LE VERROU DES VOSGES

5ème semaine

Du lundi 31 août au dimanche 6 septembre 1914

BATAILLE DES VOSGES
BRUGUEIROLLE André - 14ème BCP
Mort le 4 septembre 1914 à Nompatelize, disparu

Fin août 1914, la bataille des Vosges bat son plein. Les armées allemandes comprennent déjà là plus de 400.000 hommes et reçoivent sans cesse de nouveaux renforts. Ils veulent absolument prendre les villages et les forêts qui verrouillent le passage vers les plaines de Moselle, clé d’accès pour Epinal puis Nancy. En face d’eux se trouve la 1ère armée commandée par le général Dubail qui leur barre la route. Elle doit tenir, tenir à tout prix. Si les Allemands passent, qui sait jusqu’où leur élan pourrait les emporter ? Paris est déjà menacé, le gouvernement part s’installer à Bordeaux, 500.000 parisiens quittent la capitale. Le général Dubail publie son ordre n° 45 : « Continuation de l’offensive, qu’il faut entretenir à tout prix et avec la dernière énergie pour durer et gagner le temps nécessaire à nos succès par ailleurs ».


Le 14ème Bataillon de Chasseurs à Pied est engagé dans cette défense des Vosges. Ce bataillon a déjà été durement éprouvé : entre le 26 août et le 3 septembre il a perdu 51 tués, 183 disparus, 330 blessés. Il a reculé lentement, mais la journée du 29 août a vu l’entrée en lice de l’artillerie lourde française prélevée sur les forts d’Epinal. Les Allemands sont pratiquement bloqués.

Les premiers jours de septembre sont consacrés à construire des fortifications passagères : tranchées et lignes de barbelés. Le 4 septembre les troupes allemandes font encore une tentative de passage en force. Elles obligent les Français à évacuer Nompatelize et La Salle mais elles finissent par être repoussées par une contre-attaque de nuit. Elles ne reprendront plus l’offensive sur cette partie du front.

André Brugueirolle
Au matin de ce 4 septembre le 14ème Bataillon se trouve presque encerclé du fait du départ pendant la nuit des autres corps l’entourant. On entend l’infanterie allemande creuser ses tranchées tout près de là. A 3 h, faute d’ordres de la Division, un repli est décidé, il se termine sans incidents à 4 h 30 dans le bois du Petit-Jumeau. A ce moment le général de division donne l’ordre de tenir ce bois, il faut tenir le front suivant la ligne La Salle / les Jumeaux / les Feignes. Les compagnies se répartissent le terrain. A 8 h 30 une fusillade très vive commence, cela dure trois heures. A 11 h 30 il n’y a presque plus de munitions et les hameaux des Feignes à droite et de La Salle à gauche sont évacués. Le bataillon souffre énormément du feu de l’infanterie et surtout de l’artillerie allemandes qui bat ses tranchées peu profondes. Le capitaine commandant est mortellement blessé, son remplaçant est aussitôt blessé à son tour. A 16 h une grosse attaque de l’infanterie ennemie se dessine, les lieutenants sont tués ou blessés, les compagnies tiennent jusque vers 17 h puis réussissent à se replier. Bilan des pertes de la journée : 16 tués, 105 blessés, 31 disparus. Parmi eux l’Anduzien André BRUGUEIROLLE, 23 ans, porté comme disparu à Nompatelize, gros village voisin, épicentre des combats de ces journées. Il sera ultérieurement inscrit comme inhumé à la Nécropole Nationale Les Tiges à Saint-Dié, carré B, tombe 835, ce qui semble impliquer l’identification de son corps après la fin des affrontements locaux.

Nécropole Nationale Les Tiges à Saint-Dié
Le 5 septembre les éléments rescapés se regroupent. Ils reçoivent l’ordre de se reporter vers l’avant mais restent en arrière de la première ligne. Le JMO rend compte : « 14 h 15 – Ordre est donné au bataillon de se replier vers les Bruyères. 16 h – On annonce une grande victoire russe en Galicie. Le mouvement de repli est contremandé. 19 h – La 4ème Cie reçoit l’ordre d’aller renforcer la 3ème dans la forêt de la Voivre. Trois chasseurs sont fusillés pour mutilation volontaire ». Le 8 septembre quatre autres chasseurs seront condamnés à mort par le tribunal militaire pour le même motif mais ils seront graciés.


Très vite les soldats s’étaient rendu compte qu’il y avait des blessures plus intéressantes que d’autres, car elles avaient pour résultat de vous faire retirer du front, voire même du service actif, sans infliger de trop lourds handicaps. Dans l’argot des tranchées cela s’appelait « la fine blessure » ou « la blessure-filon ». De là à se l’infliger soi-même, il n’y avait parfois qu’un geste…  Des soldats se mutilèrent de différentes façons : par exemple, ils se brûlaient la main sur un canon chaud ou même se tiraient une balle dans la main ou le pied avec un fusil ou un revolver. Mais les armes à feu laissent des traces de brûlure de poudre, et cela n’échappait pas à la vigilance du service de santé. Si le médecin constatait une brûlure de poudre autour de la plaie, il devait en référer par un rapport à son général. Dès septembre 1914, le service de santé a utilisé des formules spéciales polycopiées avec une description type des blessures constatées : « Le tatouage très net des bords de la plaie prouve que le coup a été tiré à bout portant. La présomption de mutilation volontaire ressort de ce que l’orifice d’entrée du projectile et le tatouage siègent du côté de la paume de la main », où il n’y avait plus que le nom du coupable à ajouter.


Un tribunal militaire aussitôt réuni pouvait alors prendre une sanction contre ce mutilé volontaire. Les soldats pouvaient être amenés sur le « no man's land », attachés à un piquet avec un bandeau placé sur le cœur : ainsi les soldats ennemis pouvaient les tuer plus facilement. Ou bien ils étaient envoyés en première ligne aux endroits les plus exposés. Le plus souvent, enfin, ils étaient fusillés par des soldats de leur propre régiment.

A suivre…

Chronologie générale de la 5ème semaine (Source : Wikipédia) :

30 août - 2 septembre :
Le gouvernement français quitte Paris menacée par l'avancée allemande et s'installe à Bordeaux laissant la capitale sous le gouvernement militaire du général Gallieni.
31 août :
Les Franco-Britanniques franchissent la Marne.
L'aile droite allemande, Ire armée du général von Kluck et IIe armée du général Bülow, atteint Compiègne et La Fère.
Les Allemands sont signalés à Roye et Noyon, à proximité de Senlis.
3 septembre :
Les sous-marins allemands (U-Boot) font de grands ravages au sein des navires de la flotte alliée.
Offensive russe en Galicie orientale : prise de Lvov (Galicie autrichienne).
Von Kluck passe la Marne à Château-Thierry avec son aile gauche.
Le général Lanrezac est remplacé au commandement de la Ve armée par le général Franchet d'Esperey.
4 septembre :
L'armée allemande occupe Reims.
Le général Gallieni réquisitionne les taxis parisiens pour le transport des troupes. Il donne l'ordre au général Maunoury, commandant de la VIe armée de se porter le lendemain au nord de Meaux pour attaquer le flanc droit de la Ière armée du général von Kluck.
5 septembre :
Deuxième sortie de l'armée belge d'Anvers.
6 septembre :
Première bataille de la Marne, menée par Maunoury, von Kluck ramène sa droite au nord de la Marne. Les Anglais et Franchet d'Esperey le suivent.