt à Commercy, petite ville au Sud de Saint-Mihiel, des
suites de ses blessures.
A quelques centaines de mètres de là un
autre régiment, le 255ème RI, est chargé d’organiser les tranchées et les
lignes d’attaque autour de la butte des Eparges. C’est l’objectif qui lui a été
assigné : conquérir cette butte et s’y maintenir… Il y a déjà perdu
beaucoup d’hommes (dont l’Anduzien Jules-Jean Mazauric, voir semaine 009), mais
l’arrivée quotidienne de nouvelles recrues comble les vides, aussitôt creusés
de nouveau.
Il se trouve que deux grands écrivains
se sont trouvés là, et qu’ils ont décrit ce début de la guerre des tranchées.
Maurice Genevoix, dans « Les
Eparges » : « Plus de grenades,
comme hier ; plus de ces feux follets inexplicables qui dansaient, verdâtres,
sur la boue : rien d’extraordinaire. Une seule fois, cette nuit, nous avons
éprouvé la même terreur panique, le même arrêt brusque du cœur : un obus venait
d’éclater, tout près ; et, comme déjà nous relevions la tête, détendus, un
chuintement énorme nous a épouvantés : Richomme et Bouaré ont bramé dans les
ténèbres. Et puis nous avons ri, en reconnaissant une fusée égarée, qui partait
de travers, à gros bouillon bruissant d’étincelles.
Depuis
lors, c’est toujours la même chose. Je demeure accoté à la paroi de la
tranchée, une flaque d’eau jaune entre les jambes. Appuyé contre moi, à gauche,
Lardin, du seul poids de son corps, a marqué sa place dans la boue ; de l’autre
côté, Bouaré me pousse mollement de son épaule inerte. Après Lardin, c’est
Biloray ; après Bouaré, c’est Perrinet ; après Biloray et Perrinet, je ne vois
plus.
Les
obus tombent : tout se réduit à cela, qui ne s’interrompt jamais. Il y a des
instants où l’on a peine à concevoir cette réalité continue, cette persistance
prodigieuse du vacarme, ce tremblement perpétuel du sol sous de tels coups
multipliés, et cette odeur de l’air, suffocante, corrosive, et ces fumées
toujours écloses et dispersées, écloses encore ici ou là, quelque part où on
les voit toujours.
Manger
? Dormir ? Cela n’a même plus de sens. On a peut-être faim et soif ; on a
peut-être sommeil. De temps en temps, on grignote quelque chose, un vieux
morceau de sucre grisâtre trouvé au fond de la musette, une bribe de chocolat
suintante, saupoudrée de miettes de tabac. On ne dort pas, j’en suis bien sûr ».
Numa Niel |
Henri Barbusse, dans « Le
feu » : « La terre ! Le
désert commence à apparaître, immense et plein d'eau, sous la longue désolation
de l'aube. Des mares, des entonnoirs, dont la bise aiguë de l'extrême matin
pince et fait frissonner l'eau ; des pistes tracées par les troupes et les
convois nocturnes dans ces champs de stérilité et qui sont striées d'ornières
luisant comme des rails d'acier dans la clarté pauvre ; des amas de boue où se
dressent çà et là quelques piquets cassés, des chevalets en X, disloqués, des
paquets de fil de fer roulés, tortillés, en buissons. Avec ses bancs de vase et
ses flaques, on dirait une toile grise démesurée qui flotte sur la mer,
immergée par endroits. Il ne pleut pas, mais tout est mouillé, suintant, lavé,
naufragé, et la lumière blafarde a l'air de couler.
On
distingue de longs fossés en lacis où le résidu de nuit s'accumule. C'est la
tranchée. Le fond en est tapissé d'une couche visqueuse d'où le pied se décolle
à chaque pas avec bruit, et qui sent mauvais autour de chaque abri, à cause de
l'urine de la nuit. Les trous eux-mêmes, si on s'y penche en passant, puent
aussi, comme des bouches.
Je
vois des ombres émerger de ces puits latéraux, et se mouvoir, masses énormes et
difformes : des espèces d'ours qui pataugent et grognent. C'est nous ».

A
suivre…
5 octobre :
Premier duel aérien de la guerre près de Reims : un biplace Aviatik
allemand est abattu à la mitrailleuse par des Français à bord d'un avion
Voisin.
8 octobre :
Le gouvernement belge s’installe à Ostende
9 octobre :
L'armée belge se retire d'Anvers. Les derniers forts de la rive gauche,
protégeant la retraite vers la côte, succombent un à un.
Le gouvernement belge se réfugie en France
Les troupes françaises évacuent Lille
10 octobre :
Les troupes françaises réoccupent Lille
L’artillerie allemande bombarde cette ville
11 octobre :
Bombardement aérien de Paris par les Allemands, trois morts.