L'OFFENSIVE RATÉE DE LORRAINE EN AOÛT 1914

37ème semaine

Du lundi 12 au dimanche 18 avril 1915

LA MALÉDICTION DU 15ème CORPS - 1/2


Les plus sanglants et violents combats du début de la guerre se sont déroulés pour une bonne part sur le sol mosellan. La bataille dite de Lorraine ou de Morhange-Sarrebourg, lourde défaite de l'armée française, a en effet ravagé plusieurs villages du sud de ce département entre le 18 et le 21 août 1914.

Dès la déclaration de guerre, les états-majors français et allemand avaient déclenché leur plan d'attaque. Le plan allemand Schlieffen était une large manœuvre d'encerclement fondée sur l'invasion de la Belgique avec contournement de Paris par le sud pour prendre l'armée française dans une nasse. Les Allemands étaient en effet pressés de vaincre en quelques semaines à l'ouest pour pouvoir contenir la poussée russe à l'est. Face à eux, les Français ont appliqué le plan XVII du général Joffre, chef de l'état-major depuis 1911, pétri de culture napoléonienne et désireux de réitérer la manœuvre d'Austerlitz. Négligeant le risque d'encerclement de son aile gauche, il attaque au centre, entre les Vosges et les Ardennes, faisant confiance à ses ailes pour contenir l'adversaire. L'armée française croit en la prédominance de la manœuvre sur le feu. Elle mène une guerre d'infanterie appuyée par le fameux canon de 75 (artillerie de campagne). Les Allemands font confiance, certes, à l'offensive et au mouvement mais ils privilégient le feu de leur artillerie lourde sur la manœuvre. De surcroît, ils jettent immédiatement leurs réserves dans la bataille pour faire face à l'attaque française en Lorraine.

Pour mener l'offensive, le plan XVII a organisé la concentration dans le sud de la Lorraine d'environ 600 000 hommes. En se portant en avant, ils donneront à l'armée et à la nation tout entière le réconfort de rendre à la France les régions annexées.

Pour faire face à cette offensive française prévisible, l'état-major allemand a fait concentrer autour de Château-Salins, Sarreguemines et Sarrebourg un nombre supérieurs de troupes, bien équipées et parfaitement au fait du terrain, très précisément cartographié et balisé.

Côté français, l'ordre d'offensive générale est donné pour le 14 août au matin et place le 20e corps d'armée en face du couloir de Morhange, qui seul, sur cette partie du front se prête à des opérations militaires.
 À cette époque, Morhange (Mörchingen) est une importante ville de garnison d'environ 7 000 habitants; la vie s'y organise presqu'exclusivement autour de l'armée. La présence militaire est très forte également à Sarrebourg (10 000 habitants en 1910) même si la ville a un tissu de petites activités commerciales, artisanales et industrielles propre. Quant à Dieuze (5 852 habitants en 1910), l'activité se concentre autour de la saline et de l'industrie chimique mais la garnison donne le ton.

C’est donc dans ce secteur que les opérations militaires vont se dérouler. Dans sa "Notice communiquée gracieusement à M. Le Maire de Morhange par le Général commandant le 20e corps d’armée" (publiée en 1921), ce dernier affirme : « La joie est dans tous les cœurs à la pensée qu'on va bientôt fouler la terre lorraine, perdue depuis 44 ans ».

Le 15ème corps d’armée  est intégré à cette offensive. Sa zone de recrutement couvre les départements du midi, notamment autour de Marseille et de Toulon.

Plusieurs soldats du midi ont raconté leurs premiers jours de mobilisation. Victor : « La mobilisation étant déclaré le Samedi 1er Août 1914 le lendemain le 2 il fallut se rendre en notre garnison à Antibes Caserne la hache. Dont on nous y a habillé tout de suite en rentrant en nous donnant tout le fourbi et tout ce qui nous fallait, épuis on nous a loger dans un ancien couvent, la coucher sur la paille on y passa toute la semaine en faisant 3 heures d'exercice en toute la journée ».

