LA FUREUR DES ENGINS



Du lundi 19 au dimanche 25 août 1918

LES HABITANTS ONT FUI, EN TRAÎNANT LEUR MISÈRE

Lucien SAUVEBOIS
Soldat au 356ème Régiment d’Infanterie
Mort le 5 octobre 1918 à Orfeuil (Ardennes)


Lucien SAUVEBOIS est né le 15 février 1880 à Tornac, d’Eugène et de Marie-Celina née Peyre. Il est coiffeur à Anduze en 1900. En 1901, quand il a 21 ans, il est appelé au 6ème Bataillon de Chasseurs à Pied. Il passe Chasseur de 1ère classe le 7 avril 1903. Libéré le 18 septembre 1904. Son service a duré près de trois ans. Il habite Paris en 1906. Il est mobilisé  le 2 août 1914.

Lucien SAUVEBOIS est affecté successivement :
- au 6ème Bataillon de Chasseurs à Pied le 2 août 1914,
- au 115ème Bataillon territorial de Chasseurs à pied le 8 mars 1915,
- au 348ème régiment d’Infanterie le 11 juin 1917,
- au 5ème régiment d’Infanterie Coloniale le 10 mars 1918,
- au 356ème régiment d’Infanterie le 14 août 1918.

Il a été blessé deux fois :
- le 4 septembre 1916 par éclat d’obus à l’épaule gauche,
- le 14 septembre 1917, plaie superficielle du cuir chevelu.

En Octobre 1918, le 356 RI se trouve en Champagne. Voici son historique :
« Le 20 septembre, le régiment est transporté en Champagne où la bataille est acharnée; le 3 octobre, il arrive à Sommepy où l’ennemi résiste éperdument; après une marche pénible, les bataillons prennent leur dispositif d'attaque à 1.500 mètres au nord de la localité; le 6e bataillon, à 9h30, bondit sur les positions adverses, malgré un feu roulant d'artillerie et de mitrailleuses. Il enlève des tranchées de haute lutte, mais son mouvement ne peut être continué, en raison des pertes trop lourdes; le chef de bataillon Rueff est grièvement blessé.

Le 4 octobre, l'engagement est repris avec une vigueur nouvelle; l'ennemi inonde le terrain de gaz vésicants; le bombardement redouble de fureur et empoisonne le sol d'ypérite dont la vapeur sournoise et invisible s'attache aux vêtements et brûle les poumons, les yeux et la peau; dans cette atmosphère infectée, les compagnies d'assaut se battent énergiquement; la crête d'Orfeuil est conquise; sans trêve, obus explosifs et toxiques s'abattent sur les premières vagues; héroïquement, elles font tomber l'un après l'autre tous les centres de résistance sur le terrain ravagé par la mitraille et arrosé d'une pluie de balles.


Au delà de la crête d'Orfeuil, les positions allemandes paraissent inexpugnables; elles sont abondamment pourvues de réseaux barbelés et garnies de mitrailleuses. L'adversaire est résolu à les disputer chèrement; la puissance des obstacles à forcer décuple l'ardeur du régiment. Le 6 octobre, il doit atteindre la lisière nord du bois du Château de Bémont, appuyé par les artilleries de plusieurs divisions et un bataillon de chars blindés. Les batteries françaises exécutent leurs tirs destructifs qui durent toute la journée du 7 octobre; le 8, le 5e bataillon (compagnies Dauphin et Gaupillat) attaque le formidable retranchement d'Orfeuil. Après la préparation terrifiante, un long silence précède immédiatement la fureur des engins : grenades, obus et balles, et le combat débute avec une violence sans précédent. La fumée envahit et voile tout le secteur; elle s'amoncelle en nuages et les squelettes des arbres semblent encore plus déchiquetés dans le paysage tragique. Malgré un déluge inouï de projectiles, les lignes ennemies sont abordées et franchies : une quarantaine de prisonniers et une vingtaine de mitrailleuses sont capturés.

Manchette du journal L'Union en 2008
L'avance se poursuit dans de bonnes conditions. A 6h 45, le bataillon atteint les baraquements nord du Wallemuller Lager qui flambent; à 7h 30, l'adversaire se ressaisit et contre-attaque la 17e compagnie. Il a reçu des renforts et essaie de briser l'offensive du régiment. La lutte va jusqu'au corps à corps et les mitrailleurs gris-vert sont cloués sur leurs pièces. Les vagues d'assaut sont cependant obligées d'arrêter leur manœuvre et de se terrer. Le 9 octobre, la résistance acharnée des-Allemands empêche de continuer la progression, leur artillerie tonne avec frénésie et ses barrages sont infranchissables. Le 10, sous la poussée continuelle des compagnies de première ligne dont l'intrépide élan ne faiblit pas, malgré l'ouragan de fer qui s'abat sur elles, l'ennemi enfin cède et bat en retraite vers l'Aisne. Le régiment débouche à la lisière nord du bois du Coq et occupe le château de Bémont. Le 11 octobre, il commence une poursuite ardente, les arrière-gardes sont talonnées de près et pressées par les reconnaissances des bataillons de tête qui traversent les longues plaines des Ardennes évacuées avec une hâte de débâcle, Machault, dont une partie brûle, est dépassé au pas de charge; Leffincourt est atteint et le 12, à 19 heures, le 356e parvient à Attigny, sur la rive sud de l'Aisne. Le village est en flammes; le pays est dévasté et désert, les habitants ont fui l'orage en traînant leur misère; ceux qui sont restés ont été groupés dans les ruines et sont encore hébétés du bombardement qu'ils ont subi; les Allemands se sont établis sur les hauteurs de la rive nord de la rivière dont le passage ne peut être opéré par surprise; un temps de répit est marqué; la pluie tombe depuis quelques jours, pénétrante et glacée. Les hommes sont couverts d'une boue grasse et exténués. Le 22 octobre, le régiment est retiré de la bataille et stationne dans les camps, au sud-est d'Orfeuil.


Une deuxième citation à l'ordre de l'armée récompense sa bravoure et sa crânerie à la suite de cette dure période de combats journaliers : « Ordre de la IVe armée - Pendant la période du 4 au 13 octobre 1918, a fait preuve, sous les ordres du colonel Lamboley, d'un mordant, d'une ténacité et d'une endurance qui ont eu raison d'un adversaire opiniâtre et, puissamment armé de mitrailleuses. A réussi, après huit jours de combats incessants, à refouler les Allemands sur 3 kilomètres de profondeur au delà de leurs derniers retranchements, sur lesquels ils avaient offert, après s'être renforcés, une résistance acharnée. S'est élancé ensuite à leur poursuite jusqu'aux rives de l'Aisne et a réalisé au total une progression de 20 kilomètres. A fait 150 prisonniers et capturé un canon de 88, 93 mitrailleuses, dont 31 lourdes, et un matériel de guerre important ».


C’est au cours de cette offensive sur Orfeuil que Lucien SAUVEBOIS est tué à l’ennemi le 5 octobre 1918.


Il figure sur le Monument aux Morts de Tornac, ainsi que sur le Monument aux Morts et sur le Livre d’Or d’Alès.
A suivre…