FLANDRES



Du lundi 28 octobre au dimanche 3 novembre 1918

LE COURAGEUX BRANCARDIER

Charles-Auguste JEAN
Soldat au 401ème Régiment d’Infanterie
Mort le 22 avril 1919 à l’hôpital de Nîmes


Charles-Auguste JEAN est né le 26 janvier 1884 à Anduze, fils de Charles et de Marie-Delphine née Buiscuit. En 1904, il est peintre en voiture, il habite Anduze puis Alès. Son registre matricule le signale comme ayant un degré exercé d’instruction.

Il est incorporé le 9 octobre 1905 au 40ème Régiment d’Infanterie de Nîmes, libéré le 24 septembre 1907. Rappelé le 4 août 1914 par la mobilisation, il réintègre ce régiment avant de passer le 9 janvier 1917 dans le 401ème RI.

Il s’illustre le 26 octobre par une action qui lui vaut d’être cité à l’ordre du régiment le 11 novembre 1917 : « Soldat brancardier, au cours de l’attaque des 26 et 27 octobre 1917 a fait preuve de courage et de dévouement en accomplissant son service dans des conditions extrêmement difficiles et périlleuses ». Cette citation s’accompagne de la Croix de Guerre.


En octobre 1917 le 401 RI se trouve en Belgique. Voici le récit de ces journées selon l’historique de ce régiment :
« ATTAQUE DES FLANDRES. — Vers la forêt d'Houthulst 26 et 27 octobre. — L'attaque est décidée et fixée au 26 octobre ; les ordres préparatoires sont donnés, tout est prêt, et le 25 octobre le régiment quitte la région de Calais et s'installe sur ses positions de départ.
Le régiment a à surmonter des obstacles nombreux ; les pluies ont détrempé le terrain qui ne forme plus qu'un vaste marécage ; les trous d'obus transformés en mares présentent un danger constant ; la marche est rendue difficile ; de plus sur l'itinéraire de l'attaque se trouve un ruisseau grossi par les pluies et aux abords impraticables (le Cowerbeck). La tâche du régiment est rude, mais il doit atteindre ses objectifs : Aschoop, Klostermolen, in den Hemel Cabaret ; ses chefs le lui ont demandé et il les atteindra.


LA JOURNÉE DU 26 OCTOBRE. — Le passage du Cowerbeck a été préparé par un peloton de la compagnie du génie 28/4 qui a jeté six passerelles sur le ruisseau. A partir de H-2 h, c'est-à-dire à 4 heures, les compagnies de première ligne du I/401 (1re et 3e) effectuent le passage en y apportant, au milieu des difficultés les plus considérables, le soin, la minutie et l'ordre nécessaires. Ce passage n'éveille pas l'attention de l'ennemi, même à la Ferme de Poitiers, qui se trouve cependant à très courte distance de la première ligne. A l'heure H, 6 heures, le barrage roulant d'artillerie se lève, et le I/401, sous le commandement du chef de bataillon Ehret, entame sa progression. La lenteur du déplacement du barrage correspond très exactement aux énormes difficultés du terrain où l'enlisement se produit à chaque instant ; l'excellence de ce barrage et l'énergie déployée par tous viennent à bout des difficultés, et la progression se réalise avec un ordre parfait. Cependant, un incident se produit presque immédiatement à la Ferme de Poitiers, nid de résistance de mitrailleuses. C'est la compagnie de gauche (3e compagnie, lieutenant Melenec) qui le liquide par la méthode habituelle : la concentration de tous les moyens de feu possibles sur le nid de résistance et la manœuvre par quelques groupes audacieux qui, entraînés par le sergent Dupont et l'adjudant Tison, débordent, massacrent ou capturent les défenseurs.
La Ferme de Poitiers nettoyée, le I/401 atteint son objectif et le dépasse même, des groupes de combat poussant jusqu'à la tranchée du Tour, alors inoccupée, et au nord du carrefour de la Buse. La liaison est exactement établie, d'une part avec le 1er R. I. parvenu à la lisière nord du bois de Papegoed, d'autre part avec le 321e R. I. qui a dépassé la ferme Draïbank.

