ENTHOUSIASME DÉLIRANT


194ème semaine

Du lundi 15 au dimanche 21 avril 1918

Ce blog se poursuit sur un double plan temporel :
- avec une correspondance exacte de cent ans pour les Anduziens
- avec une chronologie reprise depuis le début 1914 pour les Tornagais

LE PREMIER VILLAGE FRANÇAIS DÉLIVRÉ

Raymond-Louis BASTIDE
Soldat au 16ème Régiment d’Infanterie
Tué à l’ennemi le 13 avril 1917 à Oestres (Aisne)


Raymond-Louis BASTIDE est né le 10 février 1897 à Tornac. Il est donc de la classe 1917. Les documents concernant son parcours ne sont pas accessibles : il est déclaré comme ayant été recensé dans la Nièvre mais il ne figure pas dans la classe 1917 de ce département, ni dans les années précédentes. Il est incorporé dans le 16ème Régiment d’Infanterie comme soldat de 1ère classe. Cette incorporation a lieu par anticipation, cette classe ayant été appelée dès le dernier trimestre 1915.


L’incorporation ne signifiait pas la participation immédiate aux batailles, il y avait d’abord la formation, cinq à six mois, et l’immobilisation nécessaire pour les vaccinations. En 1914, la fièvre typhoïde avait affecté des dizaines de milliers de soldats de l’armée française, aussi les autorités sanitaires décidèrent-t-elles d’une vaccination systématique qui commença effectivement à la fin de 1915 et se généralisa en 1916. Quatre injections étaient faites, espacées de 7 à 10 jours. Les effets indésirables fatiguaient les hommes et la méfiance vis-à-vis des vaccins était grande. Mais le mois pendant lequel se faisait cette vaccination  n’était donc pas un mois de combats.

Quoi qu’il en soit, ce jeune soldat se trouve d’emblée mêlé avec son régiment aux plus terribles batailles de ce conflit. D’abord Verdun, que les Allemands ont attaqué le 22 février 1916, puis la Somme pendant l’hiver 1916-1917.

Au printemps 1917, c’est la bataille de l’Aisne et de Saint-Quentin.

Avec le repli de ses forces sur la ligne Hindenburg passant par Saint-Quentin, la décision est prise par l’armée allemande de vider la cité de ses habitants (43 000 habitants) en mars 1917 vers l’arrière, dans les villes du Nord et en Belgique. Certains habitants seront rapatriés en France, via la Suisse. Un pillage systématique est organisé. La ville, touchée jusqu’alors uniquement par les bombardements aériens concentrés sur le quartier de la gare, est désormais la cible des tirs de l’artillerie française et anglaise qui cherche à déloger l’armée allemande. Lorsque les soldats français du général Debeney entreront enfin dans la cité le 1er octobre 1918, tout ne sera que désolation.

Historique 16ème Régiment d’Infanterie:
« Les succès continus de l'Armée Française pendant l'année 1916 dans la Somme, ont permis de dégager Bapaume et Péronne et ont ouvert la route de Cambrai et de St-Quentin.
Les Allemands prévoient le danger et sans attendre une nouvelle attaque, ils éprouvent le besoin de rétrécir leur front pour éviter les désastres qui les menacent. Du 19 au 24 mars 1917, de l'Aisne à Arras, ils se retirent jusqu'à La Fère et Saint-Quentin en dévastant systématiquement tout le pays. C'est à travers un désert que nos troupes les poursuivent.
Le régiment se trouve depuis le 23 janvier dans le secteur de Lassigny. Des indices ayant fait supposer l'intention de l'ennemi de se retirer, sans accepter le combat, le régiment reçoit l'ordre d'exécuter un coup de main pour recueillir des renseignements. Brillamment commandé par les Lieutenants Villet et Jaupart, le groupe de volontaires pénètre dans les lignes allemandes, fait plusieurs prisonniers et revient sans avoir éprouvé de pertes. Les renseignements fournis par les prisonniers confirment en tous points la retraite allemande. L'ennemi enlève son matériel, évacue ses dépôts de munitions ; il se replie. Les reconnaissances se multiplient plus nombreuses et le 15 mars l'attaque générale se déclenche.

Les trois bataillons rivalisent d'ardeur. Joyeux de combattre à découvert, les hommes déploient une vaillance et une ardeur qui les portent sur le village de Lassigny, qu'ils enlèvent. C'est le premier village délivré, le premier village qui contient des civils français. Nos compatriotes, après deux ans et demi de souffrances, accueillent les soldats avec un enthousiasme délirant. Ils les embrassent avec un accueil inoubliable pour ceux qui l'ont vécu. La progression continue, on ne sent plus la fatigue, l'espoir grandit, une interrogation anxieuse se pose ; c'est peut-être la victoire !!! La délivrance de la France !!



