PRESQUE SANS PERTES


190ème semaine

Du lundi 18 au dimanche 24 mars 1918

Ce blog se poursuit sur un double plan temporel :
- avec une correspondance exacte de cent ans pour les Anduziens
- avec une chronologie reprise depuis le début 1914 pour les Tornagais

DES MORTS DEVENUS INCONNUS

Albert-Ernest ROUX, 
marsouin au 37ème Régiment d’Infanterie Coloniale
Mort le 27 mars 1917 à Monastir (Bitola- Serbie)


Albert-Ernest ROUX est né le 28 février 1881 à Tornac, fils d’Ernest et d’Ernestine née Sabatier. Il est cultivateur. Lors de son appel en 1901, il est dispensé de service comme fils ainé d’une veuve. Il est quand même incorporé l’année suivante dans le 40 RI, régiment traditionnel des Gardois. Libéré en 1903, il est rappelé le 11 août 1914 et versé au 8ème Régiment d’Infanterie Coloniale, puis passe aussitôt au 37ème régiment de la même arme le 3 septembre 1914.

Pour lui c’est le parcours inévitable du soldat de cette guerre : les Vosges (septembre 1914-juin 1915),  Bois-le-Prêtre, la Champagne (1915), Maucourt (février-mai 1916), offensive de la Somme.

C’est au cours de cette offensive, à la Maisonnette qu’Albert-Ernest ROUX est cité à l’ordre du jour de la brigade le 11 août 1916 : « Pendant les attaques des 9 et 10 juillet 1916, a assuré le transport des blessés de la ligne de combat au poste de secours, faisant preuve sous la fusillade et les tirs de barrage de l’ennemi, d’un mépris absolu du danger ».
Historique du 37 RIC : « L'entrain, la vigueur offensive, l'esprit d'initiative et de persévérance de tous, cadres et soldats, ont été remarquables. Ce sont ces qualités qui ont mené le groupement nord, en 1 h. 15, à 1.500 mètres de son point de départ, enlevant 4 lignes de tranchées ennemies et faisant du coup plusieurs centaines de prisonniers et qui l'y ont maintenu ensuite pendant plus de trente six heures, malgré la pression de l'ennemi et un bombardement des plus meurtriers. Ce sont elles qui ont permis au groupement sud d'enlever de haute lutte la tranchée des Marsouins, à quelques mètres de laquelle il a pu attendre, pendant cinq heures, sous un feu terrible de mitrailleuses, une occasion favorable. Au moment du départ pour l'assaut, les sénégalais étaient souriants et vibrants d'enthousiasme. Ils partirent en chantant avec un calme et une résolution magnifiques. Dès que les rangs s'éclaircirent sous le feu meurtrier des mitrailleuses, pas une défaillance ne fut remarquée dans leurs rangs. Il en fut de même de la deuxième vague, malgré les pertes éprouvées sous ses yeux par la première. Elle se porta en avant sous les acclamations des Européens, fantassins ou artilleurs, restés dans la tranchée de départ et enthousiasmés par son attitude. Parvenus à quelques mètres de la tranchée ennemie, les survivants, fixés au sol, n'eurent plus qu'un désir : chercher à atteindre l'adversaire. On peut tout espérer de l'élan de pareilles troupes ».
Le 22 août, le régiment est relevé; il se rend par étapes au repos à Sarron, Bazicourt, Houdancourt; le 14 septembre, son drapeau reçoit la croix de guerre avec palmes avec la citation suivante : « Énergiquement commandé par le lieutenant-colonel Durand, le 37ème régiment d'infanterie coloniale (comprenant le 61ème bataillon de tirailleurs sénégalais) s'est particulièrement distingué, les 9 et 10 juillet 1916, par la ténacité et la vigueur de ses attaques. A enlevé de haute lutte cinq lignes successives de tranchées et une position très forte qu'il a conservée malgré les contre-attaques furieuses de l'ennemi. A fait 1.000 prisonniers ».

Fin 1916, le 37 RIC est transféré sur le front d’Orient, pour être jeté dans la bataille de Monastir, en Macédoine. Cette bataille devait permettre aux troupes françaises et serbes, commandées par le général Sarrail, de dégager la ville enserrée de près par les troupes germano-bulgares.


