32ème
Semaine
Du 8 au 14
mars 1915
La triste
histoire du soldat Loche (2/4)
Le 4 octobre 1914,
le soldat Loche Alfred, de Bessèges, inculpé de désertion en présence de
l’ennemi et d’abandon de son havresac, est donc dirigé vers le QG du 15ème
corps d’armée, pour y être présenté devant un Conseil de Guerre spécial (voir
le début de cette histoire sur la semaine 31 de ce blog).
Au tout début de la
guerre, les militaires ont obtenu du gouvernement la présentation des prévenus
devant le Conseil de Guerre sans instruction préalable. Début septembre 1914,
le ministre de la guerre a aboli les possibilités de recours en grâce et en
révision. De plus, Joffre a réussi à imposer aux politiques la constitution de
cours martiales dénommées « Conseils de guerre spéciaux », qui devaient juger
rapidement et durement pour l'exemple. Les prévenus étaient jugés par une «
cour » composée en général d’un commandant de régiment assisté de deux
officiers. Ils votaient et la majorité scellait le sort du soldat. En cas de
condamnation à mort la sentence était applicable dans les 24 h.
Loche est incarcéré
dans les locaux de la prévôté, gendarmerie militaire, à Montzéville où siège
pour l’instant l’Etat-major de la 30ème division, celle dont fait partie le 58
RI, régiment de ce soldat. Le Conseil aura lieu début novembre, le temps que se
fasse l’instruction de son cas. Ses conditions d’incarcération ne sont pas trop
rudes, et plusieurs de ses compatriotes de Bessèges peuvent passer le voir.
André Aubenque, autre soldat de son régiment, raconte : « Je rencontrai Loche en prévention de Conseil
de Guerre, en prison provisoirement dans une remise. Comme je passais sur la
route il m’appela et à mes demandes sur sa situation présente il répondit en
riant : tu le vois, je lave des tables et je ne sais pas pourquoi l’on
m’avait mis là. Il termina en me disant : lorsque nous irons à Bessèges
nous boirons un bon coup quand même. J’appris alors par les gendarmes qui le
gardaient, qu’il était inculpé d’abandon de poste et que son cas était grave.
Je voulus intervenir en sa faveur et les priai de m’indiquer l’officier attaché
au Conseil de Guerre pour lui fournir sur mon camarade et concitoyen certains
renseignements. En effet Loche ne jouissait pas entièrement d’un état mental
normal, sans être atteint de folie il était d’un caractère bizarre, s’emportant
pour un rien si on le taquinait. En un mot il était détraqué et de ce fait
digne d’intérêt. Le sous-officier du Conseil de Guerre me dit : « N’essayez
pas d’insister car vous pourriez, vous aussi, vous faire traiter de lâche ».
Le Chef de brigade Arnoux qui garde Loche dans sa prison remarque que « ce militaire avait alors des manières qui
n’étaient pas celles d’un homme sensé, il s’amusait avec son bidon, ses
molletières, il ne se rendait pas compte de la gravité de la situation ».
D’autres gendarmes portent un jugement sévère sur Loche, en le déclarant
« sournois, insouciant et peu
ouvert, mais cependant assez soumis ». Ils ne notent aucun signe de
débilité mentale.
Avant la
présentation au Conseil, il faut faire l’instruction du cas. C’est le Capitaine
Guilhaumon du 61 RI qui en est chargé. Pour lui l’affaire est claire : « Attendu
qu’il est constant et qu’il a été reconnu par Loche lui-même que, le 19 ou le
20 août 1914, pendant la bataille de Dieuze, il a abandonné son régiment sans
prévenir aucun de ses chefs et que, sous le prétexte imaginaire qu’il avait
reçu une blessure, il a réussi à se faire admettre dans une formation sanitaire
du midi ; que les combinaisons frauduleuses par lui employées, comme les
versions successives qu’il a ensuite présentées pour les dissimuler, révèlent
qu’il a eu la volonté arrêtée et consciente d’abandonner son poste et
d’échapper ainsi au danger commun ». Et le rapport qu’il présentera bientôt
au Conseil ne dit pas autre chose :
« Le 19 ou le 20 août le soldat Loche disparait de sa compagnie sans qu’il
soit possible de préciser exactement dans quelles circonstances. L’enquête
faite à ce sujet n’a donné aucun résultat. Loche a-t-il abandonné sa section au
cours d’une marche et alors que l’action n’était pas encore commencée ?