Les préparatifs terminés, c’est le départ pour le front de l’Est, en Lorraine : « Voila que le Samedi 8 août de le matin le Capitaine nous dit mes enfants cet aujourd'hui la veille du départ il faudra voir s'il ne manque rien à personne, et c'est comme c'à que l'apré-midi vers les 3 on passa la revue sur la grande place. Le soir il fallu rentrer à 9 heures et se reposer pour le lendemain. Le lendemain matin de très bon matin a 3 heures on entend le Sergent de semaine qui crie allon debout mes enfant dépechons nous car c'est ce matin que l'on part. D'un seul coup nous furent tous debout chaqu'un brouqua son sac et son fusil et nous dans un quart d'heures tous rassemblés dans la cour mé le cœur content d'aller défendre notre pays la France. Notre Bataillon 9e 10e 11e 12e Compagnie devez partir à 9 heures du matin mais le train n'étant pas près on attendit jusqu'a à 11 heures et la on cassa la croûte l'on manga le chocolat et le fromage que l'on avez touchez. Le capitaine ayant commendé sac au dos je m'enfille mon sac je prends mon fusil et nous voila à l'embarquement. La gare était bondée de gens des pauvres mères qui pleuraient, des filles de tout âge qui nous donnez à boire et nous disez au revoir en même temps, épuis voilà que le train part et nous emporte tous du côté de la frontière et la vous devez croire que des aurevoirs que dés adieux qui s'échangèrent ».

Chacun pense que la guerre sera courte : « Toulon 5 août, je pense bien que dans 30 jours, je serai de retour. 8 août - Larmes au moment de la séparation. Personnellement je n’ai aucune appréhension, mais qui sait ce que l’avenir réserve. Il circule déjà un tas de racontars. La guerre doit durer 15 jours, etc.) Personnellement je compte au moins deux mois ». « 12 août - Dans tous les cas ne vous faîtes pas tant de mauvais sang. Moi, je vis dans le bon espoir de retourner maintenant mais je ne puis rien assurer, nous sommes plusieurs de l’environ et nous avons tous fait les mêmes réflexions. Ce n’est pas de notre faute et on ne peut rien n’y faire, il n’y a qu’à faire son devoir le mieux possible… Enfin, si ça va toujours comme à présent, nous retournons, nous n’avons pas encore vu l’ennemi, et puis le jour de la rencontre, nous y ferons face, il faut avoir bon courage et tout ira bien ».

Le 14 août l’offensive prévue est lancée par les Français.
Offensive de Morhange le 14 août 1914
 « 14 août - À 6 heures 10 une grande clameur retentit, nous venons de franchir la frontière, nous mettons baïonnette au canon et en avant sous une pluie d’obus et de balles, les camarades commencent à tomber ; le feu devient de plus en plus horrible, nous ne rigolons plus, mais nous avançons toujours, nous entendons sonner la charge, nous nous mettons à l’abri derrière un talus et nous avançons par bonds, les balles sifflent sans discontinuer et les shrapnels éclatent à hauteur de la ceinture. Enfin nous quittons cet abri et nous partons en avant, nous faisons un petit abri avec le sac et de la terre devant et nous attendons, enfin à 8 heures, on n’entend plus rien. Nous nous rassemblons et nous quittons ce lieu de carnage. Dans la nuit on marchait sur les morts, on entendait les blessés qui criaient, d’autres nous suppliaient de les achever, d’autres de les faire boire, nous n’avions pas une goutte d’eau. Des fantassins ennemis, nul n'en vit en ce jour du 14, pas plus que d'artilleurs. D'où partaient ces balles qui fauchaient nos rangs ? Où s'étaient enfouies ces batteries dont les obus creusaient des entonnoirs de huit mètres de largeur et réduisaient en bouillie les malheureux qu'ils atteignaient ? Rien. On ne voyait rien ».
«15 août - On va attaquer, c’est sûr l’adjudant nous l’a dit et on entend le canon… on va devoir y aller ! On avance vers Morhange, Benestroff, Dieuze. Ça canarde de partout obus, balles des mitrailleuses et déjà des collègues sont tombés ; le sergent brame comme un veau juste à côté de moi et il faut monter la colline d’où les Boches sont en ce moment pour les enlever ».

