187ème
semaine
Du lundi 25
février au dimanche 3 mars 1918
Ce blog se
poursuit sur un double plan temporel :
- avec une
correspondance exacte de cent ans pour les Anduziens
- avec une
chronologie reprise depuis le début 1914 pour les Tornagais
QUAND LA MORT EST SI BANALE
Louis-Julien
FORMENTAL,
caporal au 173ème Régiment d’Infanterie
Tué à
l’ennemi le 18 juin 1916 au bois d’Avaucourt (Meuse)
Louis-Julien
FORMENTAL est né à Tornac le 4 mai 1892, d’Albin-Michel et d’Anna-Louise
Blatière. Il est cultivateur. Il obtient un brevet d’aptitude militaire en
juillet 1913. Incorporé à partir du 9 octobre 1913 dans le 58ème RI, il y reste
au début de la guerre puis est transféré au 173 RI le 9 mars 1915. Passé
caporal le 6 juillet 1915.
Comme il est déjà
sous les drapeaux au moment du déclenchement de la guerre, Louis-Julien
Formental participe aux premiers combats de Lorraine, notamment à la
désastreuse prise du village de Lagarde, piège meurtrier tendu par l’artillerie
allemande à une armée française trop confiante. En une journée près de
1 000 hommes tués, blessés ou prisonniers. A Dieuze le lendemain le
désastre se poursuit: 1 150 hommes tués, il ne reste plus qu’une
poignée d’officiers. C’est une retraite en forme de débâcle, dont on fera
porter le poids de honte sur « les méridionaux » du 15ème corps.
Ensuite c’est la
bataille de la Marne en septembre 1914, puis de durs combats le 21 février 1915
dans la Meuse qui valent plusieurs citations à ce régiment.
Le 9 mars 1915, à
peine rentré au repos, Louis-Julien Formental est versé dans le 173 RI, sans
doute pour le renforcer à la veille des dures batailles qui vont suivre.
Historique de ce
régiment :
"LES ÉPARGES (Février
– Mai 1915)
Du 21 au 26 février
1915, à côté des 106e, 132e d'infanterie et 25e B. C. P., il prend part à la fameuse
attaque des Éparges. Plus tard, appelé à l'occuper, il conservera cette
position malgré de furieux bombardements et les violentes contre-attaques
ennemies.
Du 23 au 26 avril
1915, le régiment fait tête, avec le 67e d'infanterie, à l'attaque de trois divisions
allemandes, attaque précédée de trois jours de bombardement. Mais notre 3e
bataillon contre-attaque avec énergie, bouscule les éléments allemands qui
avaient réussi à pénétrer dans une partie de notre première ligne de tranchées
et dans la deuxième ligne de notre voisin de gauche (le 67e) ; il coupe ainsi à
l'ennemi la route de Verdun.
Les 3, 4 et 5 mai
1915, malgré une préparation d'artillerie d'une extrême violence, il repousse
l'aile gauche d'une division allemande qui, attaquant en direction de Mouilly,
cherche à faire tomber la hauteur des Éparges.
Le 8 juin 1915, le
régiment relevé, va tenir, pendant quelques jours seulement, un secteur entre Dompcevrin
et le Malin-Bois, faisant face au village de Chauvoncourt et à Saint-Mihiel.
LA GRUERIE (Mai –
Août 1915)
Après ce court
séjour, le régiment transporté en camions automobiles par Chaumont-sur-Aire, Rembercourt,
Sommeille, Givry-en-Argonne, vient cantonner à Vieil-Dampierre, d'où il est acheminé
par Sainte-Menehould dans le secteur Saint-Thomas, Vienne-le-Château, qu'il
occupe jusqu'au 18 août.
Pendant l'occupation
de ce secteur, le régiment tient tête aux violentes attaques lancées par les Allemands
dans et à l'ouest du bois de la Gruerie au cours des mois de juin et de
juillet. Il participe le 20 juin à une contre-attaque, rejetant les Allemands
des positions françaises dans lesquelles ils avaient pris pied au nord de
Vienne-le-Château.
Le 14 juillet, il
participe, avec une brigade coloniale, à une attaque française qui a pour
objectif les positions allemandes entre Servon et la route de Binarville.
Malgré la fatigue et les bombardements journaliers par torpilles et projectiles
d'artillerie lourde allemande, le régiment conserve intactes les positions qui
ont été confiées à sa garde.