C’est ce qu’il prétend, mais ses explications sont si embarrassées et si
invraisemblables qu’il semble difficile d’y ajouter quelque crédit. Quoi qu’il
en soit, régulièrement ou non, Loche est dirigé sur l’arrière, rejoint le dépôt
de son corps, d’où au bout de quelques jours il est renvoyé à nouveau sur le
front. Il débarque à Bar-le-Duc le 1er octobre, fait avec ses
camarades la première étape, puis le lendemain profite de l’heure matinale du
départ pour abandonner une seconde fois sa place dans le rang en restant dans
son cantonnement. Il revient ensuite vers Bar où il arrive le 3 octobre vers 16
h 00. Arrêté à l’entrée de la ville par un poste de garde, il raconte d’abord
qu’il a été fait prisonnier et s’est échappé, puis qu’il a été blessé d’une
balle au côté droit ; un examen médical met bientôt à néant ses
affirmations. De cet ensemble de faits il résulte que Loche a abandonné à deux
reprises sa place dans le rang au moment où ses camarades marchaient à l’ennemi,
sans faire constater par ses chefs, comme il en avait incontestablement les
moyens, les motifs d’indisponibilité qu’il pouvait avoir. Loche reconnaît en
outre avoir abandonné son havresac sur le bord de la route. Notre avis est donc
qu’il doit être mis en jugement devant le Conseil de Guerre pour abandon de
poste devant l’ennemi et pour dissipation d’effets d’équipement ».
Le 10 novembre à 7
heures le Conseil de Guerre spécial se réunit. Il est composé de la manière
suivante :
- Echard,
Lieutenant-colonel au 55 RI, président,
- St Loup, Chef de
bataillon au 173 RI, juge,
- Roux, Capitaine au
55 RI, juge,
- Lescaut,
Sous-lieutenant au 6ème Hussards, juge,
- Terce, Adjudant au
55 RI, juge.
Un défenseur a été
désigné d’office : il s’agit de Fernand Jouve, Maréchal des Logis. Jouve était
dans le civil avoué près le tribunal civil de Marseille. De par son ancien métier
il est souvent requis pour aller au Conseil de Guerre défendre des inculpés.
C’est ainsi qu’il a eu en main le dossier contre le soldat Loche. Son
témoignage : « Je m’en souviens
très bien, nous étions à ce moment-là pour ainsi dire au repos. Loche était un
soldat mou, peureux, hébété. C’était un paysan de 22 à 23 ans, inintelligent.
Il avait obtenu déjà son retrait du front en simulant une blessure à la main.
Il avait réussi ainsi à se faire évacuer jusqu’à Lourdes. Là, on avait
découvert sa supercherie et on l’avait renvoyé au front. Il avait déserté,
abandonnant sa colonne au moment où elle montait au front. Il avait erré 10 ou
12 jours dans la campagne et s’était fait prendre par les gendarmes, il
comparaissait donc pour désertion devant l’ennemi. Le 10 novembre, jour où il
comparut devant le Conseil, je n’étais plus à Montzéville. J’étais parti le
jour même au matin, avec mon groupe. Je ne peux pas vous dire qui a défendu
Loche à mes lieux et place et je sais tout simplement qu’il a été condamné à
mort et exécuté. Je n’en fus pas étonné, je m’y attendais. J’aurais demandé, si
j’avais plaidé, l’examen mental de Loche, mais je suis persuadé qu’on me
l’aurait refusé. Au surplus, cet individu, normal sûrement dans la vie
ordinaire, me semblait plutôt faire un peu l’imbécile pour arriver à se faire
évacuer. Il pensait ainsi arriver à son but et a dû croire, jusqu’au dernier
moment, y parvenir. Cependant, ou à raison de ce que je viens de vous dire, il
ne se rendait pas compte de la gravité de l’acte qu’il avait commis. Il croyait
très naturel, d’après les conversations que j’avais eues avec lui, de se
« débrouiller » pour arriver à se faire évacuer. Il ne m’a pas paru
intéressant ».
En l’absence de
Jouve, c’est Albert Gueydan, membre du barreau de Tunis, qui va le remplacer.
Il témoignera plus tard : « Le
nom du condamné Alfred Loche ne suscite chez moi aucun souvenir. J’ai été
désigné d’office pour le défendre et dans ces cas-là il m’est arrivé, comme à
la plupart des défenseurs désignés d’office, de n’avoir même pas le temps de
rendre visite à mon client. Il se pourrait même que j’aie été désigné au pied
levé pendant l’audience me trouvant dans l’immeuble même où siégeait le Conseil
de Guerre à Montzéville. Il est donc très probable que je n’ai pas eu
d’entretien avec le nommé Loche Alfred. Je dois ajouter à sa décharge qu’à
cette époque-là, c’est-à-dire au mois de décembre 1914, de nombreuses
désertions s’étaient produite dans le 15e corps d’armée. Il
suffisait parfois qu’un soldat de ce corps se fût égaré et n’ait pu justifier
de sa présence dans un endroit déterminé pour qu’il fût immédiatement suspecté
d’avoir déserté ».