Les 15, 16 et 17 août, l'offensive est continuée. Au début tout semble relativement aisé pour les troupes françaises : « La progression s'est effectuée facilement. Les éléments de l'ennemi, restés en contact, se sont repliés au fur et à mesure de notre avance. Quelques coups de fusil sont échangés, notamment aux lisières des bois et des villages, des patrouilles de cavalerie française recherchent l'abordage de celles de l'ennemi, mais il ressort nettement de l'attitude prise par celui-ci qu'il ne cherche pas à s'opposer à notre avance dans cette région ».
« 16 août - Nous trouvons des armes, des effets abandonnés, une batterie d’artillerie presque complètement détruite, dont par mesure d’hygiène sans doute on a brûlé les chevaux morts. Qui ? Dans un champ de betteraves, je découvre la première tombe sur laquelle on a mis bien en évidence les écussons (19e artillerie) drôle d’impression ! Par la suite on découvre d’autres tombes (Français et Allemands). Dans Lagarde même, amas d’effets armes, selles, caissons d’artillerie démolis, cadavres dans le canal, même des blessés français que les Allemands partis la veille, n’ont pu amener. Ces blessés déclarent avoir été bien soignés, mais que en se retirant les Allemands ont déclaré qu’ils reviendraient dans trois jours… ».

La journée du 19 août, par contre, est dure pour les troupes françaises (pertes importantes, longues distances sous une chaleur accablante, manque de ravitaillement, opération en cours depuis déjà cinq jours). Au soir du 19 août, cependant, le 20e corps a atteint les objectifs qui lui avaient été assignés par le général de Castelnau. « À Morhange, les Allemands immigrés de la Nouvelle Ville, peu rassurés pour le lendemain, jugèrent prudent de se mettre en lieu sûr. Ils commencèrent dès 2 heures de l'après-midi un véritable exode vers les villages du Bischvald, tandis que les habitants de Morhange assistèrent en spectateurs à la marche en avant du 20e corps et étaient impatients de voir arriver l'armée française. Du haut des maisons, des toitures et des terrasses élevées, ils admiraient l'élan des colonnes progressant rapidement malgré le feu de l'artillerie ennemie. Le spectacle ne manquait pas de grandeur. Le ciel chaud et brûlant d'août se remplissait de petits nuages blancs des shrapnells, les obus se croisaient en l'air au dessus de la ville. On avait l'impression que l'artillerie française évitait de toucher une maison. Cependant, vers 8 heures du soir, le tir se rapprocha de la ville, les obus éclataient dans les vignes, dans les jardins et dans les rues du Chemin de Ronde et de la Kappellenstrasse. Le père Cahé, figure bien connue à Morhange, fut tué devant sa porte et son fils gravement blessé ».

La nuit du 19 au 20 est particulièrement agitée. Partout crépitent des fusillades. Au nord, dans cette zone mystérieuse qui s'étend de Delme jusqu'à Morhange et Bensdorf, l'ennemi est groupé en forces et guette. De temps en temps il révèle sa présence par des projecteurs qui trouent les ténèbres.

Le lendemain, 20 août, dès 4 heures du matin, les Bavarois, après avoir mis en action leur artillerie lourde, attaquent en force. La bataille de Lorraine est pour les soldats français la découverte du feu allemand, le feu qui tue sans qu'on voie l'ennemi qui tire : le bombardement allemand commence avant l'attaque, en rafale brutale, inattendue, foudroyante, provoquant la panique et la fuite des fantassins français qui, encore vêtus d'uniformes datant du XIXe siècle, avec des capotes bleues et des pantalons rouges, constituent des cibles idéales.

Malgré de terribles pertes, les unités françaises tentent de résister. Les actes d’héroïsme se multiplient, mais dès 8 heures, Foch est obligé de consentir à un premier repli sur Seille. L’après-midi, le général de Castelnau ordonne le repli général de la 2e armée sur la Meurthe, le 20e corps recevant la mission de couverture sur la tête de pont de Château-Salins. « Bien que se méfiant beaucoup d'un traquenard tendu par l'ennemi, personne parmi les combattants ne prévoyait l'ampleur de la contre-offensive ennemie qui, se déclenchant le 20 dès l'aube, nous coûtera si cher et mettra tant d'amertume dans les cœurs en nous obligeant à abandonner ces chers villages reconquis ».