La cavalerie entre en ligne et poursuit l'ennemi. Le 18, le régiment cantonne à Bussy. Dans ce village, les couleurs nationales flottent gaiement au vent, les habitants pleurent de joie.
Le lendemain, après une nouvelle marche, le régiment cantonne à Laneuville-en-Benne. Le 26 mars, il est dirigé sur Flavy-le-Martel-Jussy, pour l'organisation de la position. Des reconnaissances ayant permis de constater que l'ennemi occupe fortement le village et l'Épine-de-Dalon, le régiment se porte à l'attaque de cette position qu'il enlève brillamment. Continuant sa progression, avec un élan magnifique, il s'empare le lendemain du village d'Oestres, situé à moins de 2 kilomètres de Saint- Quentin. En liaison avec l'Armée Britannique (Division écossaise), la 25e D. I. se retranche à la fameuse ligne Hindenburg.

Le 13 avril, le régiment prend part à l'attaque de cette ligne, visant l'enlèvement de Saint-Quentin. Précédé d'un barrage roulant, les Bataillons se lancent à l'assaut du saillant de Rocourt couvert par trois rangées de réseaux intacts qui occupent une profondeur d'une centaine de mètres ; ils pénètrent jusqu'à la troisième tranchée ennemie, mais éprouvés par de lourdes pertes, ayant épuisé leurs munitions, ils sont forcés de céder devant un ennemi très supérieur en nombre et contre-attaquant avec fureur. A la suite de cette opération, qui permit au commandement de se rendre compte de la solidité de la ligne Hindenburg, deux compagnies du régiment furent citées à l'Ordre de l'Armée : 1re et 11e » :
Le général Humbert
- 4° Ordre N° 306 de la IIIe Armée du 30 avril 1917. La 11e Compagnie du 16e Régiment d'Infanterie est citée à l'Ordre de l'Armée. « Le 13 avril 1917, sous les ordres du Capitaine Peiriole, s'est portée à l'assaut des tranchées allemandes avec une résolution héroïque. A atteint la deuxième tranchée malgré un violent tir d'artillerie et le feu de nombreuses mitrailleuses. A repoussé une contre-attaque ; puis, débordée sur ses deux flancs par une seconde, se défendit avec une énergie digne de tout éloge, les hommes luttant jusqu'à la mort et faisant subir aux Allemands de très lourdes pertes. » Au Q. G., le 30 avril 1917. Le Général Cdt la IIIe Armée. Signé : Humbert.
- 5° Ordre N° 306 de la IIIe Armée du 30 avril 1917. La 1re Compagnie du 16e Régiment d'Infanterie est citée à l'Ordre de l'Armée. « Le 13 avril 1917, sous les ordres de son Chef, le Capitaine Voisin, s'est portée avec un ordre et une résolution dignes des plus grands éloges à l'attaque de la position ennemie. S'est emparé de trois tranchées successives, a résisté pendant une heure et demie de combat corps à corps à plusieurs contre-attaques allemandes et n'a regagné, pas à pas, sa base de départ qu'après avoir rempli sa mission et après avoir causé à l'ennemi les pertes les plus graves. » Au Q. G., le 30 avril 1917. Le Général Cdt la IIIe Armée Signé : Humbert.

Morts du régiment pour la période du 29 janvier au 16 avril 1917 (Saint-Quentin) : Officiers : Capitaines : 2. Lieutenants : 2. Sous-Lieutenants : 6. Sous-Officiers : 22. Soldats : 229.

Paysage calme avant la guerre
C’est au cours de cette attaque du 13 avril 1917 dans la banlieue de Saint-Quentin, à Oestres, qu’est tué le soldat Raymond-Louis BASTIDE. En fait il a sans doute disparu dans ces combats, car sa mort n’est officiellement constatée qu’en août 1921. Il figure sur le monument aux morts ainsi que sur le livre d’or de Tornac.

C’est juste à ce moment-là aussi qu’est déclenchée par le général Nivelle l'offensive française sur la Chemin des Dames, de sinistre mémoire.
A suivre…


Conclusion de l’historique du 16ème Régiment d’Infanterie :
N'oublie pas surtout tes compagnons tombés au Champ d'Honneur.
Ils dorment nombreux ceux qui n'ont pas vu luire la Victoire :
Ils ont fait noblement leur devoir et ils ont donné à leur Patrie
tout ce qu'ils pouvaient donner.
POILU DE LA GRANDE GUERRE, NE LES OUBLIE PAS