EN AVANT, EN AVANT !


Du lundi 2 au dimanche 8 septembre 1918

ILS VEULENT PASSER, ILS PASSERONT

Paul-Emile LAURENT
Soldat au 55ème Régiment d’Infanterie
Disparu le 12 octobre 1918 à Seboncourt (Aisne)


Paul-Emile LAURENT est né le 30 juin 1884 à Anduze, de Paul et de Marie née Bastide. En 1904, il est cultivateur. Pour son service il est incorporé le 9 octobre 1905 au 40ème Régiment d’Infanterie de Nîmes, comme la plupart des Gardois, il y reste deux ans. Il y revient le 4 août 1914 et participe aux tous premiers combats en Lorraine.

Il est blessé le 8 septembre 1914 de trois balles : dans la cuisse gauche, dans la cheville gauche, dans le mollet droit. De nouveau blessé le 25 juin 1915 par un éclat d’obus au poignet droit. Puis encore le 9 août 1918 avec une plaie contuse au bras droit.

Il passe au 112ème Régiment d’Infanterie le 9 mars 1915, puis au 55ème Régiment d’Infanterie le 4 juillet 1917.

Paul-Emile LAURENT a déjà fait trois ans de guerre, dans les régiments d’infanterie les plus exposés. Rares sont sans doute les lieux de combats les plus fameux dont il n’ait pas goûté la poussière ou la boue. Avec son nouveau régiment il n’est pas plus épargné, mais son passage y commence en fanfare : « Le 11 juillet, un détachement du régiment, composé du capitaine Juanahandy, des sous-lieutenants Bourguet et Bruguière (porte-drapeau), de la garde du drapeau et d'une section de 30 hommes, se met en route pour Paris, où il assiste à la grande revue des drapeaux passée, le 14 juillet, par le Président de la République, devant une foule qui, en proie à la plus grande ivresse patriotique, pleure, sourit et couvre de fleurs les combattants » (Extrait de l’historique du régiment).

Le retour au réel ne tarde pas : en août 1917, le 55ème RI reçoit un déluge d’obus à gaz, conquiert Samogneux sur la rive droite de la Meuse, et reçoit pour cela le 20 septembre une citation à l’ordre de l’Armée : « Sous la tenace et énergique impulsion du lieutenant-colonel Vignal, chef de corps de la plus haute valeur morale, le 55ème régiment d'infanterie s'est montré un régiment de tout premier ordre, magnifique de bravoure, de ténacité et d'allant. Après avoir conquis, le 20 août 1917 une première position, a, le lendemain enlevé pied à pied et sans arrêt le village de Samogneux et plusieurs lignes de tranchées solidement organisées, malgré de nombreuses mitrailleuses et des réseaux de fils de fer presque intacts. A fait plus de 300 prisonniers et un important butin dont 11 mitrailleuses ».


En 1918, le 55ème RI se trouve en Lorraine. Historique du régiment :
« Du 4 novembre 1917 au 1er juin 1918 le régiment reste en Lorraine et assure la garde de différents secteurs, en général assez calmes, car la Seille, qui sépare nos positions des lignes allemandes, grossie par les pluies, est un obstacle sérieux à toute action offensive si petite soit-elle. Pendant cette période, le 55ème régiment d'infanterie ne prend pour ainsi dire aucun véritable repos. Tous ceux qui ont passé au régiment l'hiver 1917-1918 n'oublieront jamais le secteur sud, comprenant les quartiers de Brin, Quercigny, Candale, le secteur nord, divisé en trois sous-secteurs : Bois Rappout, bois d'Ajoncourt et tuileries de Jeandelaincourt ; le secteur de Jeandelaincourt (Haut-de-Trappes – bois d'Aulnois – bois de la Fourasse) et celui de Lixières (CR des Quatre-Fers et C.R. Nomeny). Tous ceux qui, dans cette région à quelques kilomètres à peine de la ville de Metz dont ils apercevaient les clochers, maintinrent pendant plusieurs mois l'ennemi en respect, vibreront toujours à l'évocation des noms fameux de Fleur-Fontaine, Lanfroicourt, Armancourt, Face, Bioncourt, côte 244, Leyr, La Noue-Fessin. Array-et-Han, Chenicourt et Létricourt !
Cette période de tranchée, relativement calme, est marquée toutefois par un travail actif d'organisation, par une incessante vigilance (troupes alertées tous les matins à la pointe du jour) et par quelques actions importantes.
A la suite des rudes journées du mois d'août, où le régiment se couvrait de gloire dans les plaines d'Arvillers et de Fresnoy-les-Roye, le 55ème régiment d'infanterie, après quelques temps de repos à Hardivillers, se met en route par étapes, pour se rapprocher de la ligne de combat.
Le 8 octobre, il coopère aux attaques menées par la 47ème division d'infanterie et, le 9 octobre, dépassant les troupes de cette unité, il rentre définitivement en ligne.
Journée du 8 octobre
Mission : appuyer l'attaque de la 47ème  division d'infanterie.
Le bataillon Greusard (dont fait partie Paul-Emile Laurent) appuie le mouvement sur le village de Fontaine-Uterte, en protection d'aile gauche : les unités se déploient entre Séquehart et Chardon-Vert, direction est, et avancent, malgré les tirs nourris d'obus de tous calibres et toxiques que les Allemands dirigent sur elles.
Au cours de la progression, la section de mitrailleuses du sergent Douguet réduit deux mitrailleuses ennemies cachées dans le bois des Contrebandiers et qui gênaient sérieusement nos mouvements. D'autre part, la 7ème compagnie, en liaison avec l'armée britannique, capture une vingtaine de prisonniers et plusieurs mitrailleuses.
Journée du 9 octobre
La traversée des crêtes à l'est de Fontaine-Uterte et au sud de Fresnoy-le-Grand, sous un barrage d’obus de tous calibres et sous de violents tirs de mitrailleuses, est très pénible. L'ennemi est décidé à tenir opiniâtrement le bois des Etaves; la lutte est chaude, nos rangs s'éclaircissent, mais les hommes du bataillon Gillon n'en continuent pas moins la lutte avec acharnement.
Ils veulent passer, ils passeront !
Le bataillon Greusard, en soutien du 1er bataillon, marche sur le bois des Etaves, marche d'approche pénible, car l'ennemi réagit énergiquement. Le bataillon prend position sur la voie ferrée (le long du talus), à l'est de Fresnoy-le-Grand; il exécute des reconnaissances sur le bois des Etaves, occupé par l'ennemi, et dont le glacis ouest est constamment balayé par des rafales de mitrailleuses ennemies.