Plus à l'est, la 1ère armée française entre dans Sarrebourg dans l'après-midi du 18 août. Un combattant du 95e R.I. raconte : « À 13h30, les compagnies de tête arrivent à la lisière de la ville. Nos troupes sont bien accueillies par la population. Au moment de l'entrée des premiers éléments dans la ville, beaucoup de portes et de persiennes restent closes, et peu de gens circulent dans les rues. Mais bientôt les habitants s'enhardissent, déposent devant leurs portes des seaux de vin, de bière, d'eau additionnée de grenadine, et du chocolat. Des poignées de cigarettes tombent des fenêtres au passage de certaines compagnies. Puis la foule s’amasse sur les trottoirs et regarde curieusement nos soldats. Beaucoup d'habitants parlent français et on ne cache pas sa sympathie. Nos hommes, heureux d'être en pays conquis en même temps qu'en pays ami oublient toute leur fatigue des journées précédentes. L'ennemi n'est cependant pas loin. Il rappelle sa présence par quelques obus qui tombent sur la ville. L'un d'eux met le feu au magasin à fourrages. Avant la nuit, nos postes en observation aux casernes d'infanterie signalent que l'on aperçoit de 800 à 1.000 Allemands en bras de chemise, creusant activement des tranchées sur les pentes des hauteurs à trois kilomètres de la ville, entre Sarraltroff et Réding. De notre côté nous tenons fortement les lisières nord et est de Sarrebourg, sur la ligne caserne d'infanterie - caserne des uhlans ».

Le lendemain, des obus de gros calibres tombent sur les casernes et sur la ville. Bien vite on s'aperçoit que des espions pullulent dans la ville. Tous les moyens sont employés : signaux par les fenêtres et les lucarnes, téléphones installés dans les caves et les cours, individus se mêlant aux troupes et cherchant à obtenir des renseignements. Le lieutenant-colonel de Chaumac prescrit aux sapeurs et à la compagnie du génie qui est à sa disposition de couper tous les fils téléphoniques de la Poste et des différents établissements de la ville. Ainsi les fils téléphoniques tombent à terre; la compagnie de jour fournit des patrouilles qui perquisitionnent dans la ville et, en peu de temps, font une abondante moisson d'espions pris en flagrant délit de conversation avec l'ennemi par signaux.

Dans la soirée, on apprend que l'attaque de la 32e brigade qui devait s'emparer des hauteurs de la rive droite de la Sarre entre Sarrebourg et Réding a échoué et qu'elle a subi de lourdes pertes. La supériorité de l'artillerie lourde allemande s'accentue.

Le 20 août, Sarrebourg et sa région sont le théâtre de combats acharnés. L'armée française se heurte aux positions fortifiées allemandes établies sur les hauteurs au nord-est de Sarrebourg et n'arrive pas à franchir la Sarre le matin du 20. À partir de 11 h, c'est aux trois corps d'armée allemands de contre-attaquer, forçant les corps français à battre en retraite. Le nombre des victimes - près de 10 000 dans les deux camps - témoigne de l’âpreté des combats. La 1ère armée recule d'une quinzaine de kilomètres, y compris dans la vallée de la Bruche, mais conserve ses positions plus à l'est sur le Donon. Cependant, à la suite de l'échec de la 2e armée, Dubail donne l'ordre de se replier sur Blâmont le 21.

