CONVOIS NAVALS



Du lundi 15 au dimanche 21 juillet 1918

ARMEMENT MILITAIRE DES BATIMENTS DE COMMERCE

Fleury-Emile GAILLARD
Apprenti marin
Mort le 9 septembre 1918 à Port-Louis (Morbihan)



Fleury-Emile GAILLARD est né le 7 janvier 1899 à Tornac. Quand éclate la guerre, il est domicilié à Boisset-Gaujac. Ce qui ne l’empêche pas d’être tourné vers la mer, car il est apprenti marin à l’AMBC (Armement Militaire des Bâtiments de Commerce) de Toulon. Ce qui veut dire qu’il est embarqué sur un navire civil, avec un statut militaire.

Dès que cette guerre a commencé, chacun des belligérants s’est efforcé de perturber le commerce naval de l’autre. L’Allemagne a notamment développé une importante flotte de sous-marins employés à couler le plus possible de cargos alliés.


Pour arrêter cette menace, et devant le nombre considérable des attaques au canon, un premier moyen s'est offert à l'esprit : armer les bâtiments de commerce. En septembre 1915, on commence par donner des canons de 47 millimètres à tous les transports de troupes ; puis, en novembre, une décision ministérielle affecte une pièce à tous les cargos de ravitaillement. L'artillerie employée consistait en 47 millimètres et 65 millimètres empruntés aux torpilleurs, et en canons de toutes provenances, 65 millimètres de côte et 75 millimètres de campagne français, 57 millimètres et 47 millimètres japonais ou italiens.

La grande difficulté à vaincre était de se procurer ce matériel d'artillerie, non prévu en temps de paix, et cela dans une période où les usines travaillaient jour et nuit pour l'armée de terre sans pouvoir rien distraire de leur activité en faveur de la marine.

On se rendra compte de la situation quand on saura qu'en octobre 1915, vingt et un navires de commerce seulement possédaient un unique canon de 47 millimètres. Cette pénurie de matériel n'était pas le seul obstacle : la question diplomatique venait encore poser devant les neutres le principe même de l’armement des bateaux marchands.

Armement d'un cargo civil
L'Allemagne avait naturellement élevé les plus vigoureuses protestations à ce sujet, car l'enjeu en valait la peine. Si les neutres admettaient, comme elle le désirait, que tout bâtiment portant un canon devenait par cela même un navire de guerre, le commerce de l'Entente était paralysé net. Obligés de ne stationner dans les ports étrangers que vingt-quatre heures au plus, les bâtiments ne pourraient y effectuer aucune opération. S'ils abandonnaient leur artillerie, ils retombaient sous la coupe des sous-marins, qui les détruiraient à plaisir.


L'abolition de la guerre de course en 1856 avait bien supprimé la faculté d'armer en guerre un navire de commerce, mais elle n'avait pas retiré à ceux-ci le droit de posséder des moyens de défense. Les rôles d'équipage français contenaient toujours une colonne intitulée : nombre, espèce et valeur des armes et munitions embarquées, dans laquelle était inscrit, le cas échéant, l'armement placé à bord après permission du chef de service de la marine, conformément à l'ordonnance du 12 juillet 1847, toujours en vigueur. Bien avant les hostilités, des bateaux de commerce, faisant des voyages dans certaines régions ou se livrant à des explorations, avaient reçu un armement, ce qui constituait autant de précédents sur ce sujet.

Néanmoins les Etats-Unis déclarèrent tout d'abord vouloir interdire leurs ports aux navires armés, puis ils autorisèrent un armement défensif, caractérisé par le petit nombre des canons, tous de faible calibre, la quantité restreinte des munitions, et l'absence de pièce placée sur l'avant, « en chasse ». Les réclamations allemandes se faisant toujours plus énergiques, le gouvernement des Etats-Unis adressa aux alliés un mémorandum, dans lequel il proposait la suppression de tout armement des navires de commerce contre l'engagement des empires centraux de ne plus torpiller sans avertissement préalable.

