132ème
semaine
Du
lundi 5 au dimanche 11 février 1917
DE LA FERME AUX FORGES
Léon-Louis
LAURENT, mort de maladie le 10 février 1917
comme
ouvrier affecté aux forges de Tamaris à Alès
Léon-Louis Laurent est né le 15 mars 1883 à Anduze, de Louis-Eugène et de
Julie née elle aussi Laurent. Au moment de son appel sous les drapeaux en 1903
il est valet de ferme. Incorporé au 40 RI de Nîmes en novembre 1904 il est réformé
au bout de deux ans pour bronchite suspecte. Il retourne dans son régiment en janvier
1907 pour finir son temps, encore six mois à faire. Réincorporé à la
mobilisation générale du 4 août 1914 il ne reste à l’armée active que jusqu’au
10 décembre 1914 car il est alors évacué pour des raisons médicales non
précisées, avant d’être affecté comme ouvrier aux forges de Tamaris d’Alès en
septembre 1915.
Déjà, au Moyen - Age et sous
l’ancien Régime, on rencontrait dans la région d’Alès de nombreuses installations
travaillant à la fabrication du fer et au forgeage. Il faut remonter en 1825 pour
retrouver les origines de « la Compagnie des Mines, Fonderies et Forges d’Alais
». En 1890, la Compagnie d’Alais prit possession de l’usine de Bessèges. La
crise de la sidérurgie provoquée par l’épuisement des minerais des Cévennes (La
recherche des minerais étrangers, pyrénéens et espagnols) et la concurrence de
la production des rails du Nord et de l’Est orienta Alès vers la fabrication de
produits chers, fortement usinés. La guerre de 1914-1918 accrut l’importance de
la métallurgie du Centre et du Midi. Les usines de Tamaris et Bessèges
travaillèrent intensément pour la Défense Nationale.
Du côté français, le début de la
mobilisation industrielle date précisément du 20 septembre 1914. Ce jour-là, le
ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, avait réuni à Bordeaux les
principaux industriels français de la métallurgie. La fabrication des obus
posait trois problèmes : celui des usines, celui du personnel et celui du
financement. Une partie de ces munitions pouvait être fabriquée dans les usines
existantes en y installant des machines supplémentaires, mais ce n'était pas
suffisant. De nouveaux établissements étaient nécessaires. Mais quels
industriels auraient accepté de construire des usines qui risquaient de se
trouver sans utilité si la guerre s'arrêtait, comme on le croyait encore, dans
un temps assez bref ? L'État dut donc non seulement payer les obus qu'il
faisait produire, mais accepter de faire des avances pour la construction de
nouvelles usines et la fabrication des machines. C'est ainsi qu'en janvier
1915, André Citroën obtint un marché d'un million d'obus de 75 et reçut une
forte avance pour la construction des installations nécessaires. L'usine qu'il
implanta quai de Javel à Paris (et qui fut plus tard celle des automobiles
Citroën) fabriqua bientôt 50 000 obus par jour. Des établissements privés comme
Schneider reçurent des commandes de canons, mais la majeure partie de
l'artillerie, ainsi que l'armement de l'infanterie continuèrent à sortir des
manufactures d'État.
Les industriels firent aussi
remarquer que, si on voulait qu'ils assurent les énormes fabrications qui leur
étaient demandées, il fallait qu'on leur rende leurs ouvriers. Entre la fin 1914
et la fin 1915 ce furent ainsi 500 000 ouvriers qui furent enlevés à l'armée, y
compris aux unités combattantes, pour, tout en conservant leur statut
militaire, être affectés aux usines de guerre.
« Quoique la liste de nos morts soit déjà trop longue, notre village a
été moins éprouvé que beaucoup d'autres. Cela tient à ce que la plupart des
ouvriers ont été mis en sursis pour le travail des mines du nord d'Alais, des
forges de Tamaris et de l'usine de produits chimiques de Salindres... »,
ont noté des institutrices de SaintMartin-de-Valgagues, ce que souligne
également leur collègue d'AlèsTamaris : « A
la suite des commandes faites par l'Etat à l'usine de Tamaris, la plupart des
ouvriers de l'usine retrouvent leur poste. Ils sont mobilisés dans leur travail
pour la fabrication de l'acier à tubes. Avec le retour des ouvriers, Tamaris
reprend son allure ordinaire. Décembre 1914 : tous les ouvriers ou à peu près
sont rentrés à l'usine qui fonctionne jour et nuit. »
En fait, dès le mois d'octobre
1914, l'activité économique a repris à peu près partout, notamment pour les
usines de la Compagnie des mines, fonderies et forges d'Alais.
L'industrie aurait eu besoin de
bien davantage de main-d'œuvre, mais le commandement se refusa à libérer plus
de soldats, de sorte qu'on passa en quelques semaines du chômage à la pénurie.
Dans les mois suivants, on commença à faire appel à des travailleurs étrangers
ou coloniaux, à des prisonniers de guerre, à des ouvriers âgés, mais ce sont
les femmes qui fournirent une très grande part de la main-d'œuvre nécessaire. À
la fin de la guerre, 430 000 femmes travaillent dans la seule industrie
d'armement. Toutes n'étaient pas cependant de « nouvelles » ouvrières, car il y
eut un important transfert de main-d'œuvre féminine de l'industrie textile vers
l'industrie métallurgique ou celle des poudres.
![]() |
Albert Thomas (1878-1932) |
En France, un normalien, agrégé
d'histoire, député socialiste, Albert Thomas, joua un grand rôle
dans ces événements. Comme il le rappela plus tard : « Ce qui était le plus important pour la guerre, c'était la mobilisation
industrielle. Comment dans un minimum de temps, convertir l'industrie en une
industrie de guerre ? »
Mobilisé, il avait bientôt été
rappelé pour s'occuper de la fabrication du matériel de guerre. Il occupa
d'abord un poste au ministère de la Guerre dont une direction s'occupait de
l'artillerie, puis il devint en mai 1915 sous-secrétaire d'État à l'artillerie
et aux munitions, et en décembre 1916, ministre de l'Armement. Ce socialiste
qui fit merveille dans la tâche qui lui était confiée n'entendait pas en
profiter pour inaugurer une nationalisation de l'industrie de guerre. Il mit
sur pied une collaboration étroite entre une industrie privée, dont il pensait
qu'elle était le meilleur outil, et l'État qui contrôlait de près les prix, les
fabrications, la condition sociale des ouvriers, quitte à leur demander
beaucoup en contrepartie. Alors qu'avant la guerre, environ 50 000 ouvriers
travaillaient dans le secteur de l'armement, ils étaient 1,7 million en 1918.
Parmi ceux-ci, il y avait 420 000 à 430 000 ouvrières.
Il meurt le 10 février 1917 à l’hôpital
mixte d’Alès le 10 février 1917 des suites d’une maladie non précisée. Il
figure sur le monument aux morts de la commune.
A suivre…
Source pour l’histoire
de l’industrie en 1914-1918 :
Jean-Jacques
Becker, l’année 14, Armand Colin - ISBN : 9782200290320