Journée du 10 octobre
Le bataillon Greusard, après avoir nettoyé le bois des Etaves, appuie le mouvement du 1er bataillon sur le village de Seboncourt, qu'il déborde par le nord, à 9 heures. Au cours de l'après-midi, la position occupée par le bataillon est prise à partie par l'artillerie ennemie, les liaisons sont très difficiles; les hommes sont cloués au sol. A 14 heures, la 6ème compagnie renforce le 3ème bataillon, qui attaque la femme Retheuil et prend sa large part des mille difficultés que rencontre le bataillon Canavy.
Le mouvement se déclenche vers 12 heures, mais l'ennemi, sur ses gardes, ne tarde pas à voir les unités qui avancent et à diriger sur elles des tirs d'artillerie et de mitrailleuses d'une violence inouïe. La progression est très difficile, surtout pour la droite du bataillon qui se trouve prise par des tirs de flancs venant de la ferme forte, qui n'a pu être enlevée par le 173ème  régiment d'infanterie. La compagnie de gauche (10ème  compagnie) est également prise sous un tir violent de mitrailleuses venant de la lisière ouest de la forêt d'Andigny, dont les Anglais n'ont pas cherché à s'emparer.
A la tombée de la nuit, le mouvement est repris; les obus pleuvent de tous côtés, mais qu'importe ! Il faut faire reculer le Boche; tous le savent et, dans une sereine gravité, marchent droit au but.
Des avions allemands survolent le bataillon, descendent bas, mitraillent la troupe, les canons crachent, illuminant le ciel. L'heure est tragique, émotionnante. Il fait presque nuit : En avant, en avant !
Le terrain est particulièrement difficile, bouleversé par les obus, mais les hommes avancent quand même et, dans une énergique nuée, atteignent la ferme la Marlette, où ils font une quinzaine de prisonniers. De nombreux cadavres allemands jonchent le sol. La 11ème  compagnie occupe la ferme, la 10ème  compagnie se retranche sur la route Bohain à Aissonville. La 9 compagnie se porte à la sortie nord-est de Seboncourt. Cette journée a été une des plus brillantes. Les compagnies sont réduites à 25 combattants à peine, mais l'enthousiasme et l'énergie n'ont pas faibli.
Journée du 11 octobre
Le bataillon Greusard est en soutien du 3ème bataillon. Les emplacements qu'il occupe sont battus vigoureusement par l'artillerie qui emploie des obus toxiques. Le 2ème bataillon relève à 23 heures le 3ème  bataillon.
Dans la nuit du 11 au 12 octobre, le 1er bataillon relève le 2ème bataillon aux lisières de Seboncourt.
Journée du 12 octobre
A midi, le 2ème  bataillon attaque les objectifs suivants : ferme Retheuil, cote 155, point 8108. Il colle au barrage, mais ne peut avancer, ses vagues d'assaut étant brisées par des feux violents de mitrailleuses ennemies. Il est, d'autre part, violemment pris à partie par l'artillerie ennemie. Le lieutenant Lévy, commandant la 7ème  compagnie, prend à partie un groupe de mitrailleuses allemandes et combat énergiquement à les réduire; sa conduite fait l'admiration de tous ceux qui l'entourent. Le lieutenant Lévy est tué. Le sous-lieutenant Queguiner est remarquable d'audace et de sang-froid : il essaye d'avancer, mais se heurte, avec sa section, à des réseaux de fils de fer absolument intacts.


A 12h30, nouvel essai infructueux, malgré la contre-batterie des mitrailleuses de la C.M/2 et les tentatives de débordement des 5ème et 6ème compagnies sur la ferme Retheuil. Le bataillon Greusard s'installe, sous les rafales adverses, sur le terrain gagné. Nuit très agitée. Tirs d'obus toxiques. La troupe se bat avec le masque et fait preuve d'une endurance au-dessus de tout éloge ».

La ferme Retheuil aujourd'hui
C’est dans ce combat du 12 octobre 1918 que Paul-Emile LAURENT disparait. Il a été décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre avec palme. Il est mort à la ferme Retheuil de Seboncourt (Aisne). Il est déclaré avoir été été inhumé au cimetière militaire de Séboncourt, quartier d’Ecaille. En fait cette dernière mention de son registre matricule semble fausse, car il a disparu sur le champ de bataille. A moins que son corps n’ait fait partie de ceux qui n’ont pas pu être identifiés, déposés dans une tombe commune anonyme. Son décès ne sera officiellement reconnu que le 23 février 1922.

Paul-Emile LAURENT figure sur le Monument aux Morts et sur le Livre d’Or d’Anduze.

A suivre…