Paysage des Flandres
LA JOURNÉE DU 27 OCTOBRE. — L'attaque reprend le 27. A 5 h. 15, le I/401 continue son mouvement sur les traces du barrage roulant et sous un violent barrage d'artillerie adverse ; malgré la résistance rencontrée en certains points de la tranchée du Tour, celle-ci est submergée et l'objectif du deuxième bond est atteint. Le I/401 a souffert, il est à bout de souffle, mais son moral est très exalté et l'arrivée sur ses pas du II/401, à qui il passe la main, le rehausse encore.
Dès le 26, le chef d'escadrons de Ganay, commandant le II/401, tout en maintenant son gros dans la zone Ferme des Lilas — Camélias, avait poussé une avant-garde, la 7e compagnie, sur la rive est du Steenbeck, dans la région du Gourbi, et exécuté toutes reconnaissances nécessaires en vue de l'attaque à prendre à son compte à la suite du I/401.
Le 27, à l'heure H, le II/401 franchit le Cowerbeck, atteint la Ferme de Poitiers et exécute son déploiement, ses trois compagnies accolées, en raison du front futur à occuper. A 7 h.10, heure fixée pour le passage de ligne, le II/401 est accueilli par un feu intense de mitrailleuses partant de l'important centre de résistance de Klostermolen : il se terre. Malgré tous les efforts déployés, les liaisons ne fonctionnent pas. Mais aussitôt est montée par le commandant du II/401 la manoeuvre pour l'enlèvement de Klostermolen avec ses moyens propres : aveuglement de la garnison par le feu d'infanterie, glissement sur les ailes de la 7e compagnie (capitaine Saval) de trous d'obus en trous d'obus en vue du débordement ; le grenadier Pages (aujourd'hui médaillé militaire et chevalier de la Légion d'honneur) tue sur leurs pièces à coups de grenades les mitrailleurs adverses qui tirent jusqu'au bout, et Klostermolen est à nous. Le reste de la journée est employé à réorganiser les unités, à réaliser une occupation rationnelle du terrain conquis et à rectifier certaines parties du front ».


Ensuite, le 401 RI reste dans la région des Flandres, secteur de Nieuport. En mars 1918, il est chargé de contrer une offensive allemande d’envergure dans la Somme. Sous la pression il est débordé et doit se replier, ses pertes sont énormes.

« Le 31 mars. — La situation est redevenue très critique en raison de la faiblesse de nos troupes décimées et épuisées, mélangées à des unités alliées fatiguées, en nombre trop restreint (un millier d'hommes au plus sont égrenés sur 4 kilomètres de front), à l'éloignement de l'artillerie d'appui, à la difficulté d'assurer les liaisons. Quoi qu'il en soit, tout le monde est résolu à tenir coûte que coûte pour maintenir la liaison avec les troupes britanniques et éviter, le cas échéant, « de se laisser couper de la division ». Cette résistance lui vaut une citation à l’ordre de l’armée : « Le 401e régiment d'infanterie. Au cours des opérations qui se sont déroulées du 23 mars au 3 avril 1918, s'est montré d'une ténacité, d'un courage et d'une endurance remarquables. Énergiquement commandé par le lieutenant-colonel Bornèque, il a disputé pied à pied le terrain à des attaques ennemies très puissantes et a donné un bel exemple de sacrifice ».

En avril et mai 1918, retour dans les Flandres, puis envoi dans la région de La-Ferté-sous-Jouarre pour contrer une nouvelle offensive allemande. En août, le 401 RI passe à l’attaque dans le secteur de Montdidier, bombardé par obus asphyxiants, il éprouve de lourdes pertes. 


En octobre, il participe à la reprise de Saint-Quentin, début novembre il combat encore pour avancer sur les lignes allemandes. L’armistice le fige sur le village de Chimay, qui accueille ses libérateurs avec une grande joie. « Beaucoup de prisonniers français, militaires et civils, se sont évadés des camps allemands et rentrent dans nos lignes miséreux et sans force. Leur défilé lamentable continuera les jours suivants ».

On ignore à quelle date le soldat Charles-Auguste JEAN a quitté son régiment pour être hospitalisé, ou s’il a été démobilisé avant de tomber malade. Son registre matricule précise qu’il a été versé dans l’armée territoriale le 1er octobre 1918. En raison de son âge (34 ans), de son état de santé ? Toujours est-il qu’il est hospitalisé à l’hôpital mixte de Nîmes où il décède le 22 avril 1919 de maladie (urémie, insuffisance rénale grave) reconnue comme ayant été due au service.

Il figure sur le Monument aux Morts d’Anduze ainsi que sur la stèle commémorative de l’église Saint-Etienne, mais pas sur son Livre d’Or. Il figure aussi sur le Monument aux Morts et sur le Livre d’Or d’Alès.
A suivre…