Au début de la
séance le commissaire rapporteur présente les faits. En préambule il rappelle
qu’Alfred Loche a déjà été condamné à un mois de prison avec sursis par le Conseil
de Guerre de Marseille pour s’être endormi pendant son service militaire alors
qu’il était de faction la nuit du 30
septembre 1910. Puis c’est l’interrogatoire du prévenu, tel que porté sur le
Procès-Verbal :
« Q – Vous êtes accusé d’avoir abandonné votre
compagnie le 19 août 1914 dans la région de Dieuze, alors qu’elle … (papier déchiré).
R – Je n’ai rien à dire. J’ai quitté la compagnie au
moment où elle traversait un village parce que j’avais un point de côté et mal
au pied.
Q – Vous êtes-vous présenté au moment où vous avez
quitté la compagnie à un officier, ou avez-vous prévenu un gradé de votre
indisponibilité ?
R - Je n’ai prévenu personne
Q - Vous prétendez avoir été soigné à Lourdes. Comment
êtes-vous parvenu jusqu’à cet hôpital ?
R - Nous sommes allés dans une gare que je ne connais
pas, avec tous les blessés. Le voyage a duré quatre jours, et je suis arrivé à
Lourdes. J’y suis resté dix jours, après j’ai été dirigé sur Avignon et après
dix-huit jours encore on m’a dirigé sur Bar le Duc ; de là j’ai fait une
étape avec le détachement de renfort, nous avons cantonné dans un village dont
je ne sais pas le nom. Le lendemain j’étais bien fatigué, je ne suis pas parti avec les autres. Je me
suis mis en route deux heures après pour les rejoindre. Je n’y suis pas arrivé
et je suis revenu à Bar le Duc. Le lendemain j’y suis arrivé vers 3 heures
après midi. C’est là que j’ai été arrêté.
Q – Qu’avez-vous fait de votre havresac ?
R – Je l’ai laissé sur le bord de la route parce qu’il
(illisible - m’assommait – m’encombrait ?).
Q – Vous avez déclaré au garde forestier que vous
aviez été fait prisonnier et que vous vous étiez évadé, ce qui a été reconnu
faux. Pourquoi avez-vous fait cette déclaration ?
R – Quand je me suis vu conduit à la gendarmerie, j’ai
été surpris et j’ai menti.
Q – Avez-vous quelque chose à ajouter ?
R – Non.
Lecture faite nous
signons avec le greffier, l’inculpé ayant déclaré persister dans sa déposition
mais ne savoir signer ».
L’accusé est alors avisé
des charges retenues contre lui, abandon
de poste en présence de l’ennemi et dissipation d’effets, avant d’être reconduit
en prison.
Puis le président du
Conseil pose sept questions, auxquelles répondent ses cinq membres en
commençant par le grade inférieur, le président s’exprimant en dernier :
1° - Le soldat Loche Alfred du 58 RI est-t-il coupable
d’avoir du 19 au 20 août 1914 à Dieuze, abandonné son poste ?
Vote : cinq
voix oui.
2° - Ledit abandon a-t-il eu lieu en présence de
l’ennemi ?
Vote : quatre
voix non, une oui.
3° - Ledit abandon a-t-il eu lieu sur un territoire en
état de guerre ?
Vote : quatre
voix non, une oui.
4° - Le même est-t-il coupable d’avoir le 2 octobre,
aux environs de Bar-le-Duc, abandonné son poste ?
Vote : quatre
voix non, une oui.
5° - Ledit abandon a-t-il eu lieu en présence de
l’ennemi ?
Vote : cinq
voix non.
6° - Ledit abandon a-t-il eu lieu sur un territoire en
état de guerre ?
Vote : quatre
voix non, une oui.
7° - Le même est-t-il coupable d’avoir le 2 octobre,
aux environs de Bar-le-Duc, dissipé un effet d’équipement à lui remis pour le
service ?
Vote : cinq
voix oui.
Résultat :
« Sur quoi et attendu les
conclusions prises par le commissaire rapporteur en ses réquisitions, le
président a lu le texte de la loi et a recueilli de nouveau les voix dans la
forme indiquée pour l’application de la peine. En conséquence, le Conseil le
condamne par quatre voix contre une à la peine de mort par application des
articles 213, 245, 135 du code de justice militaire. Le condamne en
outre aux frais envers l’Etat (pour un total de 12,55 francs) par application
de l’article 139 du code de justice militaire. Les articles susvisés ont été
lus en séance publique par le président ».