Reprise de Sarrebourg par les Allemands
«19 août - Nous repartons pour Lindre-Haute. La bataille reprend. Nos fantassins ne tiennent pas sous la pluie d'obus de gros calibre, surtout du 105 brisant dont l'effet les démoralise, qui les accable sans que notre artillerie les protège suffisamment. Nous ne parvenons pas à découvrir les batteries ennemies. Il s'avère que nous nous sommes heurtés à une véritable position fortifiée; l'artillerie allemande a repéré toutes les crêtes, tous les plis du terrain. Dès qu'une de nos batteries s'installe, elle est découverte par un avion et aussitôt soumise, sans réglage, à un arrosage systématique ».
« 20 août - A l’aube, nous rejoignons notre régiment  près des marais de Bensdorf. C’est alors que commence l’attaque la plus violente qui soit ; le 15e Corps, déclenché tout entier, avance malgré les canons, les mitrailleuses et les mausers, Les hommes ayant de l’eau et de la boue jusqu’à la ceinture – beaucoup se sont noyés en cet endroit. Vers 10 heures du matin, la situation, qui semblait nous sourire jusque-là, est singulièrement changée ; le canon ennemi crache à 3 300 mètres seulement et nous n’avons aucun abri alors que l’armée boche est solidement retranchée sur des hauteurs constituant des points stratégiques admirables. Vers 11 heures, les bataillons de chasseurs qui donnaient I’assaut commencent à fléchir avec d’effroyables pertes. Ordre est donné de se replier sur Dieuze ; alors commence une retraite sur l’arrière sous les 210 allemands, les mitrailleuses de l’infanterie, cependant que, la rage au cœur, des clairons sonnent encore la charge. Vers 7 heures nous voyons arriver des hommes du 111e disant qu’ils avaient pris un petit village, mais qu’ils ne pouvaient pas tenir les positions et que le régiment se repliait. Peu après nous voyons rappliquer le 111e et le 112e puis l’artillerie qui part, une pièce tirait et l’autre reculait, ainsi de suite. Nous recevons l’ordre de rester les derniers pour protéger la retraite. Enfin, on nous dit de battre en retraite nous faisons demi-tour et partons en colonne par deux sans une pluie de balles, de shrapnells et de marmites. À 50 mètres se trouvait un canal, tout le monde y saute dedans, nous avions de l’eau jusqu’à la ceinture beaucoup s’y sont noyés, après nous ne pouvions pas marcher, les pantalons et la capote étaient collés aux jambes et les balles pleuvaient de plus en plus. Nous errâmes longtemps dans Dieuze avec mon camarade, à la recherche du bataillon. Mais, quand nous le retrouvâmes, il errait encore plus que nous. Il faut reconnaître qu’un sublime désordre régnait dans la petite ville lorraine : fantassins, artilleurs traînant leurs encombrants caissons, trains de combat, et trains régimentaires, brillantes automobiles de nos brillants états-majors, tout cela se rencontrait, se croisait, ne sachant trop que faire ni où aller. Cela sentait sinon la retraite, du moins un repli précipité. Il paraît qu'il y a eu des incidents la nuit dernière. 2 bataillons du 173ème se sont tirés dessus. Le 55ème et le 173ème se seraient fusillés réciproquement. Quelle retraite ! Il paraît que le XVème Corps est anéanti. C'était bien mon impression au départ ».

Prisonniers français en gare de Dieuze
Autre témoignage du 21 août : « Assisté à la terrible retraite de Dieuze : trois jours, trois nuits durant, se battre la journée, battre précipitamment en retraite la nuit, sans nourriture ni repos… Hier en fin d’après-midi, pendant que je marchais depuis tant de temps, les yeux fixés sur les talons de celui de devant pour oublier cette séance de rotage avec tout le barda, quelqu’un a crié : des prunes, les gars y’a des prunes ! Alors on a tous quitté la file pour se jeter sur ces pauvres arbres dont on a même cassé les branches pour se gaver bien que les prunes soient encore vertes au risque d’attraper une bonne “cagagne ! ».

C’est au cours de cette bataille de Morhange, le 20 août à Dieuze, que sont morts les trois premiers soldats d’Anduze :
- ASTRUC Albin Auguste, 22 ans, Soldat de 2ème classe au 61ème RI, mort de ses blessures.
- JEAN Arsène Joseph, 26 ans, Soldat de 2ème classe au 55ème RI, disparu.
- JULIAN Émile Fernand Louis, 26 ans, Caporal au 61ème RI, disparu.
(Voir semaine 3 de ce blog).

Ces jours là le 55ème RI a eu 407 tués (soit 12,19% de son effectif), le 61ème RI a eu 341 tués (10,21%). Pour le seul Gard il y a eu 392 morts (11,74% des incorporés).

A suivre…


Ce texte est essentiellement composé d’extraits des travaux de deux auteurs qui ont exploré en profondeur les tenants et aboutissants de l’affaire du 15ème corps :
- Jean-Yves Le Naour, auteur de plusieurs livres et nombreux articles sur le sujet. Professeur en classes préparatoires, spécialiste de la première guerre mondiale, Jean-Yves Le Naour est auteur notamment du Soldat inconnu vivant, Paris, Hachette Littératures, 2002, de La Honte noire. L’Allemagne et les troupes coloniales, Paris, Hachette-Littératures, 2004, et du Dictionnaire de la Grande Guerre, Paris, Larousse, 2008. http://www.jeanyveslenaour.com/
- Maurice Mistre-Rimbaud, auteur notamment de l’ouvrage « La légende noire du 15e corps ».