APRÈS CRAONNE

158ème semaine

Du lundi 6 au dimanche 12 août 1917

LES SUITES DU CHEMIN DES DAMES

Edouard Chapeau,
soldat de 2ème classe au 64ème bataillon de Chasseurs
mort le 6 août 1917 au Mont-Notre-Dame (Aisne)
de ses blessures de guerre


Edouard-César Chapeau est né le 27 juin 1894 à Anduze, de François et de Louise-Anna Isnard. Au moment de son conseil de révision en 1914 il est chapelier, il mesure 1,60 m et n’a que peu d’instruction. Lors de ce conseil il est ajourné pour « faiblesse ». Tout va bien en Europe, l’armée n’a pas besoin d’hommes défaillants. Mais tout change en août, un second conseil revient sur la décision du premier et envoie ce jeune homme, tout juste 20 ans, aux armées. Il est versé le 18 décembre 1914 dans le 64ème bataillon de Chasseurs à Pied basé à Villefranche-sur-Mer, il ne le quittera plus jusqu’à sa mort trois ans de guerre plus tard, changeant simplement de compagnie lorsque les pertes obligent le commandement à des restructurations. Toujours en campagne, sauf pour un mois d’hospitalisation pour « embarras gastrique » en septembre 1916.

Au printemps 1917 il y avait plusieurs autres Anduziens dans ce 64ème Bataillon de Chasseurs à Pied, dont François-Albert Teissonnière et Pierre-Auguste Simon. Tous les deux sont morts le 2 juin 1917 dans la bataille de Craonne (voir semaine 148 de ce blog). C’est un village de l’Aisne où le 31 août 1914, la 5e armée française avait installé son quartier général, au petit château. Mais après la première bataille de l'Aisne, à l’automne 1914, le village, situé sur la ligne de front, avait été occupé par les Allemands et sa population déplacée.

Avec l'offensive Nivelle du 16 avril 1917, le village est entièrement rasé par les bombardements massifs : cinq millions d'obus tombent sur le Chemin des Dames entre le 6 et 16 avril 1917. Les combats sont terribles lors de cette offensive : la 1re division d'infanterie qui monte à l'assaut se trouve bloquée au niveau des caves de Craonne. Puis le 4 mai, une seconde offensive est lancée par la 36e division d'infanterie qui aboutit à la reprise de Craonne et à la progression sur le plateau de Californie. Mais l’offensive a été un désastre et l’armée française a perdu plus de 130 000 hommes en dix jours.


Mais les combats continuent autour du village de Craonne et sur le plateau de Californie, le 64ème Bataillon de Chasseurs à Pied y prend part. Voici ce qu’en dit l’Historique du 64 BCA : « Le 2 juin une violente préparation d'artillerie lourde s'abat sur nos tranchées et le village de Craonne : ce tir de destruction cesse à 23 heures. La compagnie de réserve (7e compagnie) envoie à chacune des compagnies en ligne une section de renfort. La nuit est d'un calme impressionnant.
Brusquement, à 3 heures du matin le 3 juin, un feu roulant d'une violence insoupçonnée s'abat sur nos positions. Ce feu formidable comble les tranchées, détruit les armes, les grenades, cause des pertes sensibles aux compagnies en ligne. L'attaque d'infanterie allemande se déclenche massivement. Elle trouve un trou entre le 64° et le 24° bataillons, s'y infiltre, tourne la droite du 64° et la gauche du 24° : la brèche s'élargit. Les Allemands arrivent à la crête du plateau. La demi-compagnie de réserve, les pionniers, 4 mitrailleuses, en tout une cinquantaine d'hommes, font face à l'ennemi qui avance en rangs semés. Les chasseurs s'accrochent au terrain, fusils, grenades à main rentrent en jeu. L'ennemi décimé par nos feux hésite et se terre dans les trous d'obus. Craonne est sauvée, mais les Allemands sont maîtres du plateau.
A 14 heures, la contre-attaque française se produit, menée par le groupe franc du 9e groupe, les grenadiers du 64° B.C.A. et deux compagnies du 28° BCA. Nos 75, qui ont préparé la riposte, ont causé de grandes pertes aux Boches entassés. L'ennemi devant l'élan de la contre-attaque perd contenance et s'enfuit en désordre. Toutes les positions du plateau de Californie sont reconquises : le bataillon réduit à 100 fusils est relevé dans la soirée.
La bataille de Craonne demeure comme un des plus rudes épisodes de cette guerre. Elle montre ce que peuvent obtenir les moyens matériels, mais surtout, elle est la preuve vivante qu'une poignée de braves, résolus à se défendre coûte que coûte, peuvent sauver une situation critique : sans les 50 chasseurs qui, derrière quelques chefs énergiques, se sont accrochés à la contre-pente, le plateau de Californie était perdu pour nous ».

C’est ce jour-là que disparaissent ensemble François-Albert Teissonnière et Pierre-Auguste Simon. Tous deux sont indiqués comme tués à l’ennemi, mais en fait ils ont disparu et leur mort ne sera actée par le tribunal d’Alès qu’en 1921. Leur corps n’a pas été retrouvé ni identifié, car ils ne figurent dans aucun des nécropoles du secteur.

Pour les survivants la guerre continue, avec ses moments de gloire succédant à l’horreur et à la révolte.

Suite de l’historique du bataillon : « Le 14 juillet le 64ème BCA défile dans Paris, la foule enthousiaste applaudit les chasseurs, les comble de cadeaux, de souvenirs et d'affection. Jamais ceux qui ont été l'objet de cette ovation ne pourront l'oublier. Le 16 juillet, on embarque pour Soissons, cantonnement à la caserne. Aux Bovettes, une tentative allemande est brisée avec de fortes pertes. La 7ème compagnie, qui a contribué puissamment aux succès de la défense, est citée à l'ordre de la 66ème division, dans les termes suivants : « Sous le commandement du sous-lieutenant DANHAUSER, malgré les fatigues résultant du travail acharné fourni pendant six jours, sous de violents bombardements, a puissamment contribué, le 10 août 1917, à l'échec d'une violente attaque allemande, grâce à l'habile combinaison de ses feux ».

Le 4 août 1917, Edouard Chapeau a été victime de ces combats : il a été blessé par des éclats d’obus lors de l’attaque de la ferme d’Hommeret : plaie en séton à la fesse droite sans fracture de l’os iliaque, plaies au bras droit et au mollet gauche. Il est dirigé vers l’hôpital d’évacuation n°32 du Mont-Notre-Dame (Aisne), il y décède deux jours plus tard.


Cet immense hôpital de 3 300 lits, « superbement aménagé » avec ses services spécialisés de stomatologie, d’oto-rhino-laryngologie et ses importantes réserves constituées en prévision d’une offensive alliée fut rapidement débordé au printemps 1918 lors d’une grande offensive allemande. Avant d’être pris, le 27 mai, avec 700 blessés couchés et une grande partie de son personnel (425 sanitaires), il expédia 800 blessés à pied vers Fère-en-Tardenois. Le témoignage de l’officier d’administration Gouachon décrit, non sans humour et de manière imagée, l’occupation et le pillage systématique de l’HoE n°32 par les formations sanitaires allemandes : Feldlazarette n° 22, 26, 37 et le Kriegslazarett n° 52.

Figurant sur le monument aux morts d’Anduze ainsi que sur le Livre d’Or du ministère des pensions, Edouard Chapeau a été officiellement déclaré « Mort pour la France ».

A suivre…