C’est donc bien
l’affaire de Dieuze qui a motivé la peine de mort, et elle seule, les faits du
début octobre étant considérés à une forte majorité comme annexes. Alfred Loche
a déserté le 20 août en présence de l’ennemi, il doit mourir. Et peu importe
son état mental, puisque le Conseil ne l’a nullement pris en compte.
Pourtant cela ne passe
pas tout seul. Louis Wolff est alors capitaine au 19ème régiment d’artillerie,
dans le civil il était avocat à la cour d’appel d’Aix. Par intérêt
professionnel il assiste souvent « en spectateur » aux débats du Conseil.
Il écrit plus tard : « L’instruction
des affaires me semble avoir été conduite avec quelque légèreté à cette époque
par un commissaire du gouvernement que ses études antérieures ne prédisposaient
pas à cette fonction. En novembre 1914 j’étais lieutenant d’artillerie, nous
étions alors à Montzéville. Dans les mêmes locaux au siège de notre Etat-major
se tenait le Conseil de Guerre de la 30e division. Nous nous
connaissions entre officiers ; nous nous fréquentions et avions constaté
que le commissaire rapporteur avait peu de préparation pour les fonctions qu’il
exerçait : ses réquisitoires étaient peu appréciés de nous. En raison de
mes anciennes fonctions, j’allais souvent assister aux séances du Conseil de
Guerre. C’est ainsi que j’ai vu un jour passer devant le Conseil un soldat de
l’infanterie du nom de Louche ou Loche, qui était prévenu d’abandon de poste
devant l’ennemi. L’attitude de cet homme était celle d’un dégénéré, presque
d’un minus habens. Il semblait complètement abruti. C’était évidemment un
mauvais soldat, qui avait bien dû abandonner son poste. Mais pour moi l’examen
mental s’imposait. Je puis dire que j’ai bien entendu le commissaire du
gouvernement dire : « Loche n’a jamais été bon à rien. Sa mort, du
moins, servira d’exemple ». Ces mots m’ont produit une impression pénible
et je m’en suis toujours souvenu. La condamnation à mort a suivi et l’exécution
a eu lieu le lendemain. Je ne me souviens pas qui était le défenseur. Peut-être
Jouve, peut-être Guédan, je ne me souviens pas non plus de ce qu’ils ont
plaidé. C’étaient des plaidoiries « électriques » (sic) ».
En 1922, le capitaine
Guilhaumon qui était le rapporteur à ce Conseil, fera la déclaration
suivante : « Le nom de Loche ne
me rappelle absolument rien. J’ai eu à instruire en novembre et décembre 1914
contre divers prévenus qui présentaient des troubles mentaux quelquefois réels
et quelquefois simulés. Je me suis toujours efforcé, soit par dépositions des
témoins, soit par rapports médicaux, d’éclairer les juges sur l’état mental des
militaires en cause. Je suis donc persuadé que le dossier Loche contient des
éléments de réponse à la question qui m’est posée, en effet, ou bien il ressort
de ce dossier que Loche présentait un état mental anormal et ce point a été
certainement élucidé par l’instruction, ou bien il n’est pas fait mention dans
la procédure de l’état mental de Loche et l’on peut en conclure avec certitude
que ni moi ni la défense n’avons remarqué la moindre anomalie dans son état
mental ».
Il se trouve que
pendant la période précédant le Conseil de Guerre, le docteur Maurice Richard,
de Bessèges se trouve sur les lieux. S’intéressant au sort de son compatriote
Bessègeois, il se préoccupe de lui trouver un défenseur. Il lui propose un
maréchal des logis du train, avocat au barreau de Marseille (Jouve,
certainement). L’avant-veille du Conseil ils vont tous les deux rencontrer Loche
à sa prison. En l’interrogeant ils recueillent une déclaration de l’inculpé
qu’ils jugent plutôt fantaisiste et qui ne correspond pas avec les déclarations
et l’inculpation consignées au dossier. L’impression du défenseur est que Loche
ne se rend pas compte de la gravité des faits qui lui sont reprochés. Le
docteur Richard, qui a connu Loche avant la guerre, le considère comme un
débile mental. Quittant le cantonnement la veille du Conseil de Guerre il ne
peut assister aux débats. Quelques jours plus tard, rencontrant les gendarmes
qui avaient eu la garde de l’inculpé, il apprend que Loche après sa
condamnation s’est livré à des manifestations de joie intempestive peu en
rapport avec sa situation. Un des gendarmes a d’autre part ajouté :
« C’est malheureux d’avoir fusillé
un homme comme ça ».