En novembre 1916, les forces de l'Entente avaient réussi à prendre Monastir mais la ville restait soumise aux bombardements quotidiens de l'artillerie bulgare en batterie dans le massif du Pelister à l'Ouest et sur la cote 1248 au nord de la ville. Sarrail planifie pour le printemps 1917 une grande offensive sur la Boucle de la Cerna et Doiran ; il a aussi planifié une attaque au nord et à l'ouest de Monastir pour donner à la ville, toujours sous le feu ennemi, un moment de répit.
Le 11 mars, les opérations entre les deux lacs ont commencé par un bombardement intense et une attaque par la 76e Division contre la Crvena Stena à l'ouest de Monastir, où elle s'est emparée de quelques retranchements fortifiés autour des villages de Dihovo, Trnovo et Snegovo. Mais la résistance de l'ennemi s'est révélée plus vigoureuse que prévu et avec un extrême mauvais temps, l'attaque a échoué. L'attaque française sur la cote 1248, qui devait avoir lieu en même temps, n'a commencé que le 14 mars. Le 18, après 4 jours d'engagements intenses, les Français (11e DIC) s'emparent de toute la cote 1248 aussi bien que du monastère fortifié de Krklino, faisant 1 200 prisonniers. Mais une contre-attaque, reprend une partie de la cote 1248, dont le sommet reste inoccupé par les deux parties. Monastir a été quelque peu dégagée, mais la ville est restée sous le feu ennemi jusqu'à l'Armistice, détruite à moitié par 20 700 obus. Environ 500 habitants ont été tués et 650 blessés.

Historique du 37 RIC : « Le 6 novembre 1916, le régiment est désigné pour faire partie de l'Armée d'Orient. Il embarque en chemins de fer à Crèvecœur-le-Grand à destination de Montluel (Ain). Le 4 décembre, le régiment part pour Marseille où il embarque du 4 au 11 sur l’Ionie, le Saint-Laurent, le Parana, le Basque, l’Arendja, le Colbert et le Paul-Lecat.

Le 24, l’Hellade était en vue et Salonique se dessinait toute blanche. Le régiment débarque le 26 et se rassemble au camp de Zeitenlick. Par étapes, il se porte à Petersko où il séjourne du 8 janvier au 3 mars 1917; c'est pour lui une période d'instruction et d'entraînement. Il se dirige ensuite dans la région de Sakulevo; le 20, dans l'après-midi, une escadrille de bombardement survole le bivouac de Jabjani et lance 76 bombes. Le 6e bataillon a, du fait de ce bombardement, 1 tué et 14 blessés; son mouvement vers Monastir, retardé par cet incident qui avait jeté du désordre parmi les animaux, reprit vers 17 heures et s'exécuta sans autre incident jusqu'à l'arrivée à Monastir; on s'installa au bivouac où l'on passa la nuit; le lendemain, le régiment cantonna chez l'habitant.


Le régiment relève le 371° d'infanterie qui, dans les jours qui ont précédé, a conquis plusieurs lignes de tranchées et a porté notre front jusqu'à la cote 1248. Cette position qu'il avait conquise de vive force lui a été reprise par un violent retour offensif des Bulgares; il réussit à leur rendre la position intenable et, au moment où nous arrivons, 1248 est « no man's land ». Le régiment a comme objectif la conquête de 1248; le résultat sera atteint quand il quittera ce point quelques jours après.

Soldats français sur les crêtes de Monastir en 1917
Dès la nuit qui suit l'occupation, des reconnaissances sont lancées en avant, elles permettent de se rendre compte que l'ennemi s'est reporté assez loin au nord de 1248; aussitôt une série de tranchées sont creusées, d'abord en deçà de 1248 pour renforcer notre position, puis les deux points situés à peu près à l'est et à l’ouest du sommet; deux tranchées sont ébauchées et se réuniront au nord de 1248 qui sera ainsi en notre possession. 3 boyaux de communication relient cette tranchée à notre front précédent. La position est rendue inexpugnable, et cela presque sans pertes. De hardies reconnaissances ont permis à nos hommes de travailler sans être inquiétés. Pendant le séjour à 1248, nous avons subi quelques pertes : 14 tués, 54 blessés, dont 5 officiers ».

Albert-Ernest ROUX fait partie de ces pertes. Il est noté comme tué à l’ennemi le 27 mars 1917.
Il est peu probable que son corps ait été rapatrié en métropole. Il a plus vraisemblablement été inhumé dans l’un des deux cimetières militaires français de Bitola, ex-Monastir :
-  le Cimetière militaire de Bitola, qui liste 6093 noms, mais pas celui de Roux
- le Mémorial-ossuaire de l'Armée d'Orient à Bitola : élevé « A la Gloire de l'Armée d'Orient », il est situé au centre du Cimetière Militaire Français. Les informations suivantes sont gravées sur ses faces : « Dans cet Ossuaire Mémorial ont été inhumés en 1921 les restes d'environ 7000 soldats Français de l'Armée d'Orient 1916-1918 Morts pour la France et la Serbie sur le Front de Macédoine et devenus Inconnus ».

Albert-Ernest ROUX figure sur le Monument aux morts de Tornac, ainsi que sur son Livre d’Or.

A suivre…