Relevé le 13 août du
bois de la Gruerie, le régiment est transporté, en chemin de fer, à Largny, dans
la région de Villers-Cotterêts, puis, par voie de terre, il vient s'installer
dans les bois de Beau Marais (sud-est de Craonne) où il travaille à la
construction des parallèles de départ qu'il occupera lors du déclenchement de
l'offensive de l'armée française en septembre 1915. Des événements imprévus
l'ont empêché de prendre une part active aux combats qui se sont livrés à sa
droite.
Relevé du secteur de
Beau Marais et mis au repos dans la région de Jonchery, le régiment est alerté
le 21 octobre et transporté en camions pour remplacer dans les tranchées, au
sud-est de la Pompelle, un régiment territorial (118e) fortement éprouvé par
une attaque par gaz. Il occupe ce secteur jusqu'au 21 novembre, date à laquelle
il est relevé et envoyé au repos dans la région Nanteuil-la-Fosse,
Fleury-la-Rivière et Damery.
CHAMPAGNE (2
Décembre 1915 – Mai 1916)
Après un repos de
quelques jours, embarqué en gare d'Épernay, il débarque à Saint-Hilaire-au- Temple
et vient occuper, à partir du 2 décembre (relève célèbre par un temps affreux)
le secteur dit de « La Courtine », situé entre la Butte du Mesnil à l'est et le
ravin de la Goutte à l'ouest. Jusqu'au 2 mai 1916, le régiment ne participera à
aucune attaque et n'en subira aucune de la part de l'ennemi. Il n'aura à
supporter que des bombardements journaliers, parfois assez violents,
d'artillerie lourde ou de torpilles. Il s'emploiera surtout au renforcement des
organisations défensives de cette partie du front sur laquelle échouera
l'attaque allemande du 15 juillet 1918.
Le 2 mai 1916, il
est relevé et, par voie de terre, vient stationner en cantonnement de repos,
dans la région de Vitry-le-François, Saint-Armand-sur-Fion, Aulnay-l'Aitre. Il
y cantonnera jusqu'au 16 mai inclus.
VERDUN (Mai 1916 –
Octobre 1917)
Le 15 mai, le
général PÉTAIN, venu au 15e corps d'armée, fait connaître que le régiment va
être appelé à opérer sur la rive gauche de la Meuse, sur la cote 304, où se
continue la bataille de Verdun engagée depuis le 21 février 1916.
Le 16 mai, par voie
de terre, le régiment se transporte à Villers-Daucourt où il s'embarquera en chemin
de fer ; débarquant à Récicourt, il vient cantonner à Ville-sur-Cousances.
Le 19 mai 1916, dans
la nuit, le régiment monte en ligne sur la cote 304 (nord du village d'Esnes). Sur
cette position convoitée par les Allemands, où depuis des mois se déroule une
lutte acharnée précédée de bombardements d'une violence inouïe, point de
tranchées, point de boyaux ; des trous d'obus jointifs sans cesse bouchés, puis
recouverts par de nouveaux projectiles. Ravitaillement très difficile, rendu
même impossible certains jours, par une chaleur étouffante ; pas d'eau ; c'est
là que, jusqu'à la fin d'août 1916, le régiment, par périodes de huit à dix
jours, s'opposera, par une héroïque résistance, à la percée boche dans la
direction d'Esnes. C'est au cours de cette lutte sans merci que s'écriront les
plus belles pages, douloureuses souvent, mais combien glorieuses de l'histoire
du régiment.
![]() |
Le secteur de Verdun en juin 1916 |
Seuls, les faits
principaux vont être relatés. Mais on peut dire que, sur le front étroit occupé
par les bataillons, les combats ont été journaliers, menés de part et d'autre
avec une violence, une énergie, et une bravoure admirables.
Malgré les attaques
avec lance-flammes, malgré les bombardements où le 77 était inconnu, où les 150
et les 210 pilonnaient le terrain, réduisant tout en poussière, le régiment
peut dire avec fierté qu'il a conservé intactes les lignes qui ont été confiées
à sa défense, et qu'il a rempli la mission qui lui avait été imposée : « Tenir
à tout prix ».
COTE 304 (29 Mai
1916)
Le 29 mai au matin,
après un bombardement qui, de jour et de nuit dure depuis le 25, les Allemands lancent
deux violentes attaques à quelques heures d'intervalle l'une de l'autre. Ces
attaques sont précédées en avant d'un feu roulant d'artillerie lourde d'une
violence inouïe. Au déclenchement de l'attaque, dont l'effort se porte
principalement sur le 2e bataillon, les officiers et les hommes montent sur les
lèvres des entonnoirs et avec un adjudant qui brandit un drapeau tricolore,
reçoivent les Allemands à la grenade, au chant de la « Marseillaise » et au cri
de : « Les Boches, on les aura! ».