Auguste Bertrand, de
Bessèges, se souvient aussi : « J’ai
connu Loche surtout au front à Montzéville et plus particulièrement lorsqu’il
était en prévention de Conseil de Guerre. Il me dit : si je vois qu’on
veut me fusiller, je me tuerai moi-même avant. J’ai constaté à diverses
reprises que Loche était quelque peu faible d’esprit et avait le cerveau
ébranlé. Le jour où il passait en Conseil de Guerre le curé Durand, infirmier
de l’ambulance numéro six, revint le soir en me disant : votre pays qui
passe au Conseil est fou, faible d’esprit, il n’a pas su répondre aux questions
qu’on lui posait ».
Le 11 novembre 1914
le soldat Alfred Loche va être passé par les armes. En entendant prononcer
l’arrêt du jugement qui l’a condamné à mort, Loche ne fait aucun mouvement et
ne manifeste aucune émotion. Le soir il mange sans se soucier de ce qui
l’attend. Au petit matin il quitte la prison en disant « Au revoir »
et en souriant à tout le personnel de la prévôté et aux autres militaires
détenus. Le Bességeois Marcel Pradon fait partie du détachement qui rend les
honneurs au moment de l’exécution. Selon lui : « Mon camarade et concitoyen n’avait pas l’air de comprendre ce qui se
passait autour de lui, ce qui ne m’étonne nullement car il était connu à
Bessèges comme un déséquilibré ».
Ordre de parade
d’exécution :
« Le Conseil de guerre de la 30e
division d’infanterie a dans sa séance du 10 novembre 1914 condamné à la peine
de mort le soldat Loche Alfred du 58e régiment d’infanterie.
Pour cette exécution qui aura lieu le 11 novembre 1914
à 6h30 du matin, toutes les troupes de la garnison sous les ordres de M. le
colonel commandant le 55ème régiment d’artillerie seront rassemblés à 6h15 à la
sortie nord du village de Montzéville,
Le 55ème régiment d’infanterie fournira :
1° - une section commandée par un officier pour
escorter le condamné jusqu’au poteau d’exécution, rendue à la prison de la
division à 6h00,
2° - Un détachement composé de : un adjudant,
quatre sergents, quatre caporaux, quatre soldats, un sergent armé du revolver
rendu sur le lieu d’exécution à 6h15,
3° - une corvée de trois hommes sous le commandement
d’un sergent munis de deux pioches, un poteau de deux mètres, une serviette,
une corde, rendus sur le lieu de l’exécution à 6h00, et placera le poteau à
l’endroit indiqué par le commandant des troupes,
4° - un médecin de corps de troupe ».
Procès verbal
d’exécution : « L’an 1914, le
11 novembre, à 6h30 du matin, nous, adjudant Susini, agissant en vertu des
ordres de M. le général commandant la division, nous sommes transporté à la
sortie nord du village de Montzéville pour assister à l’exécution de la peine
de mort, prononcée le 10 novembre 1914 en réparation des crimes et délits
d’abandon de poste en présence de l’ennemi et dissipation d’un effet
d’équipement contre le soldat Loche Alfred. Arrivé sur le lieu de l’exécution, avoir
donné lecture au condamné en présence de M. le sous-lieutenant Lescaut juge au Conseil
et désigné en cette qualité par M. le président pour assister à l’exécution
devant les troupes en armes du jugement précité. Aussitôt après cette lecture,
un piquet d’infanterie composé conformément aux prescriptions réglementaires
s’est approché et a fait feu sur le condamné qui est tombé mort ainsi que l’a
constaté M. le médecin major de première classe ».
Certificat
médical : « Je soussigné,
Coulange Gabriel, médecin aide Major de première classe de réserve, chargé du
service médical du 55ème régiment d’infanterie, déclare, en exécution de
l’ordre donné par le général commandant la division, m’être transporté
aujourd’hui 11 novembre 1914 à 6 h 30 du matin, à la sortie nord du village de Montzéville,
et avoir assisté à l’exécution du soldat Loche Alfred du 58e RI.
Après que le coup de grâce fut donné j’ai examiné le cadavre et j’ai relevé sur
la tête, le tronc et le bras droit la présence de douze blessures. Ces
blessures ont entraîné la mort immédiate. En foi de quoi j’ai délivré le
présent certificat pour être transmis à l’autorité militaire ».
Le jugement de
condamnation à mort et d’exécution d’Alfred Loche pour abandon de poste en
présence de l’ennemi et dissipation d’effets est affiché à partir du 17
novembre à la mairie de Bessèges.
A
suivre…