L'Entente refusa, et les choses en restèrent là. Une dernière tentative de l'Allemagne eut lieu le 10 février 1916 par l'envoi d'une note protestant contre l'armement offensif des alliés et citant de nombreux cas d'attaque des sous-marins par les navires de commerce armés. Aux termes de cette réclamation, 19 « agressions » de ce genre auraient eu lieu entre le 11 août 1915 et le 17 janvier 1916. Les pauvres sous-marins ne pouvaient plus canonner ni torpiller en sécurité !

Cette dernière manœuvre resta sans effet et l'armement des navires de commerce prit peu à peu son entier développement.


L'artillerie disparate qu'on avait employée tout d'abord présentait de nombreux inconvénients, pour l'instruction du personnel comme pour le ravitaillement en munitions. Au mois de mars 1916, une décision ministérielle vint unifier les calibres. Le 47 millimètres et même le 65 millimètres étant devenus insuffisants contre les 88 millimètres qui armaient les sous-marins, on adopta le 90 millimètres de côte sur affût de bord. Cette pièce n'était pas parfaite, et elle nécessitait la construction d'affûts spéciaux permettant au pointeur de suivre le but avec l'appareil de visée, ce qui est une obligation du tir des petites pièces à la mer. Mais on n'avait pas le choix, le 90 millimètres était le seul canon dont on pouvait disposer en nombre à ce moment. On en installa 1 300, tous cédés par le ministère de la guerre, et, en janvier 1917, l'armement des navires de commerce français put être fixé comme il suit :
1° Vapeurs de 500 tonneaux de jauge brute (1) et au-dessus : 2 pièces de 90 millimètres, une à l'avant, une à l'arrière ;
2° Voiliers de plus de 500 tonneaux de jauge brute : 2 pièces de 90 millimètres, toutes deux à l'arrière ;
3° Bâtiments de moins de 500 tonneaux : 1 ou 2 pièces de 47 millimètres, 57 millimètres ou 65 millimètres.

Ce programme fut réalisé en trois étapes : mise à bord de tous les vapeurs d'un canon, remplacement des canons de calibres trop faibles, armement de tous les bâtiments au-dessus de 500 tonneaux avec deux pièces de calibre égal ou supérieur à 90 millimètres. Ce n'est qu'en mars 1917 que la première étape a pu être considérée comme achevée ! On voit quelles occasions d'attaque au canon les sous-marins possédaient encore, et c'est ce qui explique l'accroissement incessant des pertes qu'ils firent subir jusqu'en juillet 1917.


Au 31 décembre 1917 la situation était meilleure. En ce qui concerne les navires au-dessus de 500 tonneaux : 520 vapeurs étaient armés, dont 242 avec 2 canons ; 65 voiliers étaient armés, dont 62 avec 2 canons. Pour ceux inférieurs à 500 tonneaux : 49 vapeurs étaient armés, dont 8 avec 2 canons ; 141 voiliers étaient armés, dont 17 avec 2 canons.

Pour surveiller cette organisation militaire des navires de commerce, assurer le bon entretien du matériel et l'instruction du personnel embarqué, le ministère de la marine dut créer des services qui finirent par constituer, au début de 1917, l'A. M. B. C. (armement militaire des bâtiments de commerce). Cette organisation avait lieu dans chaque arrondissement maritime avec centres commandés par des officiers dans les ports de commerce. Ces centres surveillaient la mise à bord du matériel, son entretien, ses réparations, le ravitaillement en munitions et l'instruction des canonniers. Des cours de tir étaient faits aux officiers de la marine marchande, avec exercices pratiques de réglage à la mer. Enfin une école de canonnage fut installée à Lorient pour fournir aux navires de commerce armés des pointeurs brevetés.


Toute cette organisation s'échelonna entre 1915 et 1916 et ne fut pas en plein rendement avant juillet 1917.

Fleury-Emile GAILLARD embarqua sans doute lorsqu’il eut 18 ans, mais nous ne connaissons pas son parcours. La seule information disponible le concernant est la date de sa mort, le 9 septembre 1918 (à l’âge de 19 ans), à l’hôpital de Port-Louis (Morbihan), avec la mention « Mort pour la France ». Il figure sur le Monument aux Morts et sur la stèle du temple de Tornac ainsi que sur le Monument aux Morts de Boisset-Gaujac.

A suivre…