L'ennemi surpris,
hésite un instant; puis pris sous nos feux de mitrailleuses et un barrage de grenades,
reflue en désordre dans ses tranchées d'où il ne sortira plus. Les bataillons
sont alors soumis à un bombardement d'une violence inouïe.
À la suite de cette
magnifique résistance, le général de MAUD'HUY, commandant le 15e corps d'armée,
adresse au bataillon la lettre suivante : « Je suis heureux de vous transmettre les félicitations des généraux
PÉTAIN et NIVELLE pour votre conduite. J'y joins les miennes, affectueuses et
sincères. Dites à votre bataillon que je le félicite de sa belle tenue ; après
ce qu'il a fait, on peut avoir en lui une entière confiance à l'avenir ».
En outre, le colonel
DEMARET, commandant le régiment, reçoit du colonel STEINMETZ, commandant la
252e brigade, la lettre suivante : « Au
moment où le dernier bataillon du 173e R. I. (4e bataillon) va être relevé en
première ligne, je tiens à vous adresser les félicitations du général
commandant la 123e division, commandant le secteur de combat, et du général
commandant la 126e division, pour sa belle tenue et la conduite au feu de votre
régiment. Les 2e et 4e bataillons surtout se sont trouvés dans des
circonstances très difficiles et m'ont confirmé dans la confiance que je
pouvais avoir en ma brigade. Je suis fier de mes deux anciens régiments (173e
et 255e) qui ont enfin pu donner ensemble la mesure de leur moral et de leur
entrain. En accordant un souvenir ému à ceux qui sont tombés glorieusement dans
nos rangs, il faut songer à ceux qui se sont particulièrement distingués, et je
vous prie de bien vouloir m'adresser des propositions de récompenses. Les chefs
de bataillon COLLOMB et APPERT ont été l'âme de la belle résistance du 173e sur
la cote 304 contre la violente attaque allemande du 29 mai 1916, consécutive à
un long et intense bombardement de son artillerie lourde. Signé : STEINMETZ ».
Le 2e bataillon et
la 3e compagnie de mitrailleuses sont cités à l'Ordre de l'armée à la suite de
ces opérations : « ORDRE GÉNÉRAL N°
250 DE LA IIe ARMÉE Le général commandant la IIe armée cite à l'Ordre de
l'armée : Le 2e bataillon du 173e régiment d'infanterie, sous les ordres du
commandant APPERT : Soumis pendant plusieurs heures à un bombardement de gros
calibre et d'une violence inouïe, dans des tranchées ébauchées et sans abri, a
repoussé victorieusement, à deux reprises différentes, les attaques de tout un
bataillon ennemi, en s'élançant sur lui à la baïonnette en criant : « Les
Boches, on les aura! » et en chantant la « Marseillaise ». La 3e compagnie de
mitrailleuses du 173e régiment d'infanterie sous les ordres du capitaine ARMINGAUD
: Soumise à un bombardement des plus violents, dans une tranchée de première
ligne, sans abris, est restée stoïquement auprès de ses pièces, malgré les
lourdes pertes qu'elle a subies et au moment des attaques allemandes, a pris
par ses feux le flanc de l'adversaire et a puissamment contribué à repousser
l'ennemi et conserver intactes ses premières lignes. A perdu ses trois
officiers. Au Q. G. A., le 28 juin 1916. Le général commandant la IIe armée, Signé
: NIVELLE ».
![]() |
Le général Nivelle, complètement dépassé par les événements de Verdun |
A la suite de ces
attaques, le régiment est transporté en camions automobiles dans la région Robert-Espagne,
Beurey, où il stationnera jusqu'au 11 juin 1916 en cantonnement de repos. Rembarqué
à partir du 13 juin, il vient, en cantonnement d'alerte, dans les bois aux
environs de Montzéville, travaillant à l'organisation des positions puis
remonte à la cote 304, à partir du 25 juin. Mêmes bombardements violents, mêmes
attaques partielles journalières ».
C’est pendant ces travaux
de mise en défense que Louis-Julien FORMENTAL est tué le 28 juin 1916, lors des
combats du quartier M., commune d’Esnes (Meuse). La mort est si banale à ce moment-là
et à cet endroit-là que le JMO du régiment ne mentionne même pas les pertes.
Louis-Julien
FORMENTAL figure sur le Livre d’Or de Tornac, et sur son monument aux morts.